Mathilde s’approche, le regard mélancolique. Ses yeux penchés en direction du sol admirent son pied déchaussé qui trace des cercles sur le parquet. Sa robe noire, tendrement plissée qu’elle lui va somptueusement, sa robe noire lui va trop bien. Elle fait ressortir ses bras nus au-dessus, le teint mate de sa peau et ses yeux d’une étonnante profondeur bien trop humides pour l’heure mais tout aussi beaux. Ses cheveux retombent en boucles, tout autour de sa tête jusqu’à ses épaules. Ça ressemble vraiment à une ondulation maritime de Juillet quand la mer se calme pour les touristes. Mer châtain. Glaciale. La mer de Bretagne. La jeune femme est accoudée à un mur, un verre dans une main une lettre dans l’autre, les plus belles histoires sont parfois les plus tristes, et les plus beaux héros sont aussi les plus désespérés. Paul alors ne vit plus que par mots, il lui a écrit des montagnes de lettres qui n’aboutissent nulle part sur ces feuillets bien calligraphiés à l’ancienne d’une encre noir de jais. Elle aimerait bien se couler dans cette même encre, se boucher le nez après une bonne aspiration et couler de la plus belle manière qu’il soit. Doit bien y avoir quelque méduses au fond de ce tourbillon qui l’aideront dans sa descente en piqué.
Voici une larme qui tombe de son œil, elle roule doucement le long de sa joue, on dirait un diamant, la musique comme fond sonore réapparait soudainement. C’est un morceau de piano joué très lentement, et cette larme qui marque le tempo est un diamant qu’on aimerait lui soustraire mais qu’on ne peut s’empêcher de regarder chuter le long de la joue puis à présent sur sa robe ou elle finit sa course. Elle disparait dans les méandres de la robe, les passants qui viennent de débarquer ne peuvent comprendre où est passée précisément cette larme merveilleusement mélancolique. Ils ne peuvent qu’espérer le début d’un sourire, qu’elle sèchera de nouveau ses yeux en s’excusant tel que les femmes en général s’exercent à faire dans ce genre de cas pour rassurer la compagnie de ses messieurs. Mais les prémices de ce sourire-là ne vient pas, le pianiste passe à autre chose. Ses yeux se sont levés de son pied au sol, du sol aux chaussures des autres qui continuent de danser tout autour d’elle et qui font mine de ne pas s’intéresser à elle. Elle prend conscience qu’elle se trouve encore dans la salle de bal de ce maudit J., ce brave homme qui n’est plus qu’une lettre dans son répertoire, celui qui se trouve dans sa tête. Elle ne place des lettres que sur certains visages, sans trop savoir pourquoi. Et les J. croisent parfois les H. et les M. dans les mêmes soirées bouleversantes d’une joie qui l’a fait de nouveau frissonner. Elle aimerait pleurer à nouveau puisque c’est si bon de se laisser aller, mais le quand dira-t-on est plus présent maintenant qu’elle vient de prendre conscience qu’elle était toujours dos au mur dans la salle de bal de J., puis même si elle les emmerde tous elle n’a pas le droit de faire ça au jeune homme qui a le compte bien fourni devant ses invités à lui rien qu’à lui et son alcool qu’il disperse aux quatre vents!
Ô se ressaisir, un peu plus. Défroisser la robe, croiser le regard des autres, l’œil mauvais. Se laisser aller, qu’on dise que les choses vont mal parfois et que c’est ainsi. On ne peut empêcher le courant de la vie de trop affluer d’un coup dans le sens inverse. Il arrive parfois que la crue déborde de son nid, l’eau de la mer peut alors gagner toutes les salles de réception du monde si personne ne veille à ça. Tiens, d’ailleurs ce serait marrant de se dire qu’on voudrait faire ce métier-là plus tard.
- Et toi, tu veux faire quoi plus tard?
- Je veux empêcher la mer de sortir de chez elle.
C’est un beau métier, à côtoyer les sirènes et les marins. A attendre son époux sous le phare qui tourne.
Elle aimerait tellement que Lucie soit là, qu’elle lui redonne espoir et oubli. C’est si facile pour les autres d’oublier dans un sourire, de refermer les plaies du cœur et se laisser à la vie. Mathilde envie ce bonheur-là. Elle aimerait redevenir la jeunesse insouciante de ces prémices de la vie qu’elle était. Elle aimerait tant tout changer entièrement afin de ne plus dire au psychologue que rien ne va plus, qu’il faut tout changer. Elle aimerait se soustraire également à la fête, ne jamais avoir lue cette lettre-là de Paul, la dernière des 99 lettres qu’il lui envoyât de Londres après son départ précipité en mai dernier. Maintenant c’est trop tard pour tout refaire, le monde etc… Mathilde se jure qu’un jour elle sourira, qu’un jour elle dansera, mais en attendant c’est trop tôt. Elle court presque au travers de la salle, bousculée par les valses hasardeuses des inconnus en costumes noir et blanc.
- Un triple whisky s’il vous plait.
- Vous n’avez pas l’âge mademoiselle.
- J’ai dix-huit ans.
- Il en faut vingt-et-un de ce côté du globe!
Espèce de snobinard de merde, que ton nom soit roulé dans la boue. J. je t’emmerde; pense-t-elle en rageant. Elle aimerait le trouver parmi la cohue des costumes à portefeuille mais c’est si embarrassant de chercher un homme qu’on a jamais aimé au point de ne plus se souvenir de son visage.
Voici une larme qui tombe de son œil, elle roule doucement le long de sa joue, on dirait un diamant, la musique comme fond sonore réapparait soudainement. C’est un morceau de piano joué très lentement, et cette larme qui marque le tempo est un diamant qu’on aimerait lui soustraire mais qu’on ne peut s’empêcher de regarder chuter le long de la joue puis à présent sur sa robe ou elle finit sa course. Elle disparait dans les méandres de la robe, les passants qui viennent de débarquer ne peuvent comprendre où est passée précisément cette larme merveilleusement mélancolique. Ils ne peuvent qu’espérer le début d’un sourire, qu’elle sèchera de nouveau ses yeux en s’excusant tel que les femmes en général s’exercent à faire dans ce genre de cas pour rassurer la compagnie de ses messieurs. Mais les prémices de ce sourire-là ne vient pas, le pianiste passe à autre chose. Ses yeux se sont levés de son pied au sol, du sol aux chaussures des autres qui continuent de danser tout autour d’elle et qui font mine de ne pas s’intéresser à elle. Elle prend conscience qu’elle se trouve encore dans la salle de bal de ce maudit J., ce brave homme qui n’est plus qu’une lettre dans son répertoire, celui qui se trouve dans sa tête. Elle ne place des lettres que sur certains visages, sans trop savoir pourquoi. Et les J. croisent parfois les H. et les M. dans les mêmes soirées bouleversantes d’une joie qui l’a fait de nouveau frissonner. Elle aimerait pleurer à nouveau puisque c’est si bon de se laisser aller, mais le quand dira-t-on est plus présent maintenant qu’elle vient de prendre conscience qu’elle était toujours dos au mur dans la salle de bal de J., puis même si elle les emmerde tous elle n’a pas le droit de faire ça au jeune homme qui a le compte bien fourni devant ses invités à lui rien qu’à lui et son alcool qu’il disperse aux quatre vents!
Ô se ressaisir, un peu plus. Défroisser la robe, croiser le regard des autres, l’œil mauvais. Se laisser aller, qu’on dise que les choses vont mal parfois et que c’est ainsi. On ne peut empêcher le courant de la vie de trop affluer d’un coup dans le sens inverse. Il arrive parfois que la crue déborde de son nid, l’eau de la mer peut alors gagner toutes les salles de réception du monde si personne ne veille à ça. Tiens, d’ailleurs ce serait marrant de se dire qu’on voudrait faire ce métier-là plus tard.
- Et toi, tu veux faire quoi plus tard?
- Je veux empêcher la mer de sortir de chez elle.
C’est un beau métier, à côtoyer les sirènes et les marins. A attendre son époux sous le phare qui tourne.
Elle aimerait tellement que Lucie soit là, qu’elle lui redonne espoir et oubli. C’est si facile pour les autres d’oublier dans un sourire, de refermer les plaies du cœur et se laisser à la vie. Mathilde envie ce bonheur-là. Elle aimerait redevenir la jeunesse insouciante de ces prémices de la vie qu’elle était. Elle aimerait tant tout changer entièrement afin de ne plus dire au psychologue que rien ne va plus, qu’il faut tout changer. Elle aimerait se soustraire également à la fête, ne jamais avoir lue cette lettre-là de Paul, la dernière des 99 lettres qu’il lui envoyât de Londres après son départ précipité en mai dernier. Maintenant c’est trop tard pour tout refaire, le monde etc… Mathilde se jure qu’un jour elle sourira, qu’un jour elle dansera, mais en attendant c’est trop tôt. Elle court presque au travers de la salle, bousculée par les valses hasardeuses des inconnus en costumes noir et blanc.
- Un triple whisky s’il vous plait.
- Vous n’avez pas l’âge mademoiselle.
- J’ai dix-huit ans.
- Il en faut vingt-et-un de ce côté du globe!
Espèce de snobinard de merde, que ton nom soit roulé dans la boue. J. je t’emmerde; pense-t-elle en rageant. Elle aimerait le trouver parmi la cohue des costumes à portefeuille mais c’est si embarrassant de chercher un homme qu’on a jamais aimé au point de ne plus se souvenir de son visage.
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