Pages

29/07/2010

252. quelques noires


J’achetai un manuel de conversation franco-anglaise, à l’usage des débutants. Je me mis au travail. Consciencieusement je copiai, pour les apprendre par cœur, les phrases tirées de mon manuel. En les relisant attentivement, j’appris donc, non pas l’anglais, mais des vérités surprenantes: qu’il y a sept jours dans la semaine, par exemple, ce que je savais d’ailleurs; ou bien que le plancher est en bas, le plafond en haut […]. A mon grand émerveillement, Mme Smith faisait connaître à son mari qu’ils avaient plusieurs enfants, qu’ils habitaient dans les environs de Londres, que leur nom était Smith, que M. Smith était employé de bureau […]. Je me disais bien que M. Smith devait être un peu au courant de tout ceci; mais, sait-on jamais, il y a des gens tellement distraits…


Ionesco, notes et contre-notes

253. one more time


Illustration. Un livre ouvert à la page quarante-et-une dans un cendrier. Dans le cendrier quelques cendres de la clope qui se trouve quasiment entière dans la poubelle avec le paquet que j’ai jeté de rage. Un reste d’assiette aussi, de l’engueulade d’hier soir quand tu m’as dis……… les autres morceaux de l’assiette est toujours sur la table, à côté une tasse à café de ce matin, levé après une nuit blanche sans rêve. Café à peine consommé, froid, glacé à l’image de ma sueur. La machine à café posée sur le haut du frigo. Je ne suis pas éternel. Je m’attends à l’électrocution quand mon regard remonte le long du câble dénudé, résultat d’une crise de nerf trop importante, je cherchais à quoi me rattacher, c’était le fil de la machine, faisant dégouliner l’eau, glisser l’assiette, je l’ai ramassée, j’ai posé quelques morceaux sur la table, j’ai tenté de fumer, tu m’as énervé, j’ai voulu continuer de vivre plutôt que de te donner la satisfaction de mourir salope. Puis je me suis assis sur le lit, j’ai pété un ressort qui a bondi dans l’ampoule, elle s’est brisée en mille éclat sur le sol, au milieu des livres, sur mon oreiller. Le sang a maculé une bonne partie de la pièce, j’ai voulu me lever dans la nuit pour éponger, l’éponge était dégueulasse, j’ai couru à la salle de bain prendre une serviette, j’ai glissé en évitant le verre, j’ai cogné le porte-serviette, de rage j’ai explosé le lavabo, en tentant de me calmer je me suis assis sur la lunette des toilettes qui m’a précipité dans la cuvette bien plus profondément qu’à l’accoutumée. Je me suis lavé le cul, le corps plein de sang et tout ce qui suivait dans la douche, l’eau s’est retrouvée coupée car je n’avais pas payé la facture, sans eau chaude j’ai continué à me rincer avec ce mince filet qui coulait. J’ai retrouvé une sorte de réconfort, quand j’ai voulu changer de vêtements, la porte me resta dans les mains, j’avais oublié aussi de changer cette foutue porte qui ne marchait jamais. J’ai déplacé mon matelas au milieu de la pièce, matelas qui se retrouva éventré au petit matin lors du terrible constat de la veille: je l’avais posé sur le verre de l’ampoule, et comme un ressort du lit manquait… Mais j’avais posé la porte en travers du lit pour ne pas qu’elle me fasse chier. Innocemment je suis parti me laver une nouvelle fois pendant que mon café refroidissait, j’avais de nouveau plein de sang de partout car un bout de verre s’était coincé dans mes draps. Je suis sorti de la douche, le mince filet d’eau avait suffi à me rincer mais aussi tremper le sol. J’ai glissé, je me suis cogné la tête fortement contre le miroir du lavabo cassé, j’ai voulu me rattraper sur le porte-serviette qui, déjà cassé, transperça ma main. Je n’avais plus de quoi faire un bandage alors un vieux t-shirt allait faire l’affaire, j’ai tenté d’ouvrir la porte du placard un peu à l’aveuglette malgré moi, je me suis étalé de tout mon saoul dans le placard, une étagère a dû me casser une côte au passage j’avais un mal de chien partout. Au final je me suis pris les pieds dans le matelas qui était toujours par terre, j’ai donné un coup de pied dedans pour me venger et c’est la porte qui tomba sur le mien, de pied. J’ai hurlé de plus belle, j’ai foutu la main sur le débris d’assiette sur la table hurlant encore. Mon café était trop froid, j’ai voulu en faire un autre, je me suis électrocuté car je ne voyais plus grand-chose et que je ne contrôlais plus rien. J’ai sauté par la fenêtre, je suis tombé d’un étage sur ma voisine qui par hasard se faisait livrer des barrières métalliques d’un style plus que douteux abrégeant ainsi ma vie.
Je sais maintenant que tout a un sens: je n’habiterai plus jamais dans un studio mal conçu. Qu’on me donne une chambre dans mon paradis, je l’examinerai avec soin. Et si un connard d’ange vient me dire que t’es dans le coin, toi, je lui dirai……….

254. il était une fois les grandes villes


Si je travaille dur à me briser les reins pour elle c’est à cause du déclin de mon empire. Ma petite personne importe aussi, car elle dépend de moi. Quand je vais bien elle a ce sourire formidable qui inonde son visage. Alors je me crispe dans une posture étrange, cachant le vrai du faux, je vais bien, je m’en convainc moi-même tu sais. J’ai réussi d’ailleurs à m’en convaincre suffisamment pour échapper à cette terrible noirceur pendant des années. Je ne perdais le cap que dans des moments intimes, ces moments solitaires qui prennent subitement sans prévenir. J’ai trop jugé les personnes.
A un moment je ne voyais plus qu’elle, aujourd’hui encore, je l’imaginais dans la voiture de devant, un van noir au vitre teinté qui portait le numéro de l’Essonne fièrement. Je l’imaginais à l’arrière, droite comme un i. Passé le grand virage, la voiture bifurqua. Je me souviens avoir ralenti, je voulais savoir si elle était dedans. Mes mains de travailleurs se sont crispés un peu plus sur le levier de vitesse de ma propre bagnole, mes ongles s’enfonçant de peur dans le cuir de l’automobile. Mais en fait elle avait disparue de la surface de la terre depuis longtemps. Pire encore, elle n’avait jamais existée. Je l’avais rêvé, je l’avais fantasmé. Je l’avais trop aimé. J’étais devenu le Patrick Dewaere de la farce.
J’ai commencé, plutôt recommencé, à vivre. J’ai travaillé dur, pour elle. Partout je l’imaginais, je lui parlais, je lui adressais des lettres que je ne postais jamais tel une chanson. Je me forçais à aller bien, puis un beau jour, ou était-ce une nuit, on m’annonça enfin que j’allais être débarrassé de ce fardeau bien trop indigeste. C’est un cancer, qu’il m’avait dit l’autre, dans sa tenue blanche bien trop grande pour lui et ses lunettes qui cachait la plus jolie face de son visage. Je lui ai demandé quelle était la mauvaise nouvelle, il n’a pas toussé, n’a pas ri, a simplement repris sur le même ton monocorde la même phrase stéréophonique: c’est un cancer.
Le charabia qu’il employa ensuite me voulait foutu, battu d’avance. Mort-1 Moi-0.
J’ai allumé une clope, en plein milieu du service cardiologie de cet hôpital toulousain. Je n’avais pas fumé depuis longtemps, je m’étais acheté un paquet pour l’occasion. Au final la première bouffée est étouffante, toujours. C’est la dernière que l’on apprécie le plus, qui redonne envie de s’en griller une autre de suite. Maintenant que je sais que le monde entier va disparaître, je tenais quand même à te prévenir que je t’ai aimé, pendant des années. Je t’ai aimé plus qu’il n’en fallait. Mais toi aussi, en tant que souvenir tu vas mourir ainsi que cette lettre qui s’effacera un jour. Plus rien n’est éternel, encore moins le temps qu’il nous reste.

26/07/2010

255. l'usage du monde je crois


Le temps de quelques cigarettes,

ils allaient faire gémir leurs cordes

pour le simple plaisir de se mettre
l’âme à l’envers.

256. in your dreams


Je me souviens de la lueur ridicule d'une bougie, ce petit moment d'intimité avec toi. Je voyais les flammes danser sur ton visage, sur ta barbe, tu ressemblais à un démon qui désirait me bouffer tout cru. Tu me dessinais, je voyais les courbes de mes seins prendre naissance sur le papier jaunie, mes hanches honteuses, mes bras squelettiques, dieu que je suis moche!

Mais toi tu semblais rire d'un rien, me faisant ridicule, bien plus que je ne l'étais déjà. Tu es méchant, tu es un diable pire encore que tous ceux que j'ai rencontré. Je t'ai etouffé entre mes cuisses par la suite, je t'ai noyé dans mon sang, j'ai craché sur ton cadavre.
Je suis sorti dans la rosée du matin, j'étais nue, ton sang était mon habit, ta peau sur la mienne. J'avais tué l'Homme fièrement.

257. une histoire française


C'est au fin fond de la France que ça se passe mais ça pourrait se passer dans n'importe quelle ville. Autant ne pas la nommer, c'est illusoire, ça n'existe pas. Il y avait donc une route, un restaurant type restauration rapide / menu ouvrier, ce genre de truc qui ne paye jamais de mine mais plutôt sympa pour traîner en écoutant les autres déblatérer leur vie.

J'appréciais ce genre de grisaille, le temps qui vire à l'orage prochainement, la brume recouvrant les toits, les toits n'existent plus.

La première fois que j'ai chié ici je me suis lavé les mains quatre fois de suite tant je me sentais sale. Les mouches volent, elles ont élu demeure ici, elles viennent t'emmerder jusque dans ton assiette ou copuler sur ta main. Vers le bar ce sont des histoires interminables qui traînent entre le demi, le pastis, la gnole du patron. Le regard de celui-ci, un peu gentillet sur les bords du genre à habiter encore chez maman. Même le dehors a un peu de cette âmee, c'est tout le coin qui semble ainsi. A la limite du cas social.

Dans la rue, le tabac-presse titre depuis un mois les destins tragiques, histoire d'une haine trône en gros plan par-dessus la photo de deux femmes. Des fois le serveur sort s'en griller une, des fois c'est moi qui vient à lui le déranger dans ce moment précieux. Deux paquets de Benson svp. Merci. Bonne journée. Aujourd'hui il y avait cet instant étrange, à la limite du merveilleux. Cette vieille dame sur son scooter, s'arrêtant en pleine circulation pour consulter la carte, quelques filets de pêche à ses pieds, son casque ne lui allait pas, sur le côté un technicien d'EDF qui vérifiait les compteurs en laissant tiédir sa bière à l'intérieur. Moi j'étais assis sur le côté, à fumer encore plus qu'a l'accoutumée, c'est dire si je fumais. Quelques noire magnifiques passaient en bagnole, de vieilles rengaines marseillaises en tête, je n'étais pas prêt à les revoir.
Puis on sonna à la porte d'à côté, l'autre, cette vieille dame usée aux mains défaites, la retraite bien sonnée qui cherche à faire tourner la boutique. Son regard se perd quelque part sur le bitume. Elle a perdu ses rêves, il ne lui reste plus rien que le travail. Son pauvre mari est mort. Il ne lui reste plus que le travail.

Ca colle quelque part aux tripes, c'est une histoire en France où les bonhommes se racontent les dimanches d'ennui autour d'un godet, on parie sur tout ce qui bouge, ça rit, ça boit, ça picole. Un monde délicieux de simplicité.

23/07/2010

258. je suis une poire


"Le monde meurt de l’envie de naître. Notre société s’est épuisée à réaliser les rêves du passé. Quand les Américains sont allés sur la lune, on a gueulé que c’est une nouvelle époque qui commence. Mais non: c’était une époque qui finissait. On a œuvré à réaliser Jules Vernes: le dix-neuvième siècle… Le vingtième siècle n’a pas préparé le vingt et unième: il s’est épuisé à satisfaire le dix-neuvième. Le pétrole comme sine qua non d’une civilisation: tu te rends compte? Toutes nos sources d’énergie sont chez les autres… C’est l’épuisement…"

au-delà de cette limite votre ticket n'est plus valide monsieur Gary!

21/07/2010

259. if you want?


Entre les mots il y'avait aussi Baricco, accoudé à un comptoir, se disant que ce serait bien d'écrire un roman. Jules Vernes était un cuistre avec les hommes mais niquait tout ce qui bougeait avec le pouvoir des conjugaisons. Chateaubriand brillait en société, Verlaine était rongé de l'intérieur. D'autres picolaient à mort quand Poe subissait ses hallucinations mais après tout Van Gogh en peinture était fou et Ferré en chanson clignait des yeux de penser trop vite.

être normal en art n'existe pas, Bacon se déchirait en narcissisme, Ravel s'agitait sur des bancs de messe au son des orgues, Beethoven était sourdement intelligent, Ionesco subissait les psychoses de ce qu'il écrivait, Saint-Exupéry touchait le magnifique, Gary l'impuissant, Schwitters le tyrannique, Dali le prétentieux qui changeait la merde en or!

Et puis il y a toi qui étais au centre de tout ça que j'ai croisé ce matin à 8h27 sur le boulevard des Tallards. Tu a traversé en dehors des clous, magnifique ange à la robe envolée, fraîche jeune femme au regard de braise. Tu venais d'acheter des croissants, quelques viennoiseries du petit jour. C'est ce jour-là que j'ai compris que tous ces artistes ne pouvaient pas faire le poids face à toi.

260. recette d'amour


j'épluche tes feuilles je te lave de toutes tes tâches.
J'enlève les mauvais morceaux - les plus pervertis

Je te coupe en morceaux - je te cisèle - je t'éminces

Je mets du beurre dans une poele

Je place le plus gros morceaux dans le beurre fondu

Bien retourner pour que ça cuise des deux côtés

il faut que ce soit rose à l'intérieur, grillé à l'extérieur

ajouter la sauce - un peu de sentiments mélangés aux larmes

faire réduire la sauce avec votre ingrédient principal

bien secouer dans tous les sens pour que ce soit réparti de partout

ajouter vos derniers ingrédients - sel, poivre

Servez avec un peu de panache, une feuille de salade, un quartier de tomates

C'est prêt, bon ap'

20/07/2010

261. ah ah ah


je souffre d'un sérieux dérèglement de mes étagères à mégots!

262. la photographie


La dernière fois que j’ai vu mon père, je l’ai rasé. C’était dans la semaine de mon accident. Comme il était souffrant, j’ai passé une nuit chez lui dans son petit appartement parisien proche des Tuileries, et au matin, après avoir préparé son thé au lait, j’ai entrepris de le débarrasser d’une barbe de plusieurs jours. Cette scène est restée gravée dans ma mémoire. Engoncé dans le fauteuil de feutre rouge où il a l’habitude de décortiquer la presse, papa brave vaillamment le feu du rasoir qui attaque sa peau distendue. J’ai disposé une large serviette autour de son cou décharné, étalé un épais nuage de mousse sur son visage, et j’essaie de ne pas trop irriter son épiderme strié par endroits de veinules éclatées. La fatigue a creusé les yeux au fond de leurs orbites, le nez apparaît plus fort au milieu des traits émacié mais l’homme n’a rien perdu de sa superbe avec le panache de cheveux blancs qui couronne sa haute silhouette depuis toujours. Dans la chambre autour de nous les souvenirs de sa vie se sont accumulés par couches jusqu’à former un de ces capharnaüms de vieillards dont-ils sont les seuls à connaître tous les secrets. C’est un désordre de vieux magazines, de disques qu’on n’écoute plus, d’objets hétéroclites et de photos de toutes les époques glissées dans le cadre d’un grand miroir. Il y a papa en petit marin qui joue au cerceau, avant la guerre de 14, ma fille de huit ans en cavalière, et un cliché de moi, en noir et blanc, pris sur un terrain de golf miniature. J’avais onze ans, des oreilles en chou-fleur et un air de bon élève un peu benêt, d’autant plus horripilant que j’étais déjà un cancre professionnel.
J’achève mon office de barbier en aspergeant l’auteur de mes jours avec son eau de toilette préférée. Puis nous nous disons au revoir sans que, pour une fois, il ne me parle de la lettre rangée dans son secrétaire où sont consignées ses dernières volontés. Depuis lors, nous ne nous sommes pas revus. Je ne quitte pas ma villégiature berckoise et, à quatre-vingt-douze ans, ses jambes ne lui permettent plus de descendre les majestueux escaliers de son immeuble. Nous sommes tous les deux des locked-in syndrome, chacun à sa manière, moi dans ma carcasse, lui dans son troisième étage. Maintenant c’est moi qu’on rase chaque matin, et je pense souvent à lui quand un aide-soignant râpe consciencieusement mes joues avec une lame vieille de huit jours. J’espère avoir fait un Figaro plus attentif.
De temps à autre il me téléphone, et je peux entendre sa voix chaude qui tremble un peu dans le combiné qu’une main secourable a collé à mon oreille. Ça ne doit pas être facile de parler à un fils dont on sait trop bien qu’il ne va pas répondre. Il m’a aussi envoyé la photo du golf miniature. D’abord je n’ai pas compris pourquoi. Ce serait resté une énigme si quelqu’un n’avait pas eu l’idée de regarder au dos du tirage. Dans mon cinéma personnel se sont alors mises à défiler les images oubliées d’un week-end de printemps où les parents et moi étions allés nous aérer dans une bourgade venteuse et pas très gaie. De son écriture charpentée et régulière, papa a simplement noté: Berck-sur-mer, avril 1963.


Jean-Dominique Bauby, le scaphandre et le papillon

263. un jour sans pain


Je veux ce qu’elle veut je ne veux pas ce qu’elle veut car je veux ce qu’elle ne veut pas quand ce qu’elle veut toujours Est-ce que je ne veux plus pas du tout absolument. Je veux au final des choses impossibles qu’elle ne voudra jamais m’accorder. Je veux ce qu’elle ne veut pas. C’est beau non?

19/07/2010

264. savoir aimer


J’ai été élevé comme athée et je m’y suis plu jusqu’au jour où, dans les années les plus noires du communisme, j’ai vu des chrétiens brimés. Du coup, l’athéisme provocateur et enjoué de ma première jeunesse s’est envolé telle une niaiserie juvénile. Je comprenais mes amis croyants et, emporté par la solidarité et l’émotion, je les accompagnais parfois à la messe. Ce faisant, je n’arrivais pas à la conviction qu’un Dieu existe en tant qu’être qui dirige nos destinées. En tout état de cause, que pouvais-je en savoir? Et eux, que pouvaient-ils en savoir? J’étais assis dans une église avec l’étrange et heureuse sensation que ma non-croyance et leur croyance étaient curieusement proches. Milan Kundera, les testaments trahis

265. pour plaire à tes lèvres ce matin j'ai fait la pute


j'ai connu les grandes guerres anonymes de votre coeur mademoiselle, quand vous étiez partagée par l'ombre et la lumière. N'entrez pas dans mon jeu, vous murmurais-je alors; vous ne m'écoutiez guerre. Je me désinteressais de vous quand vous vous souciez de moi, vous vous désintéressiez de moi quand je me souciais de vous. Et vice. Et versa. N'entrez pas dans mon jeu, attention à la blessure mademoiselle, je ne suis pas l'Appolon, je ne suis pas Dieu.

Subitement je repense à hier, quand votre regard était habité par de malins démons qui tournoyaient sans cesse dans vos iris. Là je suis de marbre hier j'étais de...

Rediffusion merdique du matin, le temps passe s'écoulant loin de vous, je veux m'attacher, m'enchaîner à vos jambes, partir où vous allez. Je veux respirer votre air. Je veux sentir votre coeur battre pour moi. Pourtant je vous repousse, c'est pour ça. Je ne veux pas vous démolir, c'est qu'en ce moment mes doigts sont des couteaux, mon corps est une plaie hurlante pleine de pics, mon âme est tatouée de l'intérieur. Je ne suis pas.

La musique lancinante de mes larmes me poursuit. Je ne veux pas faire partie de votre destruction, ne soyez pas comme moi, ne vous mélangez jamais à moi. Je ne suis pas des vôtres, je n'ai jamais appartenu à votre monde, je n'ai jamais eu l'oreille musicale pour comprendre vos chants maritimes. J'entends seulement les cris du coeur, et encore, je les oriente vers d'autres âmes en détresse. Surtout pas moi. Il faut me laisser tout seul en position foetale dans les ombres qui m'encerclent. Pour l'éternité.
Ne me touchez pas, je vomirai. Ne me souriez plus, je tremblerai. Ne m'aimez plus, je serai capable de vous aimer aussi. La valse n'a qu'un temps.

16/07/2010

266. espace mot espace point


Le visage de Jean-Pierre ressemble un peu à celui de la femme que j’avais épousée il y a trente et un an et quittée il y a quinze, et il est assez douloureux se trouver confronté, lorsqu’on est en face de son fils, avec le regard des choses brisées.


Romain

Gary

au-delà

de

cette

limite

votre

ticket

n'est

plus

valable

267. pour la naissance de votre prophète


de temps en temps il s'amusait d'elle, refaisant les programmes à l'envers sur toutes les plages du pays. Il était tantôt un prince, tantôt un bourreau. S'ennorgueillant de ses clowneries sournoises la nuit dans les petites ruelles derrière les casinos. Toujours en chemise, bien habillé, il naviguait là où l'argent le portait. Un beau jour c'était Honfleur, l'autre jour Amsterdam. Y'avait toujours un rapport à la mer, à la montagne, au tabac froid des villes enfumées, au café pas cher, à la mal-bouffe, aux jeux illusoires.

Il entretenait des liaisons partout, envoyant des tonnes de lettres à travers le monde à des personnes qu'il considérait "ex quelque chose" ex-femme, ex-ami(e), ex-famille, ex-pute.

Après Isabelle il s'était mis à fréquenter ces petits rades du matin où les travailleurs se croisent au coude à coude. Il dénaturait le lieu, ne collait pas avec le décor, lui, son costume, ses lunettes de soleil encore sur les yeux, sa mine fatiguée, son corps maigre rabattu sur lui-même, ses cheveux parsemés de sel, sa barbe de quelques jours. Il avait un côté Mathieu Almaric même.

Les habitués le dévisageait, des fois c'était un gros type tournant au demi qui le narguait derrière sa grosse moustache épaisse, son teint rougeaud, sa veste en jean sans manche.

Des fois c'était un type en chemise noir et jean, à la perruque de traviole, le ricard dans la main, le café fumant devant lui, intouché.

Des fois c'était une vieille copine, une femme à la voix trop élevée, trop maquillée, trop peu habillée, toujours trop. Elle foutait un sucre dans son café, touillait maladroitement, et sortait toutes les cinq minutes pour aller fumer sa clope.


Puis un matin plus personne ne le vit. Il avait simplement disparu de la surface du monde.

15/07/2010

268. coeur cabossé lancé dans les étoiles again


C'est une bien étrange époque que celle-ci, quand les avions roulent, que les voitures volent, qu'un doigt suffit à faire une liaison virtuelle avec une autre personne à l'autre bout de la terre à l'heure où l'on ne reconnaît même plus ces voisins.
Moi je passe devant des portes fermées, toujours fermées, jamais apprivoisées. Je me sens seul dans le couloir sortant de mon studio. Je n'aime pas beaucoup dormir chez moi pour ça. J'ai toujours un roman à écrire. Je désespère de ne pas avoir un bras de plus pour ça plutôt que de discuter aux autres villes que je ne connaîtrais sans doute jamais.
Pire encore, y'a les sourires en coin, mes lunettes de soleil omniprésentes, mon semblant de gueule de bois. je rôde un peu partout, j'indique des routes, moi qui ne suis pas d'ici. Je me sens un peu d'ici. J'ai envie d'ici et plus du tout de là-bas, cette chanson s'évade.
Ou alors la Roumanie mais en fin de compte ce putain de roman à écrire!
Je crois que j'ai trouvé un sujet, ça commence par c'est l'histoire d'un mec, il ne rentre plus nulle part. il erre à l'infini. Un jour il finira par rentrer, mais pas maintenant, pas tout de suite. Je lui dirai des je t'aime. Je finirai par me séparer de moi-même, ne plus trouver la mer belle en m'emmerdant devant les feuilletons de l'univers en dix épisodes. C'est promis, je serai votre apôtre.

13/07/2010

269. puisqu'il ne me reste que les vieilles pierres


un beau jour il est revenu. Pantalon noir veste en cuir, sa chemise rouge développant ses muscles son sourire d'acier. Il avait tout pour lui, la vie le courage et les femmes mais crevait de trouille en se retrouvant seul. Les destins se sont brisés dans un accident sur la route pour l'Alabama, il venait de se rendre compte qu'en fin de compte il n'y avait rien d'intéressant, que sa vie était terne, que la vieille femme dans son lit au corps ferme ne le faisait plus bander, que même son scotch avait un goût plat de vieille eau éventée.

Il se laissa un temps tenté par d'autres alcools, revint soûl de toutes les fêtes, des orgies planétaires ou chaque soir il était le marquis d'une autre. Son sourire se dessinant de plus en plus petit sur son visage, il fini par disparaitre complètement. Cet organe buccal n'avala plus rien de solide, après, plus rien de liquide. C'était la fin. La longue descente vers la sècheresse, son corps changeant en pierre, sa peau s'effritant quand il se rasait le matin.

Un jour ça commença aux premiers rayons du soleil, la vision du gris partout, l'impossibilité de changer, les personnes passant devant, commentant: voici la statue d'un homme trouvée dans une maison faite de vent, de mensonges et de faux-espoirs. Contemplez la pierre, ces yeux, on l'a croirait vivre!

La panique l'avait pris, il tenta de cligner des paupières mais rien ne se passa.
Alors il ferma les yeux du mieux qu'il put puis s'endormi.

270. histoire des mamelles


J'avais le silence à portée de main, dans l'autre une faucille, la croix en bouche. Qu'avais-je d'autre à dire? Rien. A genoux il me faudrait bien du plaisir autrement, celui des poteaux d'angle d'henri Michaux?


Des inconnus ou mal connus s’annoncent. Ils viennent en amis… eh! Euh! Garde tout de même ta distance d’alarme. Sur le plus élémentaire savoir concernant la conduite de la vie, en saurais-tu moins qu’un simple animal?

271. Moi


Ça fait pas mal de temps que je suis né…
Je ne suis pas encore arrivé à comprendre ce qui m’est arrivé.
Journal en miettes, Ionesco

272. mon cul sent très bon


J’ai cette vieille rengaine dans la tête, 15 jours sans dormir, 15 jours sans écrire, mais combien de nuits? Le cendrier qui n’a plus d’excuses se remplit. Les gobelets remontent dans mon estime. Je m’enferme le temps de penser que T. est toujours passé me voir dans ces réduits miniatures, juste le temps de s’apercevoir dans quel minuscule poubelle je vivais. Après il devait sûrement fuir au plus loin. Ce soir c’est décidé, j’écris un roman. Je ne sais pas si j’aurai le courage d’écrire encore, de vous tromper. S’il est un seigneur quelque part libérez-moi de l’étreinte glacée de mes passions, libérez-moi des femmes, libérez-moi de ma vie.

273. les gentils garçons finissent tous névrosés solitaires


because you're mine

I walk the line

11/07/2010

274. blue valentine


Tom Waits et son jeu de scène avec son haut-parleur qui nous déchirait les oreilles.
Des paillettes un peu partout, on venait de s'engueuler pour un truc débile. Puis la voix de Iggy Pop, moi trop engoncé dans mes passions, dans mes lectures. mais aère de temps en temps tu sais ça sent le renfermé là-dedans et je savais très bien que mon vocabulaire disparassait.
Le son monocorde de ma voix, celle qui chante sur du Gainsbarre.

La radio en boucle, un film en sourdine, un vieux muet allemand, un chien dans un coin mangeant mes chaussures, l'amour encore une fois avec toi, juste une fois. Tu devrais aérer là-dedans, tu sais mec? tu sais?

Les cheveux de ma soeur quelque part, dans l'évier.

Il faut ranger un peu, c'est tout classé n'importe comment, les souvenirs des moutons de ma jeunesse cèdent la place aux chevaux de la Camargue, mon parrain quelque part là-dedans, il me semble que c'était y'a un éternité. Le silence, les plaies qui collent au corps.
Tes lunettes de soleil sur mon épaule, seins nus, je te voyais découper des poulets dans la nuit.

Les rumeurs, le noir, toujours le noir.
Le grand blond avec une chaussure verte.

Ce vieux fou de la troisième rue, mes bouquins un peu partout, envahissant jusqu'aux couettes.

Quelques magazines. L'impression de ne plus voir de toi que tes mots. Des lettres formées, rondes, succédants aux lettres sèches, cassées et dures. La rupture, la finalité, l'inévitable. Et tout recommence dans ce théâtre de l'absurde où nos vies sont dans des grandes roues parallèles qui jamais ne se croisent.


le scaphandre et le papillon

la veilleuse de minuit

le coeur cousu

azart

275. spittleville


Ce qui me fait rire:


- les éruptions cutanés.

- le sourire de mes neveux.

- James Dean.

- Clara Morgane dans la chanson.

- Mon autre moi dans une glace (parfum fraise ou pomme peu importe).

- Les verres vides.

- L'éclosion d'un oeuf.

- Ma nouvelle voiture: la même que l'ancienne mais en plus abîmée.

276. les naufragés de la solitude


C'est ainsi que je suis tombé sur le phare une des toutes premières fois que l'on me poussait dans mon fauteuil alors que je sortais juste des brumes du coma. Il est apparu au détour d'une cage d'escalier où nous nous étions fourvoyés: élancé, robuste et rassurant avec sa livrée à rayures rouges et blanches qui ressemble à un maillot de rugby. Je me suis tout de suite placé sous la protection de ce symbole fraternel qui veille sur les marins comme sur les malades, ces naufragés de la solitude.


Le scaphandre et le papillon, Jean-Dominique Bauby.

08/07/2010

277. the S. word


sensible elle

mouton sensible

sensible femme

sensible lecture

sensible films

sensible

sensible femme

sensible toujours, monsieur sensible


votre monde est bien trop sensible

278. un jour je m'enfuirais c'est sûr


un curé sortant d'un immeuble et ce soleil qui cogne aux fesses.
Le mal de tête du matin, la toux fumeuse, un peu de tout ce qui galope par là.
Les lunettes pour traverstir le regard. S'asseoir en maudissant le bon dieu.
Chimérie matinale, tout le monde bouge trop vite. Bien trop vite.
Attendre encore un peu, acheter un paquet quelques part, commander un café.
Un verre d'eau. Un suisse. C'est beau la Suisse le matin, quand la rosée matinale fait fumer les champs. On se croirait dans les landes. Il me manque cet instant, à s'asseoir dans l'herbe.
Foutu sable qui se glisse de partout. Mais mer heureuse - mer amoureuse.
Je revois encore vos échos...

07/07/2010

279. l'enfant aux yeux bleus


de ses yeux pâles-reflets de morts il évoquait avec intensité les falaises plus loin.
Les lumières vacillaient, petits papillons dans la tourmente. J'écrivais un roman inutilisable.
Nous étions enfermés dans nos cocons, dans nos cercles de silence, et tout allait mal.
- Je n'ai plus d'argent; lui avais-je expliqué d'un coup.
- Je n'ai plus de famille.
Il y avait au fond cette grande impasse à fleur de peau. On osait plus rien se dire.
Le règne du silence, ces damnés de la respiration. C'était fou tout ça.
Nous étions dans la voiture, j'utilisais Word ou Excel, ou un cahier à spirale pour ne rien voir.
Comment tout allait mal, les traces, la mutilation sur les avant-bras.
Je ne suis qu'un cercle sans fin de douleurs, je suis le serpent qui se mange la queue.
Je fermais les yeux, je ne voulais pas savoir, j'avais envie de rentrer chez ma mère, de m'étendre dans son lit maternel, clôturer les paupières à l'infini dans la position foetale rassurante du premier jour de ma vie.
Je me souviens plus de cette petite musique de mort qui ronronne dans ma télé, les voisins qui me crachent que j'ai toujours tort celui qui danse de côté, ces machins que font les autres, je vous présente ma famille voilà ma famille faîtes les présentations et aimez-vous bordel de merde car moi ma passion dans la vie c'est le foot et la bière. Non, rien de tout ça.
Y'avait juste le garçon aux yeux bleus dans ma voiture, pointe de je-sais-pas-quoi on se racontait nos réconforts tronqués, c'était beau je crois, mais douloureux surtout.
J'avais trop fermé les yeux, je n'avais pas pipé un seul mot.
Effrayé à l'idée de le perdre, aussi horrible que ça puisse paraître je n'osais pas faire ce pas-là.
Non mon ami, sais-tu que je suis passé par là? J'ai vu mon cousin avant sa mort, j'ai vu mon cousin pendant sa mort, je ne vois plus mon cousin. Il y a un trou noir quelque part dans la famille, un saut générationnel qu'on ne pourra boucher ainsi avec du silence ou des maux.
Et tout ce jargon-bestiaire de l'impensable, de l'insondable, les psy à la manque n'y pouvait rien, la bureaucratie française et tout le toutim, je sais que c'était pas beau tout ça mais écoutez je n'y pouvais rien, c'était lui l'important, achetez des somnifères pour lui, le regarder dormir, l'enfant apaisé d'avoir livré ses combats atroces. Rumeurs des épées de Damoclès.
J'ai lâché mon roman, je n'écris plus alors, je me concentre sur lui. Dans le noir de la voiture, dans le carcan rassurant du métal, je vois son visage devant la vitre de côté se détacher le long des remous de la mer. La mer qu'on voit danser le long des golfes clairs à des reflets d'argent d'argent.................................
Ne plus parler, ne plus dire un mot, seulement le silence inutile, celui qu'il ne faut pas, alors vite, trouver une solution, choisir ses mots, oser gueuler, le secouer légèrement, ne pas entendre que je puisse être un modèle quand je ne peux pas en être un pour moi-même déjà.
Faire abstraction du moi, je ne suis pas passé par là. Je ne suis pas là. Je ne suis qu'une oreille et une bouche, j'écoute, j'oriente du mieux que je peux, je conseille si c'est en mon pouvoir. Tu devrais, mais tu vas le faire, et, tu sais, avec des, sans la, mais ça serait mieux ainsi.
Ne plus prononcer les mots inutiles du bonheur, le bonheur empêche la joie de vivre.

05/07/2010

280. nouvelle mélodie en sourdine quand je n'ai pas envie d'entendre la mouette crier à mes côtés


ah ce qu'il était beau ce petit marin éperdu d'amour pour les inconnues dans la rue. Il naviguait de bar en bar à la recherche de la bien-aimée parfaite, celle qui ne pouvait exister dans cette vie bien trop généreuse. Il buvait pour oublier les autres, connaissait tout le monde, car on sait jamais. Il y'avait les potentiels, puis celles à qui il n'aurait jamais osé aller plus loin, bien qu'il en mourrait d'envie. Il désirait par exemple embrasser A. ou dire tout l'amour qu'il portait à S. mais n'éprouvait jamais le besoin de coucher avec X. ou bien M. sans que le sentiment de plénitude l'envahisse, le déborde. La solution c'était d'attendre ce moment qui allait faire de lui une personne double, née d'un désir double, la tâche était dure. Certaines personnes trop parfaites jusqu'aux ongles, certains amours cousus de fils dorés indénouables.
Il y'avait aussi cette lettre qu'il écrivait à N., une simple lettre au début qui avait débordée en plusieurs pages, qu'il avait rassemblé dans un cahier en fin de compte, noircissant les pages d'une encre de pétrole échouée sur les bancs de sables. Des noms bien plus marins l'envahissait quand la pression montait, finalement son oeil se tordait, la larme désirait sortir, alors il répétait pour lui-même un chant marin de sa splendeur, semblable à une invocation magique qu'il récitait à voix-haute, petits morceaux détachés qui, mis côte à côte ne voulaient plus rien dire du tout que séparement. Et ça disait: écume - marine - sur la plage - Bretagne et côte d'émeraude - bleu intense fulgurant - Douarnennez Saint Malo Dinan - Océan bien loin - la mer qu'on voit danser... - la houle - le vent chargé de sel - digue - sillon - remparts - écumes troublées - bateaux qu'on voit s'éloigner dans le loin en se disant emmenez-moi mourir au bout de la terre emmenez-moi aux milles pays de lumières voir ce que l'horizon peut bien cacher ce qu'il y a de meilleur, d'autres bars, d'autres vies, d'autres amours, c'est tout.

281. les copains d'abord


De la cour il voyait le soleil, donnant sur les tuiles des maisons, réchauffant les briques, rebondissant sur les fenêtres tout là-haut. Il ne comprenait pas trop ce qu'il foutait là, à cette fenêtre de cour précisément, écoutant les enfants s'amuser sur la plage, épiant les touristes qui passaient par là avec leurs gros appareils photos compensateurs, la petite famille Ikéa, les sourires en kit qu'on ne porte que pour les vacances, faux-semblants impardonnables qu'un jour on enverra valser. Dans cette tenue précisément, jean troué t-shirt trop large, larges coups de pinceaux - coulures de peinture un peu partout sur ce corps de coton. Fumant sa clope à l'étage, entre la vieille avec un bras en moins, celle qui n'attend que l'ouverture de la porte pour venir raconter sa vie, et entre la logeuse, l'employeuse, la femme exceptionnelle de maison qui court encore plus que lui, cette gérante d'acier au caractère forgé qu'on la croirait sortie du ciel même.
Dans cette cour aux deux petits chiens, il regarde le soleil, ses éclats, se dit que quelque part sur la plage on s'amuse pendant que les autres triment, la vie est triste, impitoyable, impardonnable quand on ne peut se contenter d'un peu de plaisir, il faut bien gagner de l'argent rassurons-nous.
Alors la cour oubliée de tous, près de la mer pourtant, les mouettes qui gueulent leur plaisir tout au-dessus des têtes des autres, des pas pareils mais pourtant semblables, on peut croire à l'oubli. Il n'y a plus de mer, plus de mouettes, plus de passants épanouis au sourire Nikkon. Ne reste qu'un immeuble semblable à cette image centrale du film Delicatessen. C'est étrange se dit-il en lui-même. C'est curieux, sans doute, dans sa vieille caboche de vieux loup solitaire, celui qui parcourt les villes à la recherche de lui-même. Un vieil enfant qui regarde les autres s'amuser dans la cour d'école, il aimerait bien être comme eux, prendre le large sur un bateau de papier, s'en aller loin avec ces camarades de figuration qui naviguaient en mer pénard sur la grand-mare des canards. Ne plus oublier. Jamais.

02/07/2010

282. dansons!


La cour après avoir bu de la peinture plein les mains, le soleil en face, cette envie folle d'aller se noyer quelque part à la plage. J'avais envie de vos cheveux, je me suis contenté de croquer vos paroles. Quel dommage, vous n'étiez pas là et moi non plus, mais il fallait bien que je vous écrive pour une preuve originelle de ce que je fais de mieux: envier un monde qui n'existe plus.