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23/08/2010

230. quand la boucle est bouclée


Devant moi, à l'heure actuelle où je t'écris se trouve devant moi dans ce café où j'ai l'habitude de te parler depuis trois ans déjà deux filles qui viennent d'arriver. Elles ont commandées un broche et un panini, elles dévorent tout ça sur une table prévue pour huit personnes minimum devant des canettes de Sprite et Ice Tea. Je les dévore des yeux, sans aucun à-priori sexuel là-dedans. Je les trouve belles, elles sont jeunes, pleines de vitalité. J'aime la manière qu'elles ont de parler, leur moindre geste, les petites imperfections désagréables qu'elles ont à chaque instant, ces gamines-là me plaisent bien plus que toi. J'aime passer du temps en leur compagnie sans en être, le fait d'être un fantôme quasi-inexistant. L'une est avec son portable, elle joue, elle vit. Son corps protéiforme semble en phase avec ses vêtements, son pantalon noir moulant semblant trouer le monde à l'emplacement de ses jambes, ses ballerines dignes d'une chanson, ce haut gris. Deux boucles d'oreilles perlent le long de ses joues, carrées, losanges suivant ton point de vue, tu sais, ce genre de truc trop gros que tu n'aimes pas. Trop féminin me diras-tu et pourtant j'aime ce "trop" assumé. Elle a un semblant de chignon, cheveux revenus sur le haut de son crâne, un peu à l'arrière, la volonté de ne pas se cacher du regard des autres.

L'autre semble l'opposée, emprisonnée dans un jean qui accentue sa maigreur, des sandales plates sans pesanteur, une veste pour se grossir un peu sur le haut noir qui veut tout cacher. Vieille coupe des années 19.. et sourire un peu gêné, comme si faire partir du monde de nos jours était devenu totalement obsolète à l'heure des paradis artificiels. Même le brillant de sa capuche ne veut pas la faire rentrer dans notre univers. Pourtant il y a une complémentarité dans ces deux êtres qui parlent d'hommes, de musique décalée, d'une autre génération, de ce tout qui l'a compose. Elles mangent, elles parlent, elle s'en vont.
Je crois qu'à force de croiser leur regard, sans prononcer un mot, rien, pas même un bonjour, j'ai fini par m'imaginer un Autre merveilleux. Alors je me suis fait des films, caressant ses deux poupées chimériques, me lovant entre leurs alcôves, désirant les foudroyer de ma force, de mon amour, de mes envies de raconter les aventures célestes.

Mais je ne le fais pas plus pour autant, ce n'est même pas question de courage. Un vieil homme marche sur le gravier sur le côté. La télé tourne, un peu trop forte. Un barbu sur un ordinateur, passionné par ce qu'il regarde. Un noir à mes côtés vient de se lever pour aller payer son plateau-repas. A ma droite un homme avale son café, sur les tables hautes à l'arrière plusieurs personnes encore, occupées à manger/parler des papillons où je ne sais quoi encore. Quelqu'un paye à la caisse, sourire forcé de celui qui encaisse. Le temps suspend son envol, un corps de dragon se déploie dans le ciel, le temps disparait, rongé par ses dents, les deux brunes aux yeux noirs viennent de partir. Silence. Puis tout recommence à nouveau, un jour sans fin.

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