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06/08/2011

97. If I Were A Rich Man



La démarche légèrement teintée de désespoir, c'est à dire les épaules abattues, comme si elle portait le poids du monde entier sur son dos, elle remonta la rue de la soif. Par dépit, elle songeait souvent à se laisser tenter de rentrer dans l'un de ses restaurants, demandant un plat chaud fait de poissons pour la plupart. Elle n'avait malheureusement plus assez d'argent, alors venait le cafard, l'envie d'en finir d'un coup comme ça, se jeter du huitième étage (si dans cette foutue ville ça existe) ou un bol entier de pilules. Y'avait aussi la pendaison. Se jeter sous les roues d'un engin. Mille manières différentes d'en finir. Mais ce qui la tenait envie c'était le roman de la peur, un livre de 1800 pages reliées entre elles par du fil, dos plié, couverture semblable à du carton. Ce livre, elle l'avait bientôt fini, elle voulait déjà le relire. C'était comme si l'auteur avait enfin pu la comprendre dans toutes ses années de galère à balayer dans le moindre coin de la ville. Elle avait mal de partout, ne connaissait ni les grasses matinées ni les congés. Les vacances, c'était pas pour elle tout simplement. Il y'avait le livre, un point c'est tout. Le loyer à payer aussi. Les courses. S'occuper des enfants, pas un instant à elle. Les rumeurs de ses fils, d'ignobles assassins coureurs de jupons qu'elle avait délaissés parvenait parfois jusqu'à elle, elle faisait la sourde oreille, se replongeant dans sa lecture. Et Sonia qui revenait en boîtant, la mine déconfite, les paupières cernées de la nuit passée. Elle venait embrasser sa mère avant de se coucher aux aurores, sentant encore cette maudite odeur de sperme, de sang, d'alcool et de tabac froid qu'on chasse à renfort de parfum bon marché. Mais le livre, ah le livre, toujours le livre. Et un jour elle atteignit la dernière page, elle comprit qu'elle avait fait fausse route.

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