Ernest Hemingway avait tort, l’armée n’a rien de cet infini combat incessant qu’est la vie. De nos jours, un vieux général à la main brisée ne peut pas « éduquer » une jeune fille de plus de la moitié de son âge au grand jeu de rôle de l’amour. Plus rien n’est comme avant, tout est brisé, et « au-delà du fleuve et sous les arbres » montrent que le temps est un rempart à la compréhension niaise qu’on a pu avoir à une époque (celle de la rédaction du livre, par exemple?) puisqu’aujourd’hui la jeune bourgeoise serait une accro blasée tournant à l’héroïne dans un monde en totale décomposition merdique. Bien sûr, les gauchos peuvent se révolter jusqu’au tombeaux, au détour on peut rajouter d’Hemingway le côté facho quand il évoque n’avoir jamais été capable de haïr un seul antisémite de toute sa foutue vie. Oh pardon, il s’agit là de son colonel, le personnage, ce vieil homme au seuil de la mort tenant un discours blasé sur le monde, prodiguant les derniers conseil en guise de dernière onction, avec un traquenard bien dressé dans le pantalon pour dire à la vie « je t’encule pleinement, vieille salope ». Mais c’est faux, oui, tout est faux dans ce livre, si ce n’est la beauté italienne du décor, la réalité faisant qu’on a pu se battre ici lors de quelques guerres mémorables, mais il faudrait bien plus de fric nous dira-t-on pour se baiser une pouliche pareille car de nos jours on ne croit plus en l’amour, dixit le dieu-dollar parlant à travers nos bouches de blaireaux demis-mous. Livre alors partagé, émotions imprécises, puisqu’après tout, un colonel en train de mourir d’une manière allégorique, avançant tout au long du récit jusqu’à sa mort, le récit à de quoi donner quelques bons espoirs. La lenteur du récit ajoute aussi à son charme, on tourne les pages comme on tarde à s’approcher de la tombe, on redoute le pire. Puis vient enfin la fin, quand on referme la vie comme Hemingway clôtura la sienne juste après, ou pas loin après, c’est selon. En juillet 1961 il retourne contre lui son fusil et tire, écrivant un ultime chapitre à ce livre avec son propre sang. C’est vendeur de nos jours, diront les plus osés.