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22/06/2012

20. il est mort et plus rien ne sera comme avant

Il est mort et plus rien ne sera comme avant. Ni l'odeur d'un champ qu'on découvre dans un matin de printemps ni le goût de l'écorce sur nos lèvres enfantines dans les montagnes de sa famille. Il est mort et plus rien ne sera comme avant, fini les longues promenades par au-delà du fleuve et sous les arbres, le son des cloches des vaches, la rhubarbe les roses puis les fruits rouges poussés au jardin. Le petit vin fraternel qu'on boit entre copain, les chansons, la chorale mais aussi les casse-têtes en bois qu'il faisait. Il est mort et plus rien ne sera comme avant, ni l'intérieur des maisons de son village, ni la couleur de la cheminée, ni son odeur, ni sa chaleur qui viendra réchauffer nos os devenus cassants par le temps. il est mort et plus rien ne sera comme avant, fini l'été éternel qu'on revoit en pensant à lui, les bonbons cachés au-dessus d'un placard, les sculptures de sapin, les bancs en pierre, le fleuve qui coule au milieu de tout ça avec les bruits de pas de l'animal majestueux, zèbre, lapin, gorille, panthère, daims et oliviers inexistants. Il est mort et plus rien ne sera comme avant, ni le goût de l'eau pure, ni le parfum de sa femme sur l'oreiller, ni la chambre abandonnée, ni l'horloge au salon, ni le réveil qui sonne creux, tout ça, tout ce monde qui n'existera plus car il a fermé les yeux de son corps pour ouvrir les yeux de son âme. Il est mort et plus rien ne sera comme avant.

21. 11 Septembre (en attendant la suite)


à l'ombre des tours mortes où le ciel ne bouge plus, c'est ton souffle que je retiens comme autant d'explosions. Ton parfum revient cruellement en douce,par derrière sans que je le sache il hurle arrivederci amore ciao. Je le savais. Je l'avais prévu, cette grande chute. Babylone est une pute des temps modernes, j'accours dans les temples et rien ne vient que la grande chute des idéaux, de tout ce en quoi l'homme croit, des passions à couper le souffle et les grands diplomates d'une force libre de fainéants!

Mais passons nos années, faisons comme si je n'aimais que toi jusqu'au dégoût des hommes jusqu'au dégoût des autres. J'ai encore ton parfum sur l'oreiller. Une odeur de cendre en poche. Quelques brins de tragédie, un soupçon de grandeur quand on cherche à se hisser sur la pointe des pieds pour conccurencer les buildings y'en reste trop des hommes comme moi.

à l'ombre des tours mortes je fais encore des ronds dans l'eau. J'ai encore l'amour de toi. J'ai encore le parfum de toi. J'ai encore l'ivresse de toi.
Et tout est faux mais j'aime croire que non et puis si mais non.
Je me contrarie moi-même sur toi, tu vois?

Il ne reste rien que le grand souffle qui peine, la fumée grises des fondations, le remord, le scrupule de se laisser envahir, de s'être laissé submerger. On reprend.

J'ai maintenant plus aucun poil au menton, je porte une chemise. Je fais l'amour dans du papier peint qui ne se décroche pas. Je sens d'autres odeurs, j'ai oublié la tienne. Puisque c'est ainsi que l'autre faisait. Je crois qu'il ne faut pas regarder en arrière, mais comment faire quand on est enchaîné à lui? C'était la question à un million ça, bonne soirée adieu aurevoir au plaisir.

22. dis-moi est-ce que je peux?



Nous n'avons fait que fuir et sur la longue route des chats resplendissants deviennent nos alliés.
On a l'art des tempêtes. Et on à l'art de la plaine.

23. la longue route du rock


Entre autres, ce qui valait le détour c'était eux, cette espèce de Jacob que je ne connaissais pas, cette espèce de rythme que je ne connaissais pas, cette espèce d'ambiance que... Au final, ils ouvrent les bras, tenant entre leurs cheveux des bouts de the national; high violet. Ils avaient du sang sur les main, des fruits au fond des poches. Et puis j'ai imité le singe savant en buvant la pisse de l'âne fraîchement sortie du tonneau d'un mal-propre. la vie est belle.

24. aujourd'hui rien demain rien


Tes seins, je les imagine dans toutes les positions que la vie puisse faire. Ton cul est une offrande. Tout ton corps est voué au soleil. Je n'ai qu'à tendre les bras pour te cueillir, fraîche enfant. Mais pourtant tu n'es pas à moi, tu n'es plus à moi, je regrette encore et toujours. J'en deviens aigri. Dans mes fantasmes les plus fous j'ai fait de toi une pute.

13/06/2012

25. Alessandro Baricco, novecento: pianiste


Ça arrivait toujours, à un moment ou à un autre, il y en avait un qui levait la tête… et qui la voyait. C’est difficile à expliquer. Je veux dire… on y était plus d’un millier, sur ce bateau, entre les rupins en voyage, et les émigrants, et d’autres gens bizarres, et nous…

Et pourtant, il y en avait toujours un, un seul, sur tous ceux-là, un seul qui, le premier… la voyait. Un qui était peut-être là en train de manger, ou de se promener, simplement, sur le pont… ou de remonter son pantalon… il levait la tête un instant, il jetait un coup d’œil sur l’Océan… et il la voyait. Alors il s’immobilisait, là, sur place, et son cœur battait à en exploser, et chaque fois, chaque maudite fois, je le jure, il se tournait vers nous, vers le bateau, vers tous les autres et il criait (adagio et lentissimo): l’Amérique.


26. les montagnes


ah comme tout va mal, comme tout est de travers.

Tes mots jetés sur de l'encre, dans du sable, écrits par terre, mal fichus et tombés-broyés-éclaboussés comme si la terre n'était plus ronde du tout.

Le silence ne me poursuit jamais, la tranquilité comme l'oiseau, de là où je suis je contemple l'édifice humain pitoyable. Ils sont tous en bas ces misérables individus, toi en hauteur, en bête fourvoyée dans ta montagne, isolé comme un sauvage.
"je suis un sauvage" tu te dis alors comme un autre l'avait dit avant toi.

Mais ici le naturiste revient au bungalow, tu retrouves internet au plus près des étoiles, ton portable vibre toujours, tu peines à t'endormir pourtant tu es entouré de la nature profonde et animale, aussi paumé qu'un robinson comme le voulait l'auteur.
Mais Robinson n'est qu'une fiction du vendredi, l'auteur est ici, perdu, mais pas totalement. La vie le rappelle, la population exige de lui une audience, il faut redescendre de la montagne sans le sou pour signer des papiers comme quoi on donne notre petite personne à la science, au diable, au travail et à notre bonne vieille France.
Alors regagnons la civilisation dans un bol d'air pur, pleins les étagères à mégôts et cap sur ce monde qu'on veut illusoire. Redescendons comme chaque pas qui nous fait souffrir contre autant de questions internes. Finalement l'amour n'est plus qu'un mauvais présage de plus, la vie ne vaut pas le coup d'être vécue comme ça, les grandes civilisations sont faites pour tomber et l'homme pour perdurer jusqu'à ce qu'il finisse par se bouffer lui-même. C'est certain.

27. elles auront ma peau avec elle

elle ne sait pas que elles détruisent tout
elle ne sait pas que L. elle est
L. est
j'avais marché bien des routes, fatigué.

28. Ionesco

Père, nous ne nous sommes jamais compris… Peux-tu encore m’entendre? Je t’obéirai, pardonne-nous, nous t’avons pardonné… Montre ton visage.

29. la tonne


Sur mon trône de pacotille, avec mes lunettes de soleil explosées, je me suis refait le monde à moi tout seul. Délaissant l'Homme de Papier avec ses mystères qu'ils ne résoudra sans doute jamais. Oubliant la femme des menhirs, celle dont le coeur ne peut recracher que des chants bretons. Recrachant les infinis, ceux qui se veulent de tout mais ne sont rien. Enfouissant le sang, lui qui n'avait rien fait. Abandonnant de nombreuses chimères ainsi, puisque sinon ce n'est plus de la destruction, c'est du suicide. Je voulais me prévenir, il vaut mieux tout détruire pour tout reconstruire en plus neuf. Quitte à en laisser les âmes de ses amis. Dans le creux de mes mains caleuses j'avais vos idées, vos tonnes d'idées, ce matériau brut translucide qui peut amener les empires à leur perte. Et je souriais de ces kilos rocheux.

30. le cantique des cantiques c'est quoi? une pub.





Et qu’ils ne figurent plus autour de toi, dans leur diversité, que les objets d’un même culte, que les éléments d’un cérémonial, que les mots d’un cantique.


31. j'aime cette citation tendant à l'irréel

Les livres d’or de mes expositions sont partagés entre les gens qui adorent et les gens qui détestent viscéralement. Je suis régulièrement traité de pervers ou d’obsédé… maintenant j’ai l’habitude et je n’y porte plus d’attention.
Pierre Dessons

32. WOMEN

Ramasser les oiseaux morts tombés à terre, balayer le sol de nos cendres. J'ai erré de la cave au grenier à la recherche de toutes ces femmes qui te ressemblaient. Dans toutes j'entrevoyais une lueur, cette étincelle étrange qui me faisait penser à toi. Tu étais assise à chaque siège, l'ombre des effacés prenait ton odeur, la clarté des gestes de cette fille aux yeux clairs t'appartenait. J'ai fumé de trop, j'ai bu de trop, je vis des excès que tu m'infliges pour continuer à croire en toi. Tu es donc un genou serré sur le mien, une main qu'on passe dans les cheveux, la voix d'une femme balancée sur un piano, le rire qui tonne à mon flanc gauche, l'alcoolique des fins de bar, les pieds qu'on range sous la table parfaitement sages. Je t'ai reconnu dans un sourire, elle avait quinze ans peut-être seize. L'autre aussi avait un peu de toi, même la noire magnifique tout au bout d'une tablée de convives porte en secret ton feu brûlant. Quand nous avons fui la soirée en compagnie de M. j'avais ton silence lourdement armé à mes bottes, sa main dans la mienne était la tienne, son corps nu contre le mien était un peu de toi... envolé dans le petit jour quand le soleil vint démasquer la supercherie. J'ai continué à croire en toi, mais tout était amer. M. n'avait plus rien de magique, les autres non plus. Mais les femmes étaient toutes belles, toutes charmantes, toutes celles que je croisais n'avait plus rien de toi. Tout avait un goût nouveau, une nouvelle odeur, de nouvelles sensations. Je renaissais partout, entre les pavés jusqu'aux grandes citadelles moribondes. Je voyais le soleil, j'avais la mer, je rentrais déconfit d'une soirée, abîmé de partout, sale, puant, la barbe bien crade, de grosses lunettes cachant mes cernes, mes vêtements froissés, mais à cet instant oui, j'étais beau à l'intérieur.

33. l'existence

Après l'accident me vient tout un tas de tracas.
Le premier incident c'est de finir piéton. Si Dieu a dit que le pouvoir est au peuple il n'était certainement pas piéton.

34. Romain Gary


Le plus grand danger pour le monde serait l’impuissance américaine. Le godemiché a existé de tout temps, mais chez eux, il est devenu nucléaire.





au-delà de cette limite votre ticket n'est plus valable

35. s'en aller



 
Partir
Toujours partir
Même sans savoir où l'on va
Même sans savoir si l'on restera

09/06/2012

36 façons de mourir...


Les porcs reviennent à la vie. Les grands espaces m'indiffèrent. Aucun connard n'est mort. C'est redevenu aussi simple d'écrire en automatique avec cette bouillie immonde coincée dans la gorge. J'envisage des sépultures prochaines en guise de commité d'accueil. Bientôt je reprendrais le monde. Tremblez encore. J'écris. Je lis. Je pisse. Je me mortifère dans vos sous-marins d'idéaux. Je ne suis plus de votre chez vous. Je ne suis pas là. Je fume et je bois. Je me lève dans la tourmente. Je pète vos gueules quand vient la nuit. Je tue vos fils. je viole vos filles. Je hante vos femmes. Je suis le plancher qui craque dans votre maison ou cette petite coupure au fond de la lèvre qu'on ne peut s'empêcher de passer la langue dessus. Je suis votre, sans l'être forcément. Je suis un électron libre de tout espoir. Je suis l'anarchie de vos discours, de vos propros. Je serai vos navets, vos échecs non-assumés. Je serai votre pute, votre bestiole, votre bête à punir. Pour un peu que ça en vaille le coup. Pour peu que ça ne le fasse pas. Parce que je ne suis plus rien qu'une poussière sur l'étagère centrale de la bibliothèque, le mot d'ordre qui a tout fait basculer. Des tours mortes sont tombées pour moins que ça.

37. Nicolas Bouvier / l'usage du monde


Je proposai d'écrire un conte.

- C'est une idée: un conte sans prince.

- Le diable?

- Si vous y tenez... mais pas de saint. J'ai besoin de ma place.

38. tout au plus me cacher derrière des lunettes noires





des jours enfermés à ne connaître que les dehors de soi, des jours enfermés pour ne connaître que soi, les autres n'existent plus. j'ai quitté ma ville pour une autre, je trahis, je trompe, tout ça d'un même élan. chemise bleu et jean sombre, je suis devenu élégant entre temps, un mouton parmi les loups, je me fonds dans la masse. ne craignez rien, je ne dors plus, je me nourris mal, je travaille du mieux que je peux pour gagner mon pain et mes clopes. la nuit me vient dans mes rêves de longues files de femmes, leurs jambes entrecroisées s'ouvrent pour mieux se refermer. CLAC!




je suis un connard absurde dans un balroom désertique, je fais la nique aux autres, j'essaie d'aller mieux, ce n'est pas gagné. Hier j'avais trop bu de trop vivre. j'étais sur un bateau, je naviguais avec mon compagnon Novecento, nous allions vers un ailleurs impossible. il n'était plus de jour plus de nuit. j'écrivais surtout pour ne rien dire.


39. à Ostende






Sibylle et Mathieu face à la mer, elle, la tête sur son épaule. Ils venaient de se rencontrer mais s'était déjà dur entre eux. Regardez donc la flûtiste, lui plus âgé, sur les bords, au milieu. Regardez les trois bandes de la flûtiste, lui payer quelques verres, la laisser parler de son homme en serrant les dents. Mathieu traçait des dessins dans le sable, Sibylle jouait debout dans le vent, dans le sable, les lumières de la ville clignotaient en face d'elle.




Véritable déclaration d'amour. Véritable passion des villes. Du lointain. De la musique.

Ne pas dire les mots interdits, attendre. Alors ils en étaient rendus là. Elle, la tête sur son épaule, lui une bière dans les mains. Lui qui patientaient dans le vent, cachant son chagrin, le souvenir d'hier quand elle jouait. Ces jours-là étaient passés bien trop vite.




Elle parlait, la voix n'allait pas avec son corps: demain je vais prendre le train. Je m'en irai loin. il se peut que l'on se voit en août, il se peut aussi que je sois accompagné de mon homme. Je ne veux pas repartir et pourtant il le faut. On se reverra donc sûrement en août, puis après on ne se reverra plus. Ce sera fini.




- Et si je veux que ça continue? finit-il par articuler.




Et le silence retomba sur eux. Le silence du vent, le silence de la terre, le silence des eaux dans leurs âmes troublées par cette flamme qui venait de s'allumer.


40. Oedipe sur la route

Le lendemain, Œdipe s’en va dès l’aube. Clios, inquiet, le suit. Après une longue marche, ils entendent au loin un bruit sourd, c’est vers lui qu’Œdipe se dirige. Ils parviennent au bord d’un fleuve que les orages ont fait déborder. Son cours précipité charrie les débris, des troncs, des bêtes mortes. Œdipe est ému par le tumulte et la violence des eaux, il enlève ses vêtements et se précipite dans le fleuve. Il est entrainé par les courants, submergé par les vagues, frôlé par les troncs qui filent à toute allure. Il surnage, mais Clios, qui court en l’appelant le long du rivage, a l’impression qu’il a perdu conscience. Œdipe est emporté par le flot vers l’éperon d’un îlot rocheux. Au moment de s’y fracasser, il parvient à se hisser sur le roc. Debout, chancelant sur la pierre glissante, il est saisi de joie, transporté par l’enthousiasme et la fureur des éléments. Les vagues s’élèvent, se brises sur ses genoux, tout est mouvement, rafales, sauvageté souveraine. Un tourbillon noir et attirant se forme autour de lui. C’est son destin de s’y laisser glisser en abîme. Clios voit sa chute, il court vers l’aval et se jette à l’eau pour intercepter le corps d’Œdipe. Le courant porte le corps vers Clios qui le saisit, le soutient et tente de nager vers le bord. Œdipe semble inanimé, la rive est proche, Clios ne regarde qu’elle. A ce moment un tronc le frappe violemment à la tête. Il lâche Œdipe et coule.
Clios revient à lui, il est sur la rive, un homme pèse sur ses poumons avec une force incroyable et l’oblige à vomir toute l’eau qu’il a avalée. Œdipe, c’est lui, le frictionne, le réchauffe, l’oblige à se relever et à repartir sous la pluie vers la cabane. Comment, aveugle, l’a-t-il sorti de l’eau et ramené sur le bord? Clios l’interroge et Œdipe semble étonné de ses questions. Il répond seulement, à sa manière: « Nous sommes là .» Quand ils ont regagné à grand-peine la cabane où Antigone les attend et panse leurs blessures, Clios comprend qu’il n’en saura jamais plus.




Henry bauchau


41. en parlant du scaphandre et du papillon


J'essaie de mettre un peu d'ordre dans ce vaste mouvement des âmes. Si je suis avisé qu'à mon intention on a brûlé quelques cierges dans une chapelle bretonne ou psalmodié un mantra dans un temple népalais, j'assigne aussitôt un but précis à ces manifestations spirituelles. Ainsi j'ai confié mon oeil droit à un marabout camerounais mandaté par une amie pour m'assurer la mansuétude des dieux africains. Pour les troubles de l'audition, je m'en remets aux bonnes relation qu'une belle-mère au coeur pieux entretient avec les moines d'une confrérie de Bordeaux. Ils me consacrent régulièrement leurs chapelets et je me glisse parfois dans leur abbaye pour entendre les chants monter vers le ciel. Cela n'a pas encore donné de résultat extraordinaire mais, quand sept frères du même ordre ont été égorgés par des fanatiques islamiques, j'ai eu mal aux oreilles pendant plusieurs jours. Toutefois ces hautes protections ne sont que des remparts d'argile, des murailles de sable, des lignes Maginot à côté de la petite prière que ma fille Céleste récite chaque soir à son Seigneur avant de fermer les yeux. Comme nous noous endormons à peu près en même temps, je m'embarque pour le royaume des songes avec ce merveilleux viatique qui m'évite toutes les mauvaises rencontres.

42. se souvenir des diables






Saint Malo sous la pluie telle que je l'ai toujours connue.
Cette salope odieuse me défie du regard, elle veut savoir si je suis encore capable.
Mais ai-je les bras encore assez fort?
Au début ce n'était plus ça, j'avais mes lunettes de soleil.
Mon paquet de clopes. Mes cafés en vrac tout au fond de mon sac. Et ma vieille bagnole.
Et puis le réconfort, la liberté, après le beau temps vient la pluie.
Après la chaleur trop intense de l'enfer vient les larmes du paradis.
Je fume je bois et je baise, me sortait JM l'autre jour, je crois qu'il avait raison.
J'étais simplement là, assis à même les pavés.
Sa voix se découpait dans le soleil tombant tel le profil de Tifenn sur la plage de Solidor.
A Saint-Servan, ma deuxième maison.
Cette curiosité troublante: se dire je suis chez moi.
Lire le scaphandre et le papillon, se dire que où qu'on aille on est toujours enfermé quelque part.
Mais parfois le scaphandre s'agrandit. Le locked-in syndrome dégage de là.

Alors on devient papillon pour une heure ou deux, et tout est possible.

43. je suis ombre, dit ton ombre, et je méprise la lumière



Me plaindrais-je de ce que telle montagne couvre telle frontière et non l'autre? Elle refuse, ici, avec le calme d'une paume, les tribus qui remontent du désert. Cela est bien. Je bâtirai plus loin, là où l'empire est nu, mes citadelles.
Saint-Exupéry qui avait tout compris, Citadelle.

44. les douloureuses

J'ai pris mon livre, continué à lire: J'ai fini par avoir des dialogues étranges: "Vous êtes communiste monsieur Kundera? - Non, je suis romancier." "Vous êtes dissident? - Non, je suis romancier." "Vous êtes de gauche ou de droite? - Ni l'un ni l'autre. Je suis romancier."




Puis le chat me pris sur son dos, et l'on rentra à la maison comme s'il ne s'était rien passé, sauf qu'on était sacrément beurrés tous les deux.

45. explication

explorer historiquement et psychologiquement les mythes, les textes sacrés, veut dire: les rendre profanes, les profaner. Profane vient du latin: profanum: le lieu devant le temple, hors du temple.
Milan Kundera, les testaments trahis...

46. vivre me saoule (Perros)







Organiser le voyage ou pas, partir au dernier moment puis se dire qu'il faut l'aventure pour oser l'impression d'en être changé. Tomber en panne, ici et là et vivre des péripéties du jour. Un parrain jamais connu que l'on retrouve, du sang dans les veines qui coulent tout doucement, le désir de s'organiser brutalement au dernier moment et toujours voir la mer. Mais chaque jour changer d'optique, un jour le sud et son soleil bien trop brûlant, l'autre jour la Roumanie un délire en voiture qu'on change à tout moment avec une personne en guise d'accompagnement - on est jamais sûr de qui on emmènera avec nous dans nos bagages.







Lire ou relire Bouvier quand il dit qu'un voyage se passe de motifs. Il ne tarde pas à prouver qu'il se suffit à lui-même. On croit qu'on va faire un voyage, mais bientôt c'est le voyage qui vous fait, ou vous défait.

Ne pas changer d'itinéraire(s), regarder devant, derrière, ce foutu rétro peut causer bien des remords d'incertitude. J'en ai connu de ces types qui partaient dans une longue agonie; un lent nuage de fumée. Puis c'est tout. Revenir avec le sourire aux lèvres mais revenir où quand partout ailleurs est un peu de chez vous? Je ne sais plus, je ne veux plus voyager, ni partir, mais je le veux oui, comme on l'annonce à tout le monde sur l'autel de la mairie. Fermer les yeux, se sentir de nouveau vivant avec ce souvenir quand on était sur la grande plage, les yeux fermés ou ouverts à contempler les étoiles dans le noir avec les sombres paroles de la méditerranée. Ne plus attendre, partir, partir loin sans revenir ici en tout cas avant un bout de temps.


04/06/2012

47. créer un message

aux premiers sons de la musique, dès les premiers instants du monde, au petit jour quand les rayons longs d'un soleil radieux se déploient sur la nature qui environne il faut écrire. Créer l'instant, lui dire que depuis que je l'ai connu, qu'elle est entrée dans ma vie... Marrant, mon premier souvenir d'elle elle était dans un rond-point, je gravitais déjà autour d'elle sans qu'elle ne le sache. Lier les mots poétisants aux affreux, aux obscurs, aux surréalistes: dire je t'aime mon amour ma colombe douce hirondelle sur la plage abandonnée... mais en fait penser que prendre un verre en sa compagnie aurait servi encore plus à me bombarder d'une souffrance amoureuse que mille clichés vétustes. Ne pas hésiter à faire des pauses, contempler les nuages qui s'agglutinent dans le ciel, que la tempête approche, que mon souffle sur sa peau ou ma main sur sa joue... il y a aussi le dangereux sens du regard qui fait naître les chimères. On danse avec elle, on nage avec elle, on peut se noyer en elle, elle peut nous écraser d'un bout du talon. Il faut faire très attention afin que les mots ne se retournent pas contre le créateur, ne pas parler des envies lourdes qui sommeillent au fond de la mer que nous sommes. Il faut oublier ces yeux d'océan pour lesquels on tordrait du fer avec les dents. Afin de remplir la page on peut parler de soi, dire qu'on est né quelque part, qu'on aimé dans un autre lieu, qu'on s'est brisés contre les lames funestes d'une autre chevelure qui n'était pas la sienne, elle s'est coupée les cheveux en quatre, ça tombe bien. on peut difficilement se comparer à elle, sa finesse en face de votre poids en trop, son long cou qui tend vers elle quand elle vous parle que vous aimerez sans aucun doute vous penchez dessus afin de l'embrasser. Vos caresses s'effacent, vos frustrations naissent. J'étais dans un champ quelque part occupé à le dévaler, elle courait dans l'autre sens, nous nous sommes croisés un hiver quelque part mais sans plus nous frôler que ça. Il fallait croire que l'infini pouvait tout être à la fois, le cosmos, l'infiniment grand, face au délicieux petit de ses épaules nues, dans sa main il y a une galaxie entière, son sourire est d'un autre monde, c'est une extra-terrestre qui débarque au milieu de la populace en liesse. Divine prédatrice qui n'en fait qu'à sa tête en cherchant l'amour au fond de la boîte de céréales. Les papillons sur les branches s'envolent, les oiseaux mangent les papillons, l'avion que je prends pour m'enfuir loin d'elle sème la pagaille tout en haut de ce faux miracle épuré. Dans l'avion attendre qu'on survole la mer, ou l'océan, éviter le continent, semer vos plus beaux mots, vos plus beaux vers, tout au fond d'une bouteille en verre. Attendre un peu, faire signe au pilote que ça y'est, c'est maintenant, qu'on survole le bleu, qu'on peut enfin s'essayer à effacer ses messages, son parfum collé au corps, son numéro de téléphone, tout ce qui traîne au fond de votre caboche. Puis retourner se rasseoir, tenter de dormir en attendant que l'avion s'écrase ou qu'il arrive à destination dans une autre ville qui verra le même soleil s'élever au petit matin. Alors il faudra recommencer d'écrire au doux son de la musique triomphante.