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06/07/2012

7/7. en conclusion de tout ça


je n'ai jamais parlé de moi, voilà la seule vérité que je me tue à vous dire

6/7. ALD (je pense à toi)


J'ai senti ta chaleur et ton souffle dans mon désespoir qui me criaient de ne pas rompre. Ne jamais courber l'échine, continuer à avancer coûte que coûte. Je vois de temps en temps un peu de toi, un rayon de soleil qui m'indique que tu penses à moi. Quand dans les heures les plus noires s'envolent un papillon, c'est de tes ailes qu'il bat pour venir à toi. Tu es mon dieu, mon seul et mon unique dieu, mon unique croyance. Avec toi je suis fils spirituel, et tous mes pas tendent vers toi, même si je ne sais pas où ils vont j'ai confiance en toi, je te suis.

5/7. Jonathan Trigell, jeux d'enfants, ou Boy-A, c'est selon...



Alors il s’absorba dans le livre, raturant les références au Seigneur et inscrivant laborieusement son nom au-dessus. Il ne croyait pas en Dieu. Son frère avait affirmé qu’Il n’existait pas où B implorait Son aide. Et l’absence de réponse à ses prières semblait prouver les dires fraternels. Peut-être subsistait-il cependant un semblant de foi en lui, car, sinon, qui aurait-il cherché à offenser avec son feutre noir Berrol serré entre ses doigts? Peut-être ressentait-il lui aussi cette exaltation qui affolait le cœur. Le pouvoir de son propre abandon. Une parcelle du grand frisson qu’avait dû éprouver le tout premier rebelle. Ou peut-être voulait-il juste provoquer Dieu pour l’amener à se montrer.
[...]
Or les noms ont un pouvoir, Zed le sait bien. Les juifs évitent de prononcer le nom de « Yahvé » tant ils le craignent. Pour contrôler un démon, il suffit de connaître son véritable nom, mais à la moindre erreur, il vous taille en pièces. Les fantômes ont des noms: répétez « Candyman » devant le miroir et il apparaîtra. Les mythes également: dites « Rumpelstiltskin » et le lutin s’en va. Et si par hasard vous découvrez le nom d’un monstre, même un de ceux qui cachent leur laideur à l’intérieur, eh bien, il peut vous apporter des richesses inespérées.

4/7. just do it


ne t'en fais pas je suis juste mort. Ne t'inquiètes pas, et laisse-moi encore te tutoyer quelques minutes de plus avant la fin du spectacle, ma main sur ta cuisse, l'autre sur mon sexe en érection rugissant ridiculement de mon pantalon. La vie parfois c'est ça.

3/7. the end but try again


Se faire plaquer par quelqu'un qui n'existait pas c'est affreux, alors on se console du mieux qu'on peut, d'un ronronnement félin, du bruit du vent dans les oreilles, de la sensation de sa peau contre le cuir d'un canapé dans un chambre d'hôtel ringarde, de la nuit entre glacée et froide. Le temps se devine incertain comme à son habitude, le son d'une vieille radio crache à travers les murs de la chambre voisine, l'on sort la nuit pour fumer sa clope en surveillant des parkings vides, et c'est très semblables à ce que je faisais avant quand les Autres existaient, quand le Monde n'existait pas et que j'étais foutu d'avance comme un canasson à la retraite dans sa dernière ligne droite. Et puis tout redémarre, les "et" et les "comme" ne suffisent plus, tout recommence, comme avant, mais en pire, le combat des affreuses solitudes, sauf que là rien n'a changé depuis trop longtemps, juste que l'espoir d'une autre s'est envolé, et l'espoir d'une autre encore, et l'espoir de la prochaine, et l'espoir de la suivante. C'est pourri de l'intérieur, toute la machine est gripée, tout le système doit être changé - entièrement remis à neuf.

2/7. je ne suis pas d'accord





Ernest Hemingway avait tort, l’armée n’a rien de cet infini combat incessant qu’est la vie. De nos jours, un vieux général à la main brisée ne peut pas « éduquer » une jeune fille de plus de la moitié de son âge au grand jeu de rôle de l’amour. Plus rien n’est comme avant, tout est brisé, et « au-delà du fleuve et sous les arbres » montrent que le temps est un rempart à la compréhension niaise qu’on a pu avoir à une époque (celle de la rédaction du livre, par exemple?) puisqu’aujourd’hui la jeune bourgeoise serait une accro blasée tournant à l’héroïne dans un monde en totale décomposition merdique. Bien sûr, les gauchos peuvent se révolter jusqu’au tombeaux, au détour on peut rajouter d’Hemingway le côté facho quand il évoque n’avoir jamais été capable de haïr un seul antisémite de toute sa foutue vie. Oh pardon, il s’agit là de son colonel, le personnage, ce vieil homme au seuil de la mort tenant un discours blasé sur le monde, prodiguant les derniers conseil en guise de dernière onction, avec un traquenard bien dressé dans le pantalon pour dire à la vie « je t’encule pleinement, vieille salope ». Mais c’est faux, oui, tout est faux dans ce livre, si ce n’est la beauté italienne du décor, la réalité faisant qu’on a pu se battre ici lors de quelques guerres mémorables, mais il faudrait bien plus de fric nous dira-t-on pour se baiser une pouliche pareille car de nos jours on ne croit plus en l’amour, dixit le dieu-dollar parlant à travers nos bouches de blaireaux demis-mous. Livre alors partagé, émotions imprécises, puisqu’après tout, un colonel en train de mourir d’une manière allégorique, avançant tout au long du récit jusqu’à sa mort, le récit à de quoi donner quelques bons espoirs. La lenteur du récit ajoute aussi à son charme, on tourne les pages comme on tarde à s’approcher de la tombe, on redoute le pire. Puis vient enfin la fin, quand on referme la vie comme Hemingway clôtura la sienne juste après, ou pas loin après, c’est selon. En juillet 1961 il retourne contre lui son fusil et tire, écrivant un ultime chapitre à ce livre avec son propre sang. C’est vendeur de nos jours, diront les plus osés.

1/7. le coeur cousu de Carole Martinez

Ma sœur aînée, Anita, s’est longtemps refusée à l’évidence inscrite dans mes mains, inscrite dans mon nom. Et elle a attendu. Elle a attendu qu’un homme me débaptise et que mes doigts s’attendrissent.

0. au nom du père, allemand de surcroit



Jürgen a mis les bouteilles dans ma voiture, il a tiré un trait sur la carte, il m'a dit "je pars tout droit coûte que coûte" alors j'ai suivi de mes pensées le curieux personnage. Jürgen m'a donné du chocolat, de la bière, des clopes, du vin, et quelques sourires. à Martigny il m'est venu l'idée que je n'écrivais plus par amour, j'avais envie de me pendre littérairement. Jürgen a attendu son fils à mes côtés pendant que je patientais pour prendre un train d'assaut que sans doute je ne prendrais jamais de ma vie. Jürgen a aussi flambé un frigo dans sa demeure de vacances, il a dit "c'est pas grave on continue" et tout le monde l'a suivi. Il a payé ce qu'il devait, il m'a dit que j'étais le bienvenu chez lui, j'ai fait un signe de la main quand il est parti. Jürgen m'a demandé un peu de mon temps, c'est pas grave, il reviendra. Jürgen est un amour. Qu'on se le dise.

1. On n'a plus assez d'essence il faut qu'on avance c'est une évidence


Quand elle sent mon corps raidi contre elle, que tout m'enlace avec les tentacules de l'amertume je prends mon plaisir en elle avec elle sur elle c'est violent c'est beau c'est relatif dimanche j'étais chez ma soeur mais encore je pensais à elle petit bout de femme qu'un clown lyrique avait collé à mes oignons dans ma gamelle ça sentait bon la soupe au choux c'est en remuant que je l'ai aperçue qui nageait alors je l'ai cueillie tout de suite je l'ai aimé et elle m'a manipulé jusque dans sa haine abjecte des hommes à la morale douteuse POINT.


J'ai espéré tant et plus de notre union sur ce lit froid aux ressorts foutus je l'ai tant aimé je l'ai tant aimé que mon corps est pétri des parfums de sa vie je n'ai jamais su faire autre chose que de bouger dans tous les sens c'était de l'amour sans argent pour une fois dans ses yeux coulaient des larmes qui ne touchaient jamais le sol elles roulaient en boule jamais ne sortaient c'était touchant POINT.


Figure asymétrique de son corps nu sur l'oreiller ce lundi matin 6h44 et neuf secondes précisément.


Elle a juste signalé au passage que je pouvais dégager, que le suivant n'allait pas tarder.
"Mais s'il te plait, refais le lit avant de partir" a-t-elle ajouté avant que je l'étrangle.

2. les arbres se cachent pour mourir


Dans le vent entre les terres sèches du sud, la voiture qui tangue au son de l’intangible. Rejoindre la fête les inconnus, s’amuser et boire à la santé de la nouvelle famille. Alors c’est la fuite en avant, le combat délirant, les grandes envolées lyrique jusqu’au café du lendemain matin qui nous réveille au minimum. Une pizza partagée entre frères, au coude à coude, quelques mots échangés, des au revoir semblables aux adieux. On s’enfuit dans le vent vers la terre nourricière, des grandes landes de terres gelées que côtoient des châteaux aux tuiles orangées entourées de maisons serrées en pierre. Le vent, encore le vent, faisant bruire les herbes folles aux pieds des arbres noueux sortis de la toile magistrale d’un demeuré qui avait (re)gardé ce paysage jusque dans ses yeux. Alors on rentre, on danse, on repart, on redans à nouveaux ainsi le feuillage au milieu des roses, nos souvenirs en tête quand vient l’heure de se coucher la tête sur l’oreiller en laissant tout ça se déverser. Alors le réel et l’irréel se mélangent, on recompose des fêtes étranges cernées de fantômes, des impossibles résolus nous donnent les grandes leçons de l’instant: on ne vit que pour le présent, le passé s’enfuit, le futur se construit afin de mieux se faire oublier. Vera, Magnificia Love et autres conneries au milieu de la danse, Mathieu Belezi a apporté son petit roi, Saint Ex’ distribue encore son courrier sud, Duras hurle Hiroshima mon amour! Delacroix s’étonne de la photographie, du siècle passé aux mains calleuses transformé en pouces longs et étroits, on prend soin de l’assassin avec Nothomb, Brussolo nous perd dans ses trajets et itinéraires de l’oubli, dans ce grand pavillon des enfants fous on entend les paroles de Jacques Prévert qu’un vieil homme a fait revivre dans son verre, c’est la pluie et le beau temps aussi ou les attirances d’un Van Cauwelaert quand Ionesco sort faire pisser son Rhinocéros en pleurant de rire. Dans ce théâtre de l’absurde le monde est le seul à ne pas tenir droit.

3. Henri Michaux, poteaux d'angle


Des langues se font, se détachent. En danger les langues trop belles. Les hommes ont besoin aussi d’insignifiance, de familiarité, de facilité.
Mieux adaptés au réel vulgaire, partout des patois pour plus de baroque, de pittoresque, de campagnard.
Lente et sourde, la guerre des langues. Présentement elle reprend autrement.

4. Manu


Lutter contre le sommeil pour ne pas perdre les heures de vue.

5. menteur! hurlaient-ils dans les ténèbres


n'ayons pas peur des mots car je suis l'absent de vos contes, n'ayons pas peur, je suis l'absent de votre vie négligée qui souvent revientt me hanter par des détours inattendus. Et jamais je n'oserais vous dire quelque rapprochement à la vérité, vous parler de ma fille pourquoi pas, vous enfuir ou vous endormir c'est pareil. Les avions vont et viennent, je les vois décoller et attérir, quelque part dans l'océan résonne mon cadavre en stéréo, je suis tombé au champ d'honneur, je me suis détruit/noyé/intoxiqué à vos lèvres, c'est la seule mort qui compte que je voulais vous rendre au centuple comme loi unique du talion. Je vous ai bien eu mais vous n'avez pas compris ce petit jeu dont moi-même j'ai fixé les règles, après tout il fallait tenter de comprendre un esprit fou qu'est le mien, déjouer des pièges invraisemblables, croire une vérité dont je ne sais même plus si elle est vraie ou fausse tant l'époque me parut troublée par votre disparition soudaine. Cette souffrance que j'ai enduré pourtant était bien réelle, j'ai pleuré, je suis mort pour de vrai, de la neige jusqu'aux genoux dans une montagne lointaine ou à vos pieds, ça m'est égal, j'ai été vaincu, tel Hannibal traversant les Alpes, tel Napoléon envahissant cet ailleurs glacé. Je vous ai tellement aimé que maintenant je me fiche de vos règles, de vos jeux, vous êtes l'absente et moi la larme tremblante, toujours la même, métal oxygéné ou non, carbonisé peut-être, noyé c'est selon... Vous êtes pour moi semblable aux pyramides, à un livre jamais ouvert, au paquet de pâtes qui traîne dans mon placard à peinture. Esprit déjanté, je vous l'avais bien dit. Plus rien ne vous fera croire, je ne vous le demande même plus, vous ne me lisez plus, n'est-ce pas?

6. le portrait de Dorian Gray


Ce que vous m’avez exposé est une parfaite histoire d’amour, une histoire d’amour esthétique, si j’ose dire, et le pire, dans toute histoire d’amour, c’est qu’elle vous laisse en fin de compte si peu amoureux.

7. ouaich!


T'as vu? tu crois qu'il est où? il est là, les ailes bloquées au fond du bocal coincé dans cette chambre, il imaginait des trucs plus personnels que de faire la peinture d'une chambre pour elle, il imaginait déjà ses beaux seins noirs dans le creux de ses mains, sa bouche sur son corps, ses doigts à l'intérieur, son sexe dressé. Il imaginait peut-être aussi la récompense, ne pas être traité de la sorte, sortir enfin du rose obscène ou du gris métal qui le piège. Les murs se rapprochent, le lit devient l'ennemi à abattre, il a peur quelque part entre la normandie et le Sénégal. Maintenant il faut se dépêcher de finir car dès demain il sera en fuite comme les autres, parti loin de la diablesse qui le tire vers le bas, les ailes coincées quelques part, des chaînes aux pieds, avant que ce ne soit impossible de se téléporter en fréquence N712. Biologiquement improbable, elle a un sourire sur son visage qui impose le meurtre, on l'aime de la même manière on en vient à la détester, il le sait bien, il l'a connait, il l'a déjà tué dans ses rêves. Biologiquement il faut se faire aux idées neuves des anciennes, se dire que pendant son absence elle a mâtinée ailleurs, que la chambre n'a pas de prétexte, que la peinture c'est la seule chose auquelle il doit s'accrocher. Alors par la fenêtre la neige a cessé de tomber dans la cour de l'école maternelle. Les petits enfants ont mis le dimanche sur pause, les cigarettes se consumment toutes seules dans les cendriers, la télévision endort, le diable veille le crétin abandonné dans le froid, les anges emportent les endormis sur les bancs, les feuilles des arbres ne tiennent plus, même avec de la superglu, le ciel est gris, oui, tout est mort en ce dimanche calme, même lui il dit mourir pour mieux renaître, alors attendons le printemps, quand les corps sortiront des caves de sous la terre, du ventre maternel en éclaté afin de mieux en ressortir, victorieux, et ces corps nouveaux clameront la force, la joie, l'amour, et le lait, s'il en reste encore.

8. la route de McCarthy


Sur cette route il n’y a pas d’hommes du Verbe. Ils sont partis et m’ont laissé seul. Ils ont emporté le monde avec eux. Question: Quelle différence y a-t-il entre ne sera jamais et n’a jamais été?

9. mes morts sont diurnes, mes morts sont de moi


Je suis rentré le visage défait, mon corps brisé, éreinté, comme au lendemain d'un match de boxe. Mes mains saignent, certains doigts ne peuvent plus se refermer. J'ai mal au dos, plié dans tous les sens, la douleur ne passe pas. Comme cette fichue pression sous la plante de mes pieds, je me dis que je suis mort en m'allongeant, mais ce n'est que la pause. Il faudra bien y retourner, je n'ai pas le choix. Je suis quasiment fini. Je n'ai plus d'argent, je suis dans l'obligation, et pourtant ils disent tous qu'ils m'aiment. C'est étrange cet esclavagisme passif, j'en attend un autre qui rendra corporellement ma prison bien différente, je me dis que je fais ça pour l'argent, que je meurs pour la bonne cause, mais il n'y a plus de bonne cause de nos jours, un petit monsieur diminue nos emplois, nous fait travailler plus, je fais ainsi le boulot de deux hommes, quelle belle vie! Maintenant je comprends les deux jours de congé le week-end. C'est si bon d'être en congé, je pense alors, ça ressucite un homme, ça le reprépare à affronter d'autres démons par la suite, car il faudra bien retourner au turbin. Bien que le visage de l'une d'entre elles soit celui d'un ange dans une éprouvette, tu veux l'oublier, elle te blesse déjà, tu ne l'auras jamais, tu fuis loin d'elle, tu penses déjà à la fin, quand tu partiras honteusement, quand seras-tu digne un jour d'être un homme, un vrai?

10. nos soirées fantômes

je suis une veuve éplorée qui ne peut plus rien dire, mon silence est de l'or, mon travail commence bientôt sur la terre comme au ciel. Je suis de celles qui disent oui et non à la fois, qui ne savent pas prendre de décision, et dans les soirées maudites qui rejouent nos enfances, je me veux dérangeante. Les anniversaires n'en peuvent plus de s'aligner, un an de plus encore, demain, pas le mien, le maudit, oui le maudit. Alors je sombre en silence dans le marais des échiquiers, je plonge en noir et blanc si vous voulez, je me suis juré de tout vous dire sur ce que j'avais dans la tête, mais aujourd'hui je n'ai plus rien. Je suis juste la veuve éplorée d'Halloween mise à nue par vous, mon âme est bien morte, c'est elle que j'ai enterrée demain matin au premier rayon du soleil. Je ne vous suis plus, je ne fais plus partie de votre monde car votre monde c'était demain et le mien c'est hier. C'est comme ça. En plus je dis oui et non en même temps, voyez, je ne suis pas parfaite. Quand à l'arsenic que j'ai essayé sur les corps ivres/échoués de la fête d'hier, c'était pour me sentir humaine une seule fois à violer les cadavres de toutes les jolies filles présentes. Sauf que c'était dans ma tête. Que je dis oui. Que je dis non.

11. détruire, dit-elle


Ils s'aimaient, mais cela ne lui suffisait pas, car elle voulait toujours plus, de cette ambroisie des jours heureux. Alors lui, si lointain, qui ne pouvait épancher sa soif, devait en souffrir. Le loup était dans la bergerie, d'abord rôdant autour de la maison chaleureuse. Ce n'était que des mots, un concept qu'elle voulait entendre, puis il était beau, terriblement beau...
C'est facile de céder à la tentation, il avait quelques années de plus qu'elle, beaucoup trop au goût de l'autre. Il avait un prénom charmant qui commençait par un X. Une inconnue superstitieuse rentrant dans une équation à équilibrer encore. Elle, si lointaine, du bout des doigts elle a dit oui, le coeur battant de la folie qu'elle commettait, l'impératrice sur son grand trône d'argent a dit: "viens". Il est venu alors, un jean, une chemise, rasé de près, sentant un mélange de parfum et des clopes fumées sur le trajet qu'il a fait, pour se calmer, de l'arrêt du RER jusqu'à chez elle. Ce même chemin que faisait l'autre, celui qu'elle appelait si superbement mon chéri, son chéri qui venait du froid.

Il est arrivé chez elle, coup de foudre, ils ne se sont pas beaucoup parlé. Elle avait déjà une humidité naissante au milieu de son trouble qui disparaissait, l'envie d'en consommer encore plus. Alors elle a penché sa main dans son pantalon, elle l'a embrassé aussi, ils ont fait l'amour dans le salon, puis dans la chambre, debout contre le placard où elle rangeait ses affaires. Il était un peu plus expert qu'elle dans les joies du corps, il s'y connaissait un peu plus aux nouveautés des fraîcheurs de ses seins, il avait le sexe si dur en elle, il lui donnait les coups qu'elle voulait, et elle ne pleurait pas contrairement à lui, de sa voix folle quand il en vînt à apprendre la coucherie, le lieu, le comment. "détruire", dit-elle, maintenant. Car tout est mort dans le coeur de l'autre quand le sien continue à battre terriblement sous d'autres amants. La lune est aussi lointaine que peut l'être l'amour, elle l'a délaissé n'en parlons plus.

Pleurons seulement, tout bas, à la créature dans le noir qui rôde encore auprès des jeunes filles en pleurs, c'est cet homme qu'un jour j'assassinerai pour m'avoir rendu semblable.

12. mathématiquement parlant "je"

C'était dans un grand hôtel quelque part entre ici et le Mexique, nous étions encore éclairés à la bougie. Sans savoir pourquoi il ne restait plus que Bernard et moi, nous griffonnions des trucs incompréhensibles à même la nappe, nous renvoyant la balle à chaque fois entre le caviar de tomates au romarin ou la langoustine chocolatée du chef à la sauce Happelstein. Bernard:
"142 857 est un chiffre bien étrange! commençons par le multiplier, regarde!"

142 857 x 1 = 142 857
142 857 x 2 = 285 714
142 857 x 3 = 428 571
142 857 x 4 = 571 428
142 857 x 5 = 857 142
" ce sont toujours les mêmes chiffres qui reviennent! changeant simplement de place, avançant comme un ruban! et si on multiplie par 7? cela nous donne... 999 999.
Or, en additionnant 142 + 857 on obtient... 999.
14+28+57= ?
99!
le carré de 142 857 est 20 408 122 449, ce nombre est formé de 20 408 et de 122 449 dont l'addition donne... 142 857!"
J'ai reconsidéré grandement le fromage qu'on me tenait sur un plateau avant de lui demander:
" Et sinon les amours?"

04/07/2012

13. elle est là

C'était sous la pluie ou dans le vent, avec les derniers rayons de soleil qui tombent sur les immeubles de la cité. Il y avait l'angoisse du lendemain, dans quoi allait-il travailler, comment sa vie allait s'organiser, tout ceci au moins avait-il un sens? les voitures envahissantes tout autour, des cosmopolites d'humanités voguant de ci de là et elle. Les destructions immédiates de tous les principes, les préjugés, à la poubelle, vos envies, à la trappe, ne rien faire d'autre qu'avancer. Plus loin ils allèrent tous les deux au bord du lac, sous un arbre, allongé dans l'herbe encore trempé de la pluie de la veille. Leurs corps humides coulants l'un en direction de l'autre, elle avait sa bague comme un mélange d'appartenance décisif et il mélangeait ses pensées à celles de son entretien d'embauche de l'après-midi qui n'allait pas tarder. Il avait sa tête sur son bras, sa bouche contre elle, il aurait tout donné pour faire durer l'instant plus longtemps au milieu des cygnes ou des bébés qui galopent sur l'herbe à vous emmerder en jouant au ballon. Il ne fumait plus et ne buvait pas. Elle ne mangeait pas et ne buvait plus. Ils jouaient simplement au jeu du chat, à se quitter, à se remettre, à faire courir la souris autour du monde, dans les montagnes ou sous le nid d'un serment maquillé, qui s'en va faire sa nuit. elle avait son odeur coincé dans une boucle de ses cheveux, il avait son goût sur la commissure des lèvres. Ils se souriaient, repensant à autrefois, à quoi pouvait bien ressembler autrefois, que pouvait-on améliorer, ce putain de rendez-vous qui cassait le charme de ce renouveau qui commençait là, maintenant. il y'avait le soleil de l'été, il y'avait la moiteur de sa main, le froid du lac, l'attente d'un restaurant, le rendez-vous qui débouchait sur un essai, encore de l'attente inquiétante, il devait la ramener sans en avoir l'envie, elle ne voulait pas détacher ses mains de son corps. ils étaient rentrés dans le noir du carcan de l'automobile, sans qu'il la regarde, appréciant sa présence proche, son souffle, ses baisers minuscules. arrivés chez elle, à sa demeure de deux mois, ils s'embrassèrent, ce fut long et triste. C'était trempé du désir de ne plus se quitter. Mais ils se quittèrent quand même. Encore. Jusqu'à la prochaine fois. Et il repensait à tout ça dans chaque virage le ramenant à sa solitude, dans chaque ligne droite. Jusqu'à sa citadelle d'effroi qui se referma sur lui à grands coups de poing dans la gueule.

14. ce que la puanteur peut laisser

Ce soir-là j'étais un peu agité, faut dire qu'il faisait un froid de fin de monde, l'humidité dessinait des volutes gercées sur les capots des bagnoles tout autour de nous. La neige arrive demain. Nous nous sommes dirigés dans un bar, la vieille habitude de nos ancêtres. J'ai parlé un peu, j'avais envie surtout de parler beaucoup, mais pour rien dire, afin que la conversation ne meurt pas. En fait, ce qui m'agitait c'était l'absolue nécessité de prendre un verre de quelque chose que je ne trouvais pas. J'avais aussi faim, une faim qui me tiraillait l'estomac puisque tout le jour durant je n'avais rien avalé. Aussi, j'avais envie de dévoiler un peu de mes pensées, j'aurais pu dire alors que miss A. me tirait une pensée d'un ailleurs étrange, asexué, et que miss C. revenait sans cesse pour troubler tout ça. J'avais aussi envie de demander à Alex ce qu'il pensait réellement des nécessités, que savait-il de la vie, où commençait l'amour et où s'arrêtait-il? S. après tout n'était qu'une plaie qui ne voulait pas guérir, parfois les morts reviennent aussi à la vie. Mais S. était présente dans mes pensées que par le fait que j'allais bientôt fêter la mort d'un autre, alors la vieille déchirure, cette fin d'année qui revient sans cesse, je revois les même évenements, je me rouvre à nouveau, je me ronge jusqu'au sang, je me dis à quoi bon? mais sans rien faire. Et puis j'ai rien demandé de tout ça à Alex, à quoi bon?


au bout d'un moment les voitures évoluaient normalement dans les rues glacées, on suspendait nos souffles dans l'air, bien visible, on examinait les phares de ces caisses-là se perdre dans la nuit, on écoutait le bruit en suspens, j'aurai bien aimé détailler les tons de la lumière qui régnait en ce lieu. Comme si le monde était devenu gris, comme si chaque jour je devenais un peu plus mort, m'éteignant à la même vitesse que ma cigarette se consumait. Puis j'avais perdu H., j'avais perdu T. aussi, et bien d'autres encore, je les laissais partir, je les poussais même parfois, et parfois j'en riais, parce que le monde est une grotesque farce à des moments dans lesquels Hank Moody ne peut rien, on s'asseoit sur le banc, on voit tout changer autour de nous, on assiste aussi impuissant que notre grand-père face aux gros seins de notre première amoureuse. Cruauté diabolique, souillarde infâme, la voix seule gueule dans le néant: un jour je niquerai ta sale gueule.

15. ô douceur


En fait ce qu'il y a c'est que je n'ai plus le goût de rien ni de toi. Que j'écris à l'absynthe. Que le navire coule. En fait je vois des anges s'écraser chaque jour, tout autour de moi, sans douleur et sans heurt. Mais le plus dur là-dedans c'est que j'en suis devenu impassible, froid, assassin.

En fait, ce qui me gêne c'est le nombre de cons ici, ça fait peur les cons, quand y'en a trop on se sent pris au piège. On a même du mal à partir, au début c'est rigolo un con, c'est comme le feuillage au milieu des roses. ça repose. Mais trop de cons tue le con, dans ce théâtre on tue le dernier con (moi) à l'usure. En fait, tout le monde il est con.

Pire encore, on a vérifié le mot con dans le dico, mais on sait plus en foutre une définition correcte, on emploie le mot n'importe comment. Il n'y a plus de culture, c'est comme lire du Michel Onfray, clamer ses paroles en évangile, se dire que ce mec a raison. Mais c'est faux, ce mec a raison de rien, c'est de la culture pour les cochons, les idiots filent dans le mur. Mais c'est pas grave, j'en ai marre d'expliquer. Tiens, c'est ce livre que j'ai lu de lui, ah puis j'ai ça aussi de lui. Bon ça va p'tete nourrir le feu. A ce stade-là je m'en fous de tout, ma dépression me fait grossir, je trouve les mots des autres cons ennuyeux, leur présence m'irrite, je deviens vieux. Vieux et fou. En fait ce qui me dérange c'est que je n'ai plus envie d'être dérangé.

Je veux une île loin de tout avec la poste pour me livrer des livres, une fois de temps en temps, un peu de papier et d'encre, pour dessiner et écrire, mais même avec ça je trouverai le moyen de...

me faire chier comme un con!

16. cinq notes suffisent, est-il dit d’une musique, pour détacher l’âme du corps


Citadelle de Saint-Exupéry:

Seigneur, ainsi de mon ennemi bien-aimé que je ne rejoindrai qu’au-delà de moi-même. Et pour qui, car il me ressemble, il en est également ainsi. Donc je rends la justice selon ma sagesse. Il rend la justice selon la sienne. Elles paraissent contradictoires et, si elles s’affrontent, nourrissent nos guerres. Mais lui et moi, par des chemins contraires, nous suivons de nos paumes les lignes de force du même feu. En toi seul, Seigneur, elles se retrouvent.

17... combat



J'ai les poings rouges sang à force de meurtrir la chair des autres, ma vie sentimentale est une merde effroyable, je tombe amoureux que quand je me fais larguer. La cloche tonne au cinquième round, je vois des choses étranges, ma vision est floue, en face de moi 1m80 pour 100kg de barbaque, son nez n'est plus qu'une patate sanguinolante, je n'arrive plus à écrire, je passe ma frustration là-dedans. J'ai le syndrôme de la page blanche. Cogne, cogne, cogne, sont les seuls mots que j'imprime sur sa chair. le choc, les tremblements, la foule en délire. Hourrah! Je lève les bras en l'air l'oeil déformé par un coup mal reçu, une arcade ouverte, je n'arrive plus à écrire que des lettres de sang, des ronds de haine, de la gerbe de mauvaise humeur bouillie en grappe laiteuse noir sur blanc noir sur blanc noir sur noir sur blanc sur noir.
Un mot à la fois. Cogne encore. Plus fort. Ouais c'est ça. Vas-y.
L'adversaire est entrain de rompre sous son poids, je suis à cheval sur ce qui lui servait autrefois de crâne, j'écrabouille cette vermine. Je crois voir un sourire se dessiner dans le sang. Quelques dents giclent de là. Je repense à la veille, la réponse de l'autre con: "nous allons publier vos articles". Putain de bordel de merde de pute borgne, oublie cette foutue lettre qui arrive très mal quand tu n'es plus en capacité d'écrire et zappe de ce monde toute trace d'art. Ton combat en défouloir c'est ici et maintenant. L'arène que tu as créé et tout autour de toi à te regarder t'agiter, à te clamer, à hurler que tu as raison, le spectateur t'encenses. Ouais c'est ça, tu as raison. La ligue de boxe se sert de toi, t'oppresse, tu voudrais tous les voir crevés. Tous. Ils te serrent la main à la gorge, cette griffe t'empoigne la tête, tu étouffes, alors tu bats l'autre encore, tant et plus, parce que ça fait du bien, tu te sens vivre. Tu es une pauvre créature pathétique. Minable. Arrogant. Un chien qui aboie après les bagnoles, sans idées, sans originalité, rien. Tu es la sous-merde d'un autre. De l'adversaire peut être. Mais celui que tu affrontes ne répond plus rien, tu es prisonnier de ton propre piège que tu as toi-même créé, et maintenant faudra leur expliquer comment faire pour dégager le corps inerte du parking pour le jeter devant l'hosto à bord d'une voiture volée en espérant qu'il soit encore en vie, qu'il ne clamse pas encore, et qu'on ne remonte jamais jusqu'à ta pitoyable existence qui tourne en rond. T'aimerais être bureaucrate, rien qu'une fois. Avoir une vie normale.

18. les enfoirés du nouvel an


Tu as dû rentrer, à regret, afin de reprendre le cours de ton existence pathétique. L’été est fini, tu le vois aux travaux qui parsèment le décor, de Cluses jusqu’en Suisse t’as l’impression qu’on repasse un coup de peinture sur un décor en carton-pâte. Puis tu râles, avec le souvenir qu’à une époque il te fallait dix minutes environ pour aller du bowling à la frontière sans passer par six putains de feux rouges. En plus c’est encore l’époque où certains restent en vacances, Septembre, des vieux pour la plupart qui roulent à deux à l’heure en écoutant nostalgie à fond les ballons pour se souvenir de leur folle jeunesse de papa sur maman. « on m’avait dit qu’il faisait moche! » penses-tu douloureusement en tirant sur ta Benson Gold. L’autre devant se déchaîne dans son camping-car, il te scande les paroles du tout dernier album de Sardou sans omettre la chorégraphie, c’est plutôt cool quand ça se passe pas en plein milieu de la route. En le doublant tu découvres un véritable cliché du cinquantenaire bedonnant avec son bob d’une marque de pastis qu’il ne faut pas nommer sans le copyright.Après le retour, la longue convalescence du bitume qu'on a maltraité des années durant. Les nouvelles banques ouvertes, ce qui a changé en ville, c'est-à-dire rien. Les nouvelles conneries du maire, les petites vieilles sur le marché commentant au kilo le prix de la saucisse de Francfort. Le monde tourne toujours dans le même sens et rien n'est véritablement neuf. Pas de quoi fouetter un chat.
Pendant ce temps-là on galope dans les couloirs de l’assemblée générale en hurlant démission, tout le monde s’en fout. Le prix de la vie a encore augmenté, quelque pourcentage du budget de la pub suffirait à réduire la fin dans le monde, tu consommes trop de CO2 et tu fumes comme un pompier pour donner raison aux industries pharmaceutiques qui cette année ont remportées pas mal de tournoi de golf.Les glaçons tournent dans ton black russian que tu ne boiras plus au devant de tes lunettes noires, te voilant en terrasse, le monde tourne toujours et il fait beau, apparement c’est la seule chose qui compte avec elle.

19. l'une des vérités



On a tort de se plaindre. Si on savait d’où on vient, où on est, où on va, ce serait l’enfer absolu. Comme disait Georges Perros.