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27/04/2011

112. mes prisons sont renouvellées



Comme toujours je ne sais pas et j'hésite, je tourne en rond en avalant la fumée, je la recrache, je me ressers encore un whisky bien tassé dans un fauteuil bon marché qui traîne sur le balcon, j'attends que les longues minutes inquisitrices passent. J'ai un livre dans mes mains, mes lunettes par n'importe quel temps, je lis les préambules, les gros titres à caractère gras "histoire de mes assassins - l'île des revenants - 2666 - le coran". Y'a des nuages dans le ciel ma clope qui s'éteint, des jolies fesses sur mon balcon à ne plus savoir qu'en foutre. Je proclame ivre mort: "je suis un grand littérateur devant l'éternel!" à l'autre de s'excuser: "pardon? vous disiez?" elle reprend sa saine lecture de gare pour ne pas se permettre, se donner le droit, invoquer ma réponse je-m'en-foutiste. Je suis déprimé, ce monde me laisse froid, je quitte celui-ci pour les chimères du noir sur blanc. Calmement. Et comme personne ne répond je rentre à l'intérieur, je donne un coup de pied dans une boîte en carton posée à l'emplacement initial, paré pour être éjecté sur la lune. Mon chat est dressé en sentinelle bienveillante sur le rebord de ma chambre. Je lui ouvre, il se glisse à l'intérieur, se frotte à mes jambes tandis que des deux mains je fouille la bibliothèque familiale transportée là on ne sait pas trop comment. Je fouille de livre en livre, furieux, reprenant les pages annotées d'une voix forte: " L’inquiétante étrangeté provient de ce qui, secrètement, n’est que trop familier et donc, refoulé. Sigmund Freud. Si vous vouliez, pour vous je ne serais rien, ou qu’une trace. André Breton, Nadja. L’humour est la grande invention de l’esprit moderne. Paz." Alors c'est la sueur coulant le long du front, les envolées musicales de Beethoven aux Sex Pistols. Miaou fait le chat, que fais-tu? demande-t-elle, miaou dit-il encore, t'es fou ou quoi ronronne-t-elle en se frottant contre ma jambe. Et moi de continuer: "Le plus grand art nous ramène toujours à la vulnérabilité de l’existence humaine. Francis Bacon." Essouflé que suis-je tombe à la renverse et miaou et qu'est-ce qu'il t'arrive mon amour de chat? et aussi appelons l'ambulance, voix de chat à l'autre bout du combiné qu'on me passe "monsieur, êtes-vous conscient? dîtes-moi quelque chose si c'est le cas, n'importe quoi ou tentez de respirer fort." J'ai compris pensais-je à l'instant, en un éclair on me jette dans une ambulance sirène forte lancée à pleine vitesse alors que miaou la femme parmi les femmes me donne la patte. Je suis sur le point de mourir, les urgences, les transfrusions d'idées et de sang, le donneur d'organes, le refoulé psychiatrique, la petite demeure des derniers grands, la toute fin, le dernier souffle après une reprise du disque dur crashé; les mots fusent, le regard s'appaise, le goutte-à-goutte syndical. Smith vient me voir pour me donner du courage. Il me sert très fort la main, je crois qu'il me la broie. Il me traite de connard, m'engueule "je n'avais pas le choix, je l'aime, t'es un connard, t'étais censé être le méssie, tous nous sauver" et patate-i-et-patate-a. J'ai du sang qui coule dans mes veines encore alors je me repose, je ferme les yeux, je transcende les barrières, bientôt je me réveillerai, je vais expliquer ça calmement, c'est la fin du monde. Les paradis perdus.

23/04/2011

113. pas de point-virgule les yeux dans les coins



Éloge de la ponctuation

Marché dans la rue, 15h30 et quelques salsifis, c’est quoi un poème bas-rock nom de dieu? Mes converses sont usées, j’ai mal à un talon, je fume trop, mes dents sont, grincent, elles, j’ai envie de partir foutre dieu de foutre dieu, bon tant pis c’est pas par là qu’il faut passer c’est par ici, ouais c’est ça, prendre cette ruelle à gauche, continuer à l’ombre, avancer tout droit, le soleil tourne en haut dans le ciel, le printemps refleuri, la montagne verdit, verdure, verdana. Trop plein de bestioles non-empaillées sortent des bois, y’a des renards, des cerfs, des biches et quelques chamois. Les félins, les chiens, les domestiques quoi. Mais aussi: araignées libellules veau vache et puceron, tentacules et moustiques en série. Ce bon vieux Belzébuth vient de nous lâcher ses mouches, beurk, y’en a de partout, et tu sens cette odeur mielleuse? Un parfum douceâtre, ça flotte dans l’air, les riches s’en émeuvent « oh comme ça pue ça pue ça pue » ne bouge pas de cette rambarde s’il te plait chérie je suis entrain de peindre ton auto-portrait merci - … - je ne mange pas je ne dors pas je ne bois pas, je rentre demain dans les Ordres avec un grand A car il faut bien faire quelque chose de ses dix doigts, alors prendre la voiture, remonter par la Grand Route, G et R oui, filer tout droit en direction de l’Amérique, passer par les petites villes, faire le tour de Lyon et mourir, le Nord peut-être, Saint-Malo, Paris, (Bordeaux), on dirait le Sud - humour pas très net circonstanciel - j’ai songé au titre d’un livre que je n’ai pas encore écrit, ça s’appelle les Vierges Sodomites, ça parlera de toi et de la culture populaire des années 20. Ah je me suis gouré d’adresse, ce n’est pas ici le tatoueur, merde, ils ont changé mes immeubles, je ne reconnais plus, les magasins ne sont plus là, où acheter mes stylos-carnets-papiers-mouchoirs-encres-folies-peintures? J’ai les idées en vrac, mes yeux se ferment, la bière fait son effet, le soleil cogne dur, un vieux boxeur à la retraite, sourire décharné, et l’Autre sur son balcon qui épie les gens-biens et les gens-Claude, va te faire foutre sale morue de merde! Vous ne m’aurez pas! J’ai envie de continuer ce poème d’une seule traite, j’ai envie d’avaler du baroque, j’ai envie de… en fait je ne sais plus, j’ai perdu le mot, ah oui, si si, je l’ai: « anticonstitutionnellement » au mètre carré; sourire encore à ses impolis de la basse-cour, fous-rires, ça ressemble à rien ce texte, hein, pas vrai? Arrondir les angles si tu as suivi jusqu’ici, revenir au principe même d’une littérature simpliste sur les bords, ne pas rajouter de mots trop compliqués, c’est ainsi aussi qu’on explique la peinture aux petits enfants du dimanche, sortie extra-scolaire oblige, on n’utilise pas ou peu les mots « aplats - élongation - ellipse sonore - ouragan - messe dominacale » c’est selon les circonstance de tout un chacun que je reviens à ça:

Il y avait les pieds nus de Sophie sur le parquet ciré grinçant; l’autre venait de s’enfoncer un peu plus dans sa veste en cuir, rougissant de honte. Partout, dans le grand salon, des hommes vêtus du dernier costume à la mode déambulaient au gré des circonstances. Les femmes étaient habillées de somptueuses robes, leurs coiffures improbables pointaient vers le ciel, leur teint était celui des fantômes d’un passé révolu. On n’écoutait pas la musique en stéréo, c’était l’orchestre même qui se déplaçait pour jouer d’une manière ouatée, leurs outils rutilants de propreté sortis des velours. Il n’y avait pas de chants, que des instruments à bois, des frappées, des rutilants toujours, de ses objets noirs laqués on ne dissociait plus le musicien lambda mais le maître reconnu qui manie ses mains à même le corps instrumental, le moment devînt érotique, les caresses s’accentuèrent, la voûte que formait l’escalier au-dessus d’eux semblait les cacher, les avaler dans son antre de ténèbres, mais ils résistaient tous, autant qu’ils sont. Alors les grandes envolées lyriques, la musique de l’immortalité, les pièces maîtresses du grand échiquier de la vie, ce grand Tout qui s’empara de tous les invités les figèrent dès les premières notes. Tous les invités furent saisis d’une immobilité contrainte. Lui, dans sa veste en cuir à jurer avec le décor des bas-reliefs, des cheminées princières aux armoiries familiales décoratives, du service en argent qu’on sort chaque jour, les candélabres à grande taille, lui, dans sa veste en cuir jurant avec ce décor de film où même les servants étaient à leur place c’est-à-dire non la sienne, lui, eût le courage de tourner la tête latéralement. L’être qu’il vit dans un coin, sous un portique, balayait le sol de son pied nu de droite à gauche puis de gauche à droite, décrivant des arcs de cercle invisibles au commun des mortels. Elle avait les cheveux détachés retombant sur ses épaules. Ses souliers reposaient en retrait, petits souliers de verre. Sa robe moulante faite de plis bordelais s’échappait en bas de ses genoux en volutes incessantes. Elle avait nouée une écharpe espagnole autour de son cou, ses épaules étaient nus, un ruban dans les cheveux pour attacher un minimum ses merveilles. Une larme roula pianissimo le long de sa joue. Elle tomba de son menton jusqu’au sol brillant. Alors l’apocalypse pouvait bien survenir, puisqu’il n’y avait ni logique ni fin à cette histoire démentiel. Ce n’était que des fous jouant une scène.

Anteus est en tournée dans toute la France, ne ratez pas ses dernières représentations sous peine de mort. Disponible également en livre de poche, CD-DVD-Blue-Ray, K7, VHS, et 33 tours.
Bientôt en format Haute Qualité, mieux que de l’irréel, vous pourrez bientôt le vivre!


de moi on dira dans 300 ans, pouah, quelle littérature merdique!

21/04/2011

20/04/2011

115. l'oeuf



Le plus beau spectacle du monde c'est celui de l'or dans vos mains, votre sourire sur vos lèvres, le saviez-vous, il allait au cinéma, il était 21h17 précisément, il était en retard, il s'est penché contre vous, lui debout, vous dans la voiture, le saviez-vous aussi, c'était votre regard en face du sien, le soutenant, peinant à trouver de la joie dans ce monde, il essayait de vous en redonner, vous étiez vue à travers les volutes d'une cigarette, il était en retard à un autre rendez-vous pour un instant partagé entre vous qui n'était qu'un battement de cil, c'est à dire rien, il était en retard pour rien, votre respiration coupée, vos mains sur le volant, votre sale humeur, lui cherchant à vous réconforter et vous à vous morfondre, il a voulu prendre vos saints dans ces mains-là, celles qui ont touchées la terre touchée elle-même par la grâce il faut croire, et votre Coran n'y était pour rien pas plus que sa bible factice, en cet instant le rien subissait l'affront de remplacer l'amour, vos pieds sur les pédales prête à partir, vous étiez l'éclair lui la pierre, il se sentait mal dans ses beaux habits serrés, il aurait voulu exister un instant rien que pour vous, il aurait tant aimé vous montrer le Blast, mais rien n'y faisait, vous avez démarré sur les chapeaux de roues, lui s'en est allé, il a quitté ce monde pour rentrer dans un monde parallèle où, tous les deux, vous couchiez nus sur un lit à vous faire des confidences au creux de l'oreille, des confidences de toute une vie que les draps froissés par vos chaleurs corporelles ne parvinrent jamais à dénouer, c'était le plus bel amour, l'imaginaire, celui qui ne peut s'estomper que si l'on veut, celui qui ne peut que s'intensifier que si on le veut, celui qui...

16/04/2011

116. moi qui ne trouve rien à dire, tatie, les ogres de barback, j't'emmerde t'as vu?

Si tu t'entêtes à téter ses tétons tu auras la tempête des tantes à ta mie. Ses tantes sont des tapettes à tentacules qui tapent qui tripotent les talents de Tatie. Tatie a des tas de talents tassés entassés par les tas lent de tantes attérées De talentueux talents attirant tout autant des tyrans, des tontons, des tantes et des titis. Et moi je l'aime, à la santé....... En effet, sans effet, enfermé faute d'avoir offert à ma future fée De fabuleux froufrous, des folies de filous des fables et des fontaines et des fleurs (mais fanées) Effacer sa famille serait facile à faire en y foutant le feu, mais qui ferait ma fée ! Ou sans faute à sa folle famille effarée, fasciner de fine farce de fou affamé ! Et moi je l'aime, au bâtiment f........ Et quand elle est coquette et que je suis cocu qui courageux combat les combattants de con qui casse carrément la carcasse de ces calamités, ces cons conquistadors, conquis par le cas d'or ? Que quiconque acquitté par sa femme quittée croc'crait crac et pui cric, la conquête à combler. Encore une conquête à conter sur le compte de ce crac qui croque la coquette casée Et moi je l'aime, et c'est insensé ! C'est pas pour provoquer qu'elle appâte les passants c'est pour payer l'appart' à ses pauvres parents. Près de son pas de porte pour une pièce elle emporte et pratique un paradis plaisant, épatant. La police prévient les putes que tapiner est prohibé, zut, pas d'pot m'on pris les pieds dans l' panier, pincé, épinglé, attrapé, prisonnier . Ce pot pourri de p'tit en rut qui pour un peu qu' ça les occupe empêche poupée de tapiner! Et moi, je l'aime, mais foutez lui la paix.... Bon bé bisous bébé. j 't 'embrasse beaucoup et bien l'bonjour à ta bande de barjots, ballots, baisés. Mon ambition embête ces bêtes et ça m'embête ; c'est ton bonheur, un bon pour te libérer Abattre le job de ces macs, ces boss qui bossent à bastonner les belles en bas embarrassées ! En bas des bâtiments, abolir ces ballots, en bas des bâtiments, libérer mon bébé....

15/04/2011

117. [...]


La pluie tombe Tout est nuageux et pluvieux Fleurs du printemps que cherchez-vous? … Et toute cette eau qui tombe et tombe Ce sont les larmes de mes yeux…

118. le malheur des uns fait le bonheur des autres sans aucune gêne


Oh Bella, il a des cheveux mi-longs coiffés en pétard, son air un petit rockeur sérial-loveur d'auto-stoppeur. Sa guitare rebelle en bandoulière saura te faire gémir de plaisir toute la nuit, il te parlera écologie-gouvernementale, t'entraveras rien mais c'est cool qu'un homme te parle avec autant de mots complexes sur un air suave. C'est ce qu'on appelle le générique, il a son jean moulant, ses t-shirts à ras-le-corps, t'en mouilles ta culotte rien qu'à le voir. Il bouffe végé-thaï-ch'ais-pas-quoi, t'aimes ça. Le culturisme c'est pas pour lui mais il s'entretient, il fait du vélo quatre fois par jour en ne prenant qu'une douche longue et tiède.


Pffff...


Je serai jamais l'écrivain de mes deux en écrivant de la merde en boîte. Il y a les routes du monde tout autour qui m'attendent, c'est pour bientôt. mais d'ici là il faut encore supporter les longues heures d'attentes déprimantes, ces longues angoisses, j'ai fini une histoire, après celle-là il n'y en aura pas d'autres. J'ai fini ce que certains caractérisent "roman" et ça me gave qu'on dise de moi que je suis un artiste. Tu commets quelques dessins, t'es forcément un artiste, un génie avec de la gueule. t'as du charisme, t'arrives à draguer, d'accord, tu aimes tout avec passion, tu es super sensible au monde qui t'entoure, mais la vérité c'est que tu te sens seul, bien trop seul. Et ça aucun texte ne peut te le donner, aucun dessin, aucune personne. Il te fallait une seule chose au monde, mais cette chose tu viens de la détruire. Le plus rageant c'est que cette chose tu l'as effleurée avant de l'avoir, alors ton paradis perdu est si loin désormais que c'en est devenu impossible. Tu pleures toutes les nuits, tu bois trop d'alcool, tu fumes trop, tu couches qui avec n'importe mal, le cliché même du gros dégueulasse des films d'horreur qui se fait dégommer dans les cinq premières minutes de film, alors que le héros se barre en courant avec la pimbêche. Y'aura toujours quelqu'un pour te dire "tu veux mieux que tout ça" mais au final y'aura jamais personne dans mon genre pour me dire qu'elle s'appelle "ça".


C'était la note con du jour, amen.

14/04/2011

119. Merci de me haïr sans raison


Il a ta trace de dents sur son épaule, de temps en temps ça fait mal quand on appuye dessus. C'est carrément douloureux. Mais il lui tire les cheveux, il lui crache dessus, son sexe violacé reprend des forces, ils sont nus dans la tiédeur printanière. C'est un plaisir de se battre, cette lutte incessante comme dans un tableau de Bacon. Il lui bouffe le cou, les seins, les genoux, l'oreille gauche, elle mord jusqu'au sang, elle a des dents de vampire, ses ongles s'enfoncent aussi loin que les tirades sortant d'entre ses lèvres. Elle sursaute, il prend des objets maintenant, la grande masse, l'enclume, le marteau, les rivets, des clous oui! elle lui gaze le visage en pestiférant: "tu n'es qu'un moins que rien, un impuissant, un demeuré!" et il le sait très bien, espèce de pute borgne, il l'a toujours su, toute sa vie on l'a replacé tout en bas de l'échelle, il a fait du surplace, il ne pouvait pas monter, soit à cause du prix exorbitant, soit par peur du vide qu'il allait avoir en haut. Mais l'effort aussi insurmontable qu'il puisse être ne pouvait retenir son envie de grimper sur des hauteurs bien plus hautes. Alors elle en rajoutant des poings, des larmes, en hurlant, sa voix rocailleuse tout contre son corps, elle encore, dans cette débâcle "enculé!" lui montrant ce que c'est la sodomie. Il hurle à nouveau, se dégage d'un coup de coude, il abat le marteau contre sa pauvre gueule trop pleine de rimmel, son cri stop net, le temps se suspend, il y a eu un "crac" sonore, plus rien. Son corps inerte, ses seins en l'air, ses yeux grands ouverts dans le vide. Elle est morte. un instant il pense à baiser son cadavre, mais il n'est pas tombé si bas. Elle est morte. Il s'adresse à son fantôme: "je croyais que tu aimais le sadomasochisme, salope!" Il se rhabille sans se retourner sur son cadavre qui déjà refroidi, le coeur est bien arrêté, la respiration coupée, le temps peut reprendre sa route. Elle est morte, sans fantôme sans rien, sans aucune fioriture, sans enjoliver le texte. Elle a eu la mort qu'elle voulait?

05/04/2011

120. j'étais parti pour écrire sur ma mère et puis non!


C'est en écoutant la musique classique d'un piano à l'autre bout du boulevard Saint-Michel en plein Paris que je me suis mis un jour à peindre follement cette dernière toile. Elle faisait six mètres sur deux mètres du haut de ses dix doigts, elle avait le regard clair des grandes passions caractérielles. Les dix premiers centimètres elle avait jouée sur le fil du couteau un prélude de Bach, la longue caresse du pinceau qui s'ensuivit, agonie de l'instant, tout n'est que fuite pouvions-nous penser à l'écoute. Le temps était chargé de grisaille, il pleuvait de grave en aigu, lentement, tout doucement, les petits détails et reliefs, le fondu-enchaîné de la peinture, les aplats, le format délicieux de celui qui - entretemps - s'oublie à même la toile. Un arc-en-ciel c'est bien plus magistral en musique, c'est la lumière perçant l'obscurité, le peintre divin. La voici qui se sert de ses poings, elle hausse le ton, la tragédie s'accélère, je bois une lampée d'un vieux whisky dans ma tasse à café, quelques pas en arrière, c'est l'instant final, les derniers débordements, il me semble que tout se presse en un instant, quatre minutes clouées ensemble. On retient sa respiration, sa robe noire est plissée, nos mains sont moites, le temps toujours ce putain de temps qu'il soit dans l'air ou partout, il s'infiltre, un jour il détruira nos oeuvres, nos vies qu'on s'en fout, mais l'éternité, quel dommage! Et l'Hippopodame est revenu à sa place, juste après, c'était un autre temps, les années 50, j'avais la clope au bec dans ma chambre de bonne, et de l'autre côté de la rue une musique que je n'entendrai plus jamais de ma vie, qui me hantera pour toujours. Comme ma toile de six mètres sur deux, complètement foirée, que jamais on ne m'achètera. L'éternité n'était pas faite pour moi. L'oiseau noir s'est envolé de son fauteuil d'orchestre, un léger sourire sur ses lèvres, la tâche accomplie. Elle s'en va dans la cuisine, revient au bout d'une minute, une tasse de thé à la main qu'elle sirote lentement le long de l'encadrement de sa fenêtre ouverte. Son visage fin est celui d'un rapace, lentement elle quitte l'encadrement, elle s'envole, j'ai peur, je veux courir à elle, mais elle s'envole, loin, plus loin qu'au-dessus de tous les Saints de la capitale. Elle est déjà au paradis, et l'autre est encore ici, c'est un autre monde que le nôtre, quand nous évoquions le piano, la tête sur l'oreiller, dans les bistrots, entre deux clopes, entre deux chansons, entre deux amours.

04/04/2011

121. Salman Rushdie, les versets satatatatataniques


Le martyre est un privilège,

dit-elle doucement.

Nous serons comme des étoiles;

comme le soleil.

122. about ghost


J'ai toujours mon petit fantôme à mes côtés, le plus personnel de tous. Te souviens-tu? je lisais ce livre étrange, l'île des revenants, mais sans revenants. Où alors était-ce Babylone vous y étiez nue parmi les bananiers, je ne sais pas. Je n'avais d'yeux que pour les siens, des délavés-Signac, sur cette peau grillée. Babylone, vous y étiez nue... J'ai délavé le nom, le corps et tout ce qui faisait de moi un homme; l'autre se moquait toujours de moi "qui a déjà vu un fantôme de fantôme?" mais... La pluie tombait à terre, les oiseaux volaient bas, mon chat perdait ses poils, l'hiver était terminé, les pistes de ski fermaient, des gens mouraient à travers le monde.

"Nous n'irons plus au Japon" chuchotait Kim à mon oreille en s'endormant, je m'en grillais une autre dans la nuit sans étoile, mon visage illuminé seulement par l'écran de l'ordinateur, mon pénis en vrac sous les draps, le dégoût de tout. Babylone, toujours Baylone, jusque sur cette foutue île du bout du monde. Ton prénom jeté comme ça d'un goût, par un portier je crois qui avait scandé par principes les lettres formant ton prénom écorchant les R. Le bacon du petit matin glissé sous la porte, des repas étranges, des suites dans des motels minables, des verres qu'on ne termine plus, des clopes qu'on éteint, un abribus éclaté, la pluie qui tombe sur moi, le jeu du chat et de la souris que d'un seul côté de la barrière. Le fantôme traînant jusque dans les feuilles des palétuviers, jusque dans les Narcisses, jusque dans les Tulipes, les herbes à chat, diverses conneries végétales. Aucune symbolisation de la personne, aucune métaphore, elle est là, sans piper un mot dans un coin, ses yeux grands ouverts me contemplent, je sais qu'elle sait que je sais qu'elle pense ce qu'elle pense de moi qu'elle sait je crois je pense que c'est la mélancolie utopique. Sydney m'attend, la Toscane, Manosque, Saint-Malo, d'autres vies, d'autres rives. C'est toujours la même chose quand on fuit ce qui nous hante. Pas de logique particulière à ça, j'essayerai d'écrire un roman un jour. Long comme le bras pour faire plaisir à N. qui me lira / me lira pas à l'ombre d'un sapin en été, dans mes vallées improbables, en souriant, en pensant "je savais qu'il savait que je savais" elle roulera sans doute dans l'herbe par folie, elle aura tout compris.