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22/06/2011

99. Synthèse symétrique



Me suis perdu reconnais pas, j'écris plus du tout depuis... non en fait c'est faux, j'ai rédigé bien des menus, quelques lettres d'adieux, des mails d'injures, et je suis toujours là; je suis de la mauvaise herbe de celle qui vous colle au cul en finissant par vous gratter jusqu'au sang. On aimerait que ça s'arrête, mais je suis comme l'amour dans les livres de Garcia-Marquez: éternel. Il me reste encore du vin mais très peu de temps, mais le temps c'est quoi si ce n'est une bande usée qui s'enroule à l'infini? J'ai envie de danser, je le peux très bien, là maintenant tout de suite s'il le faut. J'ai fortement besoin de croire aussi ces vieux dictons d'autrefois, croire que tout est possible, même l'invasion d'une choucroute de la mer par des brocolis mutants au-dessous d'une tête blonde qui rira aux éclats des conneries de son père, ça n'a que trop duré me dirais-je en faisant l'amour une dernière fois à ma femme. Je m'en irai le chapeau à la main, aidé d'une canne, dans mon dernier costume, il me suffira de remonter la rue en disant simplement aurevoirs à toutes les vieilles chattes aigries du quartier, un sourire planté en-dessous de ma moustache racornie d'un siècle dépassé. Je peux très bien rêver, même facilement, je n'ai fait que ça de toute ma vie, mais des projets je n'en aurai plus si ce n'est cette maîtrise totale de ce que je dis, ce que je pense, ce que je veux, ce que je peux. Je n'ai pas fini de mourir, d'enterrer le monde, de boire de fumer et puis de cracher sur tout ce qui bouge en urinant le sexe fièrement dressé sur toutes les têtes pensantes du pays ou d'ailleurs. Je ne suis pas de ceux.

18/06/2011

100. M le maudit était un bon film



J'ai l'âme mélancolique et le regard fuyant, je suis austère. Je m'ennuie dans vos soirées, je bois plus que de raisons, je me soûle de vos mots ingras. Je n'aime pas vos musiques. Je m'aime pas moi-même, c'est dire. Il y a aussi tous ces romans dans lesquels je me plonge en attendant vos discussions fictives, j'attends dans les parcs à la tombée de la nuit, j'écoute d'autres mots, certains plus intelligents encore, mais en retenue de ce qu'on a sur le coeur, dans le corps, tout au fond de nous. Ce qui nous rend homme, ou femme, c'est selon. Puis merde, j'ai pas envie d'écouter, je n'ai plus envie d'écouter, je ne sais même plus si j'ai encore envie de parler ou même d'écrire, on verra ça dans une autre vie, même dans toutes les autres d'ailleurs, je m'en vais dès ce soir rejoindre vos soupçons, ne me remerciez plus.

101. autopsie d'un personnage navrant



L'homme en lunettes noire et costume de scène prend place en face de moi, juste avant il a jeté sur la table d'opération - une table de troquet comme il en existe des centaines - ses clopes, ses clefs, un miroir de poche mais aussi une étrange statuette ridicule, les derniers vestiges de sa vie. l'interview commence alors.






Bonjour monsieur O. tout d'abord comment vous décririez-vous en moins de dix mots?






Le vieil homme qui lisait des romans d'amour.






Comment vous sentez-vous?






Avec le nez.






C'est votre réponse?






Vous en voulez une meilleure?






Euh...oui?






Like a rolling stone.






Ok. Parlons un peu de votre art, en quoi consiste-t-il?






J'essaye d'exploiter le système humain au maximum dans un but novateur et frapadingue afin de séduire le public; avec des mots ou non. Je suis un prestigidateur.






Un poète?






On peut dire ça comme ça. Je suis ma propre méduse.






Vous êtes votre propre public?






On est toujours son propre public.






Comment vous voyez-vous à l'avenir?






Mort en ayant vécu.






Un mot pour vos fans?






Métempsychose.






Un autre?






Poutre.






Comment gérez-vous votre vie de star?






En ayant donné mon âme au diable, je fume, je bois, je pisse, j'éjacule. Je ne dors plus, dormir c'est une perte de temps, une perte de création, les dormeurs n'ont jamais fait des mythes...






et les rêveurs?






les rêveurs ont toujours fait de bonnes épaves.






Vous vous voyez donc en gagnant?






Non, je me vois en moi-même.






Peut-on évoquer une partie de votre passé...






Non, Catégorique.






Alors votre but dans l'avenir?






Réaliser, créer, vivre, continuer.






Quelle est votre oeuvre la plus marquante?






Celle que je n'ai pas encore écrite.






Quel sera votre avenir, celui de demain?






Continuer à pourir.






hors antenne: vous savez que vous n'êtes pas facile à interviewer monsieur O.?



Je suis infranchissable, n'ayez plus peur des mots, c'est celà qui vous paralyse.

06/06/2011

102. l'usage du monde




Le palais du mendiant
C’est l’ombre des nuages

Les projets des souris et des hommes parfois n’aboutissent pas







Nicolas Bouvier

103. les petites illusions font les grands ennemis


Hier j'étais dans les limbes, cette espèce de boîte branchée à la mode ou quelques gamines péroxydées viennent s'agiter dans l'espoir de se faire troncher juste après. Mauvais whisky et interdiction de fumer, sueur rance, que demander de mieux? J'écoutais des sons saturés, des airs rock javellisés, des morceaux hybrides frisant l'incontinence verbale, c'est à dire une phrase qui sauve le reste, passée en boucle. Dans notre société de consommateurs avertis ou non, sièges et tables n'existent plus, il faut s'user à la chaîne, on pousse tout le monde sur la piste de danse, si tu peux aussi oublier plusieurs billets en pleurant sur la barmaid bien trop bonne pour le pauvre nabab que tu es, c'est mieux. Alors la part animale se déchaîne, on saute de jeunes vierges sodomites dans le noir en priant qu'elle ne remarque pas une fois que la lumière est revenue à quel point l'être humain est laid, que ce viol consenti n'en est pas un, que tout est illusion. On reprend route, on se couche dans les draps moisis de la veille avec cette odeur de cyprine qui galope de l'entre-cuisse jusqu'à tes doigts la tête remplie de souvenirs de oh! et de ah! Mick Jagger est bien mort, son fantôme s'agite lentement sous ton nez, on a démembré son cadavre pour l'exposer dans tous les médias, sur la terre comme au ciel flotte encore dans l'air les vieilles molécules radioactives du matin: nous sommes les véritables enfants de l'atome, ne vous trompez plus.

05/06/2011

104. citons


Quand on lit trop vite ou trop doucement, on n’entend rien. Pascal.

105. les deux hommes



Le dimanche, Jean jouait au foot. Il aimait la dépense d'énergie, les muscles qui se soumettent à l'effort, le développement de son corps mais aussi cette vanne qui s'ouvrait dans son esprit, qui le canalisait, lui qui avait un tempérament de feu, il fallait bien le dire. Il venait d'emmenager avec Cynthia, son esprit s'évadait sous des montagnes de responsabilités, alors il fallait répondre à tel message, remplir ce formulaire, payer les dettes de cette foutue maison qu'il avait voulu, pour lui faire plaisir, au plus près des racines familiales de sa femme. Et puis, ce nouvel environnement, lui ouvrait la possibilité d'un foot en commun avec toutes les personnes du quartier, c'est à dire des voisins aussi bien que des amateurs attentionnés de l'autre bout de la ville qui venait se disputer la balle. L'ambiance était bon enfant au début, sans prise de tête. On venait pour s'amuser, se détendre, rien d'autre. Ces certitudes s'écroulèrent le neuvième jour quand, au détour d'une visite, il aperçut un homme au regard perdu, grand, brun et sec. D'allure basané, l'étrange individu scrutait Jean avec attention, il ne tarda pas à comprendre qu'il s'agissait de l'ancien amant de sa femme et tout au fond de lui à lui vouer une haine viscérale. L'autre s'appelait Adam, le Premier Homme, il était encore amoureux au fond de lui, c'en était certain. Jusqu'à la semaine dernière ils s'ignoraient en bonne et due forme, leur confrontation s'exerçait qu'en dehors du terrain, au moment de se dire aurevoir, lui le supporter saluant l'équipe, les deux hommes dans une poignée de main, se jaugeant l'un et l'autre. Ce soir-là, Adam prit position dans les vestiaires à la mi-temps, il prit place en face de Jean et tous les deux se parlèrent avec la plus grande franchise du monde. ce qui a pu se dire ce jour-là reste encore dans la confidence, dieu seul sait de quoi il s'agit, mais Jean se conforma peu à peu à de petites confidences sur sa femme, il s'habitua d'entendre ce qui se disait sur sa femme, avant, celle d'avant, celle qu'elle était toujours sous cette couche de bonne famille. et en grattant bien, il pu remettre à jour la vilaine, hors cette histoire ne prend pas fin là, elle se poursuit encore sur le terrain inexploré, sur des gazons fraîchement tondus jusque dans vos maisons, elle envahit tout, telle une marée noire galopante sur un petit village, le rasant de tout. Cette histoire a détruit des familles entières.

02/06/2011

106. mélancolique aigue


T'avais imaginé ton petit spectacle de clown, tes galeries finement diaboliques pleines de pièges, des expos à tout va pour finir dans les bras du monde, une petite musique classique en intro, peut-être un air de piano mélancolique qui planerait sur l'assistance comme le jambon peut se figer en remplissant les banquets. Au menu il y avait des petits fours, du champagne, quelques légumes bio. Un film devait passer à 23h, avec un documentaire retraçant ta vie de merde juste avant "S. est né dans cet espace-là, il reviendra en mai dix ans plus tard pour se faire autant chier, pour céder à l'ennui il décide de devenir dieu" le film suivant sera le tien, le tien oui, quelques caméras gesticulantes sur des plaies usées, un jeu d'acteur pourri jusqu'à la lie servi par de jeunes smicardes en talons hauts que tu as sauté juste avant le tournage en te donnant un air césarien. Tu sais sauver les gens, mais sauras-tu te sauver toi-même? j'en doute...



Espèce de pompier du dixième art, je te revois figé dans l'instant, ton petit film de merde avec quelques répliques justes quand l'autre, se replaçant une mèche, clame devant l'écran comme s'il s'agissait de miroir "je suis la plus insupportable des femmes, je suis pierrot lunaire aussi" des délices dans la gueule puante d'un crocodile, ai-je confié à celle qui m'assistais et ne m'assisteras plus, je suis usé jusqu'à la corde, je vais bientôt tomber, je me fige aussi, puisque tout se fige.





Puis ton château de cartes s'est effondré, tu l'avais monté si proche de la fenêtre que la finalité en fut logique, parfois je te revois, errant sans le sou, triste d'avoir cru à un rêve impossible, sais-tu que la renommé ne sont pas pour nous, les fils de pute?

01/06/2011

107. le livre de ma mère et de celle d'Albert Cohen



Elle ne parle plus, celle qui parlait si gentiment. Elle est piteusement finie. On l’a ôtée de mes bras comme en rêve. Elle est morte pendant la guerre, en France occupée, tandis que j’étais à Londres. Tous ses espoirs de vieillesse auprès de moi pour en venir à cette fin, la peur des Allemands, l’étoile jaune, mon inoffensive, la honte dans la rue, la misère peut-être, et son fils loin d’elle. A-t-on su lui cacher qu’elle allait mourir et ne plus me revoir? Elle l’a tant répétée, dans ses lettres, cette joie du revoir. Paraît qu’il faut louer Dieu et Le remercier de Ses bienfaits.