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17/03/2011

125. sometimes later


La pluie tombait et il faisait froid. Tout un cercle de données pulvérisaient mon crâne, battant jusque sur mes tempes brûlantes. Les rayons oranges-violacés des néons, le noir du macadam. L'autre me parlait, je n'entravais plus rien, mon cerveau ne daignait même plus lui répondre, je crois que j'avançais en rythme automatiquement. Zombies dans le lointain, brumes qui se lève au loin derrière les immeubles de la gare. Pluie fine, mince péllicule d'eau sur le monde qui m'entoure. A. avançait doucement à cause de ses pieds, l'accent du mec qui se disait français, grenoblois, iroquois qui déboule maintenant. Y'en avait même un autre qui clamait son rap familial, bouge pas papa, je vais te la faire à la bien, ouaich cousin, bien ou bien? le pétard passé de main en main, sa couleur délavée par la pluie, l'impression que ça donne quand on le croit éteint et les yeux du premier fou quand il racontait "j'ai tué un mec à bout portant, là, comme ça, je sors de taule, je suis interdit de séjour six mois dans ma cité". Je tremblais pas de peur, ma veste trop fine, mon t-shirt qui ne voulait rien dire, ma mine triste, ma barbe de clown, mes yeux fatigués qui le sont toujours, ma clope qui s'éteignait dans ce début de vent. Mes converses grises trempés, mon odeur de sciure, la mélopée fuyante des voitures tout autour de la gare qui s'éloigne, peu à peu, à mesure que l'on s'éloigne, peu à peu. Nos démarches pas du tout réglementaires quand l'Autre ne voulait pas attendre A., elle avec sa capuche, son accent également, les tribulations dans le dédale de la Vieille Ville aux pierres moisies. Chris Marker, le réal. de la jetée. J'ai pensé à lui sur le moment, son nom m'est revenu d'un coup, je n'ai pas su expliquer comment il était venu, ni qui il était vraiment. La pluie me réchauffait en me refroidissant le crâne, mes tempes brûlaient toujours, la rencontre fortuite avec un marseillais qui ne savait plus où boire. Sa montée sur le bateau-radeau-de-la-Méduse-merci-bonhomme. Ca a un coup de reviens-y. Les portefeuilles en évidences, les deux types hurlaient à la lune: j'ai du fric, j'ai de la thune, je veux me poser avec une femme mais fini les conneries, maintenant je deale à mourir pour passer le temps, mon dernier coup pour enfin devenir réglo, et devant la porte du bar fermé on les laissa là, à s'engueuler avec un videur appelant les flics, le troisième homme se mêlant de trop près de nos affaires, à A. et à moi, je n'aime pas trop ça. Nos pas revenant à la voiture tout doucement, celle-ci m'apparaissant comme une délivrance, le réceptacle qui allait nous emmener jusqu'au sommeil, 1h30 environ dans le cul. Il pleuvait sans cesse, je marchais trempé dans les quartiers ensanglantés de ma jeunesse. La dérive du clignotant, mon volant qui tourne tout seul. Spider-Mobile en désordre, voiture-Frankenstein. Dans mon sac le bling-bling ennivrant de trois bières paradantes. Alors il y avait le fantasme de les boire, de se réchauffer, de l'amitié, le jeu de l'amour, c'était un roman déconstruit, le mythe des années 80 qui nous avait vu naître et le deuxième millénaire qui nous tua, ce fût l'âge d'or de la connerie, de notre jeunesse provisoire, le fait que le monde n'allait pas tarder de s'écrouler, l'histoire des squats sous la pluie à minuit quand le ventre est vide de toute substance solide, le sexe la drogue le punk les femmes les courses poursuites à l'américaine A. et tout ce qui s'en suit comme autant de douleurs dans mon crâne quand je pense à tout. Le spectacle est fini disais-je, de mon siège je n'avais pas bougé, dans mon oeil la vision aphone se tua, je tenais en main la fourchette remplie de mon plat américo-latino, dans une autre main du mezqal. Sur la table, un dessin représentatif: deux dragons se chamaillant.

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