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28/10/2009

463. le monde est fou c'est certain!



disait C. à M. l'autre jour. J'ai caché mes trésors dans la terre, quelques poils de carottes, un paquet de clopes et des photos de l'Alsace et la Lorraine. J'ai enfoui tout ça sous les décombres d'une civilisation aztèque puis j'ai produit mon premier chef d'oeuvre. Tout le monde est venu l'admirer, ils étaient tous béats d'admiration devant elle.

J'ai donc expliqué la démarche artistique que tout artiste inclue alors dans le discours, celui qui retrace l'idée accompagnant le geste: la création de l'oeuvre en soit.


"Voyons voir, prenons le complexe de la solitude face à cette phobie disparue de la mort. On se retrouve avec un semblant de la fureur de vivre. Il faut allier l'énergie avec l'aliénation d'un corpus artistique, la démarche auto-destructive s'enclenche pour le chef d'oeuvre, mais par où aller quand rien n'est défini? Vers quel saint se vouer -si tant est que l'on soit catholique bien sûr- alors je me dois de réfléchir plus, les heures se creusent sur ma face et ma femme m'encourage dans ce sens. Le médium est en cause aussi, à ce stade-là on commence intuitivement par ses références, par ses préférences même! Alors la toile, bon, pourquoi pas. Un portrait ou deux, la représentation de la beauté, l'huile qui galope sur la toile, la recherche encore et toujours. On se veut faire le portrait de la perfection faite femme, alors on peins la sienne. Ce n'est pas la perfection toutefois aux yeux des autres, notez bien! C'est la perfection personnelle vers quoi l'artiste tend, alors il découpe sa toile en plusieurs morceaux, rature, amoncelle les couches épaisses, noie l'huile dans les couleurs claires mélangées aux sombres, les côtés n'existent plus. On se bat messieurs-dames, oui.


Et puis...


La toile s'arrête, plus rien d'autre, plus de support. Continuons sur les murs, continuons ensuite sur les meubles, passons à d'autres dimensions! Elle, pendant ce temps-là, s'impatiente, elle ne peut pas garder la pose éternellement même si elle aime éperdumment l'artiste. Elle se fâche, elle court dans la cuisine se fumer une clope, cuisiner, se rhabiller, que sais-je? Alors je continue de plus belle, je me rends compte que j'ai tellement loué son corps qu'il me reste la trace de ses formes incrustrées sous mes paupières... On continue donc de modeler, les mains filent seules, elles peuvent tout reproduire, elle retracent tout, des milliers de clones naissent alors, ils éclosent de partout dans l'appartement, si bien que je ne sais plus où se trouve ma femme parmi les fausses îcones, j'ai du mal à la discerner, surtout qu'elle ne bouge pas. Je l'ai peinte de mille positions différentes, laquelle estt la bonne alors? Et là, perdu, je me prends à embrasser le mur, à caresser le cou d'un meuble, à vouloir rassurer la chaise. ça devient fou, oui, fou! Mais j'en reviens à l'oeuvre, il faut la modeler, la changer en statue, et c'est le plus dur. Du coup je me change en industrie, les projets avortent, les ignominies s'entassent, ma femme n'existe plus. Afin de mieux la recréer je me vois lui piquer ses radios, ses analyses de sang, recréer son squelettes, choisir les bonnes veines, mesurer ses muscles, choisir l'épaisseur de sa peau. Enfin j'arrive à la perfection: je récrée la femme en inanimé, je dois bien dire que j'ai lutté, je me suis retenu pour ne pas faire l'amour à ma femme! Il ne fallait pas abîmer l'oeuvre, alors j'ai coulé le tout (et c'était le plus simple) dans un mélange de formol et de cire durcissante. C'est elle maintenant que vous pouvez-voir dans la vitrine messieurs-dames!"


Tous applaudissent et s'entassent autour de la vitrine. Je ne comprends pas pourquoi on m'enlève en plein vernissage, la fuite alors, dans la cabine qui roule le paysage s'enfuit. Le gendarme me dépose menotté sur une chaise, il veut savoir pourquoi j'ai tué ma femme. Je m'explique, je ne l'ai pas tué. Je l'ai transformée. Mais il ne veut rien comprendre. Pas plus que le juge dans les jours qui viennent. On démonte alors mon chef d'oeuvre, on jette un voile blanc dessus; direction les pièces à conviction. Parallèlement je m'en vais pour la santé! Quelle folie!

C'est triste, ces barreaux qui se referment, mon cerveau est brouillé, je suis perdu dans des mots qui ne veulent rien dire. Dans l'insalubrité de mon silence j'écoute des "perpétuité" qui mangent les "tueur!" eux-mêmes ont mangé le mot femme. Je pleure alors. Les mains sur mon visage en pleurs, il est probable que oui. Je suis le pire des monstres artistiques de l'histoire... Et les gens dans la rue doivent me dire démon, monstre, "homme ne méritant pas de vivre".



Mais pendant ce temps-là, en Suisse, Tatiana menait la belle vie dans son nouveau loft. Elle buvait du Martini avec son amant, celui qu'elle est parti rejoindre pour toute la vie, achevant ainsi ce conte démentiel sur notre société actuelle! Bonne nuit messieurs-dame.

27/10/2009

464. réceptacle grandiose pour vos "et moi"


Que parfois faut-il pour rester en vie? Je ne le savais pas, sur des longues autoroutes j'ai attendu qu'on trompe la mort, qu'il me fallait encore défier les auto-tamponneuses et apprendre. Oui, apprendre à en rire, tel l'oiseau dans la merde, apprendre à en vivre, tel l'oiseau blessé.
Qui parfois nous faut-il? On traverse les fantômes de la vie, on s'éprend des étreintes frauduleuses qui interfèrent avec nos solitudes matrimoniales. On a envie de se pendre au chevet d'une quelconque, on a envie d'aimer toutes les putains de la rade...

Et puis le sentiment coule, on attend. Les heures corrompent nos chimériques errances. On invente la femme parfaite, celle qui nous faut. La code Lisa numéro 128 bis. On pense l'aimer, pourquoi ne faudrait-il pas? Elle a les jambes interminables et les nibards d'une star du X! A l'envers son nom résonne avec satan et elle te poignarde dans ton lit. Mais on ne se trompe pas, on apprend à aimer quand on ne cherche pas, quand on attend la perle qui navigue au bord de l'eau. Elle vient à toi tout doucement, ne laisse pas échapper cette chance.

"Salut toi, comment ça va?
-Bien et toi, amour?"

Après ta peur, tout va très vite. Tu ressens.
N'est-ce pas elle qui te parle de ses mains glacées? Tu t'empresses de vouloir les réchauffer. Son sourire s'ouvre, c'est le plus beau royaume inventé. Les mots qu'elle place alors sous ses doigts sont remplis de bonnes promesses, c'est peut-être faux, même si au fond de toi tu sais bien que non. Tu lis les mots tracés à même le sol. Je t'aime. Chou. Elle confine l'univers dans tout ce qu'elle est, tout ce qu'elle représente; et Gaspard peut bien aller se faire cuire des haricots, tu frétilles d'impatience, tu te demandes qu'est-ce qu'elle va t'inventer.
Alors tu lui écris directement pour la première fois de ta vie, sans détour, en te moquant du style et des effets, et tu écris encore et toujours.

Je suis tombé amoureux d'une fille un peu plus petite que moi au sourire large. Elle est parfois féroce, son humour est celui d'un capitaine de navire, je m'amuse des gestes pateauds autant que de ses blagues. Elle peut devenir méchante et cruelle, elle a l'intélligence redoutable des plus grands cerveaux de la planète. Je sais qu'un jour elle me dépassera en taille, pas en cm mais en tout autre chose. Les mots alors sous ses doigts sont magiques, ils me transportent ailleurs, sous un cerisier simpliste dans un champ ensoleillé avec elle. Je suis assis contre le cerisier, elle est allongée sur moi, ma main caresse doucement sa robe, je m'amuse avec un rien. Je regarde sa beauté, à mes yeux la plus belle. Elle n'aime pas que je lui dise cela, que je la juge parfaite, alors je m'amuse à lui redire pour l'embêter. A nous deux on a pleins de mots ridicules, des noms qui nous collent à la peau, je suis tour à tour chou, banane, amour. Que sais-je encore? Ma main dans ses cheveux à attendre qu'elle s'endorme, son sourire contre mon bras à attendre qu'elle m'embrasse, et mon corps dans le sien pour ne pas qu'elle parte, voilà le bonheur expliqué aux désenchantés de la vie. Et la planète peut bien exploser je m'en fous, on survivra!

22/10/2009

465. sommes-nous?


Comme la somme de toutes les peurs, oui sommes-nous?
Cesser de s'apitoyer sur son sort, vaincre la vie une bonne fois pur toutes.
Crâne rasé oeil méfiant, barbe qui commence à repousser. Je fais des erreurs.
Auto-mutilation. Le plaisir passe-t-il des fois par sa propre destruction?
Je croyais, mais non.
Quand une situation devient trop plaisante je fais tout mon possible pour la détruire, je m'en veux. Je ne voulais pas, le mal est fait et ce n'est plus possible de repartir en arrière. Comment se fait-il que le péché reste entier?
J'ai compris bien trop tard les erreurs, j'ai compris en somme (somme toute, tiens, un mot pas employé dirait-on!) qu'on ne peut plus se soustraire à soi-même jusqu'à ce point sans faire de compromis. Mais je ne voulais pas de ce compromis là, j'ai joué sur cette marelle en me cassant la gueule, un vase dans les mains, le jeu a mal tourné n'en parlons plus.

Gaspard ressurgit de l'au-delà, fantôme malin il a tout compris, c'est l'homme qui s'approche le plus de la perfection, est-il mort pour ça? Je ne sais pas. Je crois qu'à mon avis la somme du mystère reste entier. Gaspard est bon, oui je le sais.
Christian, je me perds dans vos mots, dans vos maux qui sortent de la toile. La toile revient à la douleur. Comme je comprend la somme de mes négligences pour n'avoir pas su voir les détails, je suis devenu jalousie, le saviez-vous? Moi qui n'était pas jaloux avant. Je ne suis plus que nerf, cette histoire est un ensemble bâti sur la jalousie, dieu est cruel s'il existe de me faire souffrir l'âme et le corps à la fois. La peinture n'existe plus en fait, c'est cela la seule vérité que je ne puisse admettre? Tout est dit? Non, tout est faux.
Pierre, brave rocher, c'est le son de la mer qui vient s'échouer contre toi sur la fin du roulis. Je me vois assis sur un sol crasseux, quelques années plus tôt. Les plus grands me faisaient découvrir les nouveaux tubes du rock'n roll. Le rock n'était pas mort. Du moins pas encore, et noir désir chantait les écorchés vifs, pyromane à temps complet j'ai mis le feu à tout c'que j'ai touchéééé-é-é. Ce genre de truc. J'ai lu Bashung dans les yeux de certains, il y a du rock sous ses ongles rongés, le sais-tu?
Le soir tombe, les lumières faiblissent. La maison d'en-face s'allume. Je vois un bois qui flambe dans la cheminée. Signes de réchauffement au coin du feu, la petite blonde perverse vient aussi. Je souris, je lâche ma clope dans le noir. Je rentre en fermant derrière moi. Il n'y à rien.

Mes émotions je dois les remettre à plus tard. On dit que le beau temps vient après le mauvais. J'irai creuser ma tombe s'il le faut pour voir si c'est vrai, mais chut, je ne me plains pas, je ne chouine pas. Je ne vais pas pleurer mon amour sur pause. Je dois rester fort. Ne pas faillir à la tâche. Ne pas montrer que je puisse pleurer.
Ne plus me faire du mal à moi-même, je vous en supplie.

21/10/2009

466. pouvons-nous vaincre nos peurs?



Je suis sur le balcon a fumer inlassablement, je me demande ce que fait ma voisine dans sa maison sombre aux volets bleus. J'ai l'intention parfois de bâtir un roman sur la vie de mon quartier. Des petits instants de vie que je choppe à l'envolée. Maintenant que la cloison qui me sépare de mon voisin est rompue j'observe d'un coin de l'oeil son chez-lui.

Un instant je reste figé, quelques secondes de tremblements que je fous sur le compte du froid (mais est-ce vraiment le froid?) et me voilà en face du portrait de Chaplin avec le garçon du film "the kid". C'est assez troublant, le double-portrait a beau être en biais, j'ai l'impression que Chaplin me regarde, qu'il sait tout de moi. Je suis aussi un peu Chaplin qui se retourne en-dehors de la caméra, qui pleure pour de bon, car il n'est plus Charlot à cet instant précis mais il est homme.

Et les voisins peuvent bien trahir mes pensées, et les voisins peuvent bien se méfier de moi, ce soir aussi je suis homme, avec mon crâne rasé et ma femme qui ne m'aime plus.

Je suis homme avec mes maladies, mes doutes qui me rongent, mes faiblesses, mes peurs réelles, mes sentiments à l'inverse. Je suis aussi humain. J'ai besoin de me ronger jusqu'au sang pour me le prouver, mais ce soir j'ai compris que je ne suis pas un loup des steppes, que je ne suis pas un chien, que je ne suis pas autre chose. Je suis un homme parmi tant d'autres.
Aurevoir les jeux tronqués, je tire ma révérence de vos règles stupides, désormais je recommence à avec le corps que j'étais avant.

20/10/2009

467. regarde les hommes tomber



Je me soustrais encore.
J'ai besoin d'écrire mes entrailles.
Ainsi la vie file, je ne suis plus moi:


l'homme regarde l'autre, dans la pénombre, tout au fond du bar. Il n'est qu'une silhouette entourée des volutes délicieuses de sa fumée. Il raconte, comme plongé dans le temps délicieux d'autrefois, le temps des cerises...

1944, sur le quai de la gare, l'enfant est bien serré contre sa mère. Son frère, cigarette à la barbe de maïs affronte son regard. Il embrasse la mère à son tour et monte dans le train après l'avoir embrassé sur la joue. Julien semble fier, il sers un peu plus sa mère puis se détache, c'est à son tour de monter dans le train. Le père Jean sonne le rassemblement des troupes, le train va bientôt partir.

Mais le film...oui le film mon garçon...Si j'ai fait ce film c'est à cause d'un autre enfant, celui qui était dans ma classe.

Bonnet. Prénom Jean. Le prof se trompe sur le nom du petit nouveau, l'appelant Bonnot. ça fait Jean Bonnot, Jambonneau, dur nom pour un youpin en plein 44. Ziberstein se cache sous son masque de bon français, mais il ne mange pas de porc à la cantine. Les deux enfants deviennent amis, Bonnet le juif reste discret pourtant, mais Julien fait sa petite enquête sur l'étrange cas de monsieur Ziberstein qui lit du Sherlock Olmès.

Je n'ai pas été aussi ami que ça avec lui, je ne l'ai pas si connu. J'ai fait ce film pour me libérer de son poids. Comme une excuse qu'on fait à tout un peuple, avec respect.

Julien fait du trafic avec Joseph le boîteux de la cuisine. Joseph va être pris la main dans le sac, on le dénonce. Un peu avant, Julien mange avec son ami-découvert dans un restaurant, sa mère et son frère. Instants de vie. Les allemands viendront le chercher à la fin du film, il n'en réchappera pas. Il n'en réchappera pas. C'est Joseph le coupable, celui qui dénonce. Derrière lui la France sourde et fachiste de l'époque. Les honteux collabos.

C'est la dualité que j'aime, et qui a fait fureur: les français sont tous des pourris alors que dans le camp des allemands il y a des bons. Merci.


L'homme d'en-face s'étonne.

"Merci pourquoi?

-de m'avoir écouté."


Louis Malle se relève, il pose son chapeau sur son crâne et sors du bar en se retournant une dernière fois il lâche à son public imaginaire un "aurevoir, les enfants" mystique. Apparition. L'autre est resté là, il n'a rien compris à la force de l'art. Il n'est pas sensible, comme beaucoup de français, à la poésie triste d'un film sur une école en temps de guerre, d'une amitié classique entre un français et un juif, la vie en fait...


Et par la suite, les hommes sont tombés...

16/10/2009

468. les femmes d'hier à ajourd'hui



Marcelle a caché des secrets toute sa vie, dans les cartons de la vie, dans la grande maison en pierre. En ce temps-là elle n'aimait pas son mari, qu'elle nous a dit. Elle a pris un coup de vieux, elle s'occupe toujours de son jardin et malgré son âge elle n'a pas encore une mèche blanche dans ses cheveux. Avant c'était: on prend un homme pour la vie, on ne s'en sépare que dans la mort.

Christiane et son coeur de pierre a accouché dans son lit de pierre d'un bébé ignoble, c'est un petit con de plus sur terre. Bienvenue à l'imparfait.

Laetitia, ma première amoureuse...
elle était brune, ses cheveux c'était la même couleur que les plumes des corbeaux. Avec elle c'était Tolstoï, guerre et paix, dur et doux. L'enfer n'est rien quand cette fille-là se mettait en colère, je pense qu'il y a eu ensuite des retombées nucléaires par chez elle, j'attends toujours d'avoir de nouvelles nouvelles.

Charlotte ne descend plus ses médailles de son mur.
Met-elle encore les hommes au clou? Bien à côté des médailles?
Certains soirs je fais des cauchemars, je suis une médaille attachée, j'assiste impuissant face aux nouveaux arrivants, j'aimerai bien les mettre en garde.

Par la suite j'ai allongé le fantôme de Sarah sur mon premier lit.
Que savais-je d'elle? rien en fait. J'aimais juste son corps...

S. n'est plus qu'une lettre, son nom est imprononçable dans toutes les langues. Synonyme de quatre ans j'ai fait d'elle mon propre tabou. C'est mon démon intime, le cancer qui ronge mes os. Elle ne lira jamais ceci, j'ai caché mon essence sous des tonnes de gravats. Je ne suis qu'un homme maléfique après tout.

Certains soirs je repense à tout ça, il y a des poissons rouges dans un bocal. Je revois toutes les femmes de ma vie autour de ce poisson-rouge. J'ai revu Elodie la dernière fois. Elle semblait me sourire timidement. Elle était venue un soir vers moi en pleurant, j'ai caché son secret entre mes doigts de pied et puis j'ai essayé de la rassurer de la seule façon adolescente que je connaissais: par le sexe. La dernière fois elle m'a souri, elle n'a rien dit et moi non plus. J'étais avec mon frère, j'essayais de le faire rire. N'était-ce pas moi que j'essayais de faire rire?

Mais après tout, à la fin de ces mots, il y avait l'élue. Celle que j'ai envie de suivre au fond d'un désert, étais-je devenu fou? Non. L'amour qui a son prix est devenu Gaspard mon homme de coeur. Je suis devenu Gaspard. Nous avons aimé la même folle, un million de personnalités dans sa tête. Elle est belle, un peu trop folle peut-être. Elle est toutes les femmes à la fois et unique en son genre. Je l'aime pour ce qu'elle représente. Maintenant je sais que mon fantôme n'est qu'un pan de ma personnalité, je sais que j'ai ouvert la porte de mes démons, que j'ai encore envie de parcourir la terre, que j'ai envie de vivre putain, mais oui, vivre!!

et tout ça avec elle.

469. 21h51 ce vendredi-là




Rhinocéros me regarde dans un coin, Ionesco sublimé a un sourire sur son visage. De ma cigarette à peine allumée je fais des ronds dans l'air qui s'élève au-dessus de mon crâne rasé. Les heures et les minutes s'écoulent sans que rien ne vienne, j'aimerai tellement qu'on m'enlève.


Je m'ennuie un peu, je ne tiens pas en place. Je repense à tout un tas de trucs, j'ai pas pensé à la maternelle depuis, ni à aucun cours de ma vie. Plus tard j'ai aimé des femmes qu'on allongeait dans les ateliers parisiens pour gagner un voyage, pour gagner de l'amour que je n'ai jamais eu.


J'ai cherché à fuir depuis que je suis en âge de courir.


Je m'en veux, je suis passé à côté du détail intime de mon enfance, c'est pas grave j'en parlerai une autre fois. Mes pieds me font mal, mon crâne me brûle, les poils de mes joues commencent à repousser, ça me gratte, il ne fallait pas que je rase ma barbe. Si il le fallait. Non. Je ne sais pas.


Je ne suis plus qu'un fruit pourri de mon imagination.
Quelques brunes s'affolent, quelques verres dansent devant moi.


"C'est un mariage?


-Non, c'est un enterrement" dit la fille aux cheveux courts, un sourire aux lèvres.


Un siècle d'art à Berlin arrive à cette conclusion fatidique: l'art n'existe plus.




Je respire la fumée bouclée dans ma cuisine. Je rêve de sauter de l'échaufadage pour m'envoler. le suicide c'est pour les sauts. Moi je volerai bien comme un boeuf. Gaspard est mort me dit-on, Gaspard est mort mais il est là à côté de moi.


"hey vieux, tu dérailles non?" je fous la chanson de la faute à Dylan à fond pour ne plus entendre sa voix, je détourne le regard de cette farce, j'en reviens à lui qui joue avec le trou qu'il a dans la poitrine.


Mon père est là qui me sourit nerveusement. Je ne distingue plus le rêve de la réalité, je crois que j'ai trop bu de coca sans le coca. Il me semble que je ne sors plus de ce bar, il me semble que la cuisine revient à moi, qu'elle me fascine dans les moindres détails. Dans les secondes creuses de l'ennui qui filent je m'en tape du monde du dehors. Le bar est parti, il est trop loin dans mon passé. Retour à la cuisine. le tic-tac de la pendule, je suis sur le banc contre mon radiateur. Le chat me saute sur les genoux, il s'installe et ronronne, nullement dérangé par la fumée. Dans le cendrier meurt un Ionesco inachevé, c'est ainsi pour certains cendriers. Les cendres s'échappent au petit vent frais qui rentre par la fenêtre ouverte sur la chambre de la prostituée d'en-face (celle qui fout du Callas à fond le lundi en nettoyant sa turne glacée. Gaspard est dans une chambre, quelque part. Je n'ai plus qu'à le trouver. La plante verte sur le frigo n'en finit plus de mourir. Le cadre et la toile au-dessus de l'horloge prennent le gras. Le fils trahit le père. Bibliquement. 22h05 ce vendredi-là, l'ampoule jaunie du plafond me brûle les yeux, je faiblis, je m'endors...




Before the devil knows you're dead

13/10/2009

470. c'est pas moi, c'est de la faute à Mickey 3d!


Crâne rasé sur la piste de danse, tout le monde fait des boucles.
Excuse-moi Marie de t'avoir enlacée, excuse-moi quel-que-soit-ton-nom j'avais besoin de me rassurer, de pleurer contre ton épaule quatre minutes et vingt secondes.
Tu m'as demandé si j'avais le monde sur mes épaules et j'ai répondu que non, j'avais juste un Gaspard dans ma poche. Tu as ri, j'ai bien cru sur le moment que tu étais la femme de ma vie.
Excuse-moi partenaire, je t'ai donné des mauvais rêves, je t'ai laissé dans la main toutes mes vies et mes sales nuits. Il faut savoir se consoler dans la vie non?
Peut-être t'appelles-tu Rose ou bien Pierre, pour moi tu es synonyme de Femme.
Tu m'as rappelé quelle force étonnante sommeille en votre sein depuis toujours, et ça fait du bien.

471. je n'ai plus la certitude d'être des vôtres


Dans le paradis des jolies fleurs les narcisses sont vos préférées jeune amie. Je ne sais plus à qui me confier, mon coeur reste la même plaie béante qui n'a rien de neuf à ajouter. Je suis resté le même connard, avec quelques cheveux en moins et des kilos en trop. Je sors d'une dépression, je me largue dans vos échos dans vos échos.
J'écoute la leçon de piano, de ma vie je tire un trait, quelques points de suspension, je prends ma veste et puis je me tire. Nina la tatouée m'attend au coin de la rue, Gaspard au café.
Vous vouliez que je reste, et bien je vais vous dire, mademoiselle C, il me fallait vous fuir puisque vos mots sont des piques cruels sans intention, que j'ai voulu jouer au gentil chien. J'ai compris que l'écriture parfois n'est rien à côté de la vie, celle que vous vous devez de vivre pour me comprendre.
J'aurai pu vous parler du temps, c'est beau le temps non? les montagnes et le fleuve qui coule, glacé. Vous parler de la pluie quand elle s'abat sur la vallée, le soleil qui perce ensuite les nuages qu'on les croirait sorties du cul du seigneur des anneaux. Je pourrais vous parler de la couleur dans votre monde de noir, de blanc et de gris: les arbres roux parmi la verdure, les tons jaunes de la montagne en cet automne, le vert qui résiste, l'eau et son éclat, le vert qui se reflète...
Non, mes yeux ne sont ni noirs ni marrons.
J'ai que deux mains pour votre plaisir, j'ai semé des graines sous toutes vos marches, j'ai laissé courir le temps après des orchidées sauvages, j'ai imaginé mille cieux, je me suis cassé le poignet quand il fallait écrire pour le besoin, décrire la sensation d'un manque, décrire la rue et les personnages qui la peuple, la longue remontée qu'on voit d'en haut car vous n'avez pas compris qu'il ne me fallait surtout pas me retrouver au milieu d'eux. Je ne suis ni parfait ni littéraire, je suis un mélange de tout le monde, je suis un homme dans sa fonction de base, mais moi j'ai compris au moins ce que...non, je ne le dirai pas, c'est trop cruel.

Mais chut, écoutez cette musique classique, vous dansez maintenant?
Oui, comme ça...

Après on ira au cinéma, je vous planterai mon nez dans le cou. Je vous dirai des je t'aime qui n'engagent que moi. Vous m'éconduirez comme à l'accoutumée.

Je ne cherche pas à vous plaire mademoiselle C., je ne cherche pas la perfection dans un quelconque domaine que ce soit. Je pense que vous n'avez pas compris le but de ma vie. Moi non plus d'ailleurs. Je n'écrirai jamais des oeuvres immortelles au panthéon des dieux pour la seule joie de m'en amuser ou de rapporter du fric.
J'arrête donc ces fantaisies de si bas étage, je ne vais pas écrire sur mon chat tel que me le conseillait l'autre. J'emmerde les arc-en-ciel, l'éclaircie ne vient pas toujours après la pluie. Il faut des sombres heures pour apprécier le goût de la vie, et maintenant comprenez cette leçon: il faut apprécier la vie qu'on a pour ce qu'elle est.

et sinon, vous savez-vous, que les chats muaient à volonté??

11/10/2009

472. ensuite

J'ai réinventé les rois dans ma dernière histoire, celle d'une maison sans famille, d'une famille trop nombreuse, d'un roi qui, comme disait Saint-Exupéry "n'est plus que roi d'un royaume d'ombres" et je continuait là le tableau en m'inspirant ici et là de faits réels pour oublier que j'étais seul, que j'avais toujours les cheveux courts et que ma barbe devenait longue et moche.

J'essayais aussi de lire les clown lyriques de Gary, mais je n'y suis pas arrivé du premier coup. Répétant à qui voulait l'entendre: "en ce moment je ne tiens pas en place en ce moment je ne tiens pas en place en ce moment je ne tiens pas en place..."


Citadelle continuait de s'effacer. T'ai-je déjà dit mon amour à quel point je suis toujours surpris par la richesse de ce livre?


J'écrirai un hymne au silence. Toi, musicien des fruits. Toi, habitant des caves, des celliers et des granges. Toi, vase de miel de la diligence des abeilles. Toi, repas de la mer sur sa plénitude.


Ces instants tragiques figurent en bonne place dans ma mémoire. Parfois je consulte encore les pages cornées par le temps, la couverture bas de gamme. La photo d'une citadelle impie dans le désert. Quelques bédouins devant ce temple sans nom. Je pleure du contenu, la poésie amère déferle en moi. Je sais que plus d'un a tort, la poésie n'a pas besoin de corps et de rimes, la poésie c'est aussi la beauté, un corps nu sous les draps, un visage contre sa paume...


Le chat s'étonne, il me demande à qui je parle, quel est donc cet amour? Quel numéro porte-t-elle? Je ne sais même plus. Mais où donc était Gaspard au moment de mes erreurs passées?

Il était coincé dans un bocal, il n'existait pas encore, il surfait sur une vague scélérate, il se prenait au jeu de l'amour rebelle, il sniffait de la coke, il entaillait le cul des putes sur le trottoir de la république, que sais-je encore?


Oui, la vie était une poésie que je ne savais écrire, une farce de costumes et des sentiments masqués. J'ai compris qu'aujourd'hui finalement, il vaut mieux se coucher tôt et relire Prévert.
P.S.: j'aimerai faire un film avec une fin comme ça un jour...

09/10/2009

473. des histoires courtes demeurent entre les pores de la peau de chaque personne



Sydney, je me souviens, c'était avant mon crâne rasé, après la mort de Gaspard, avant que je prenne du poids, après que je sois seul, j'ai toujours été seul de toute façon. L'hôtel était rouge, le pont se couvrait de noir, les petites filles tombaient du ciel. Eléanore m'avait demandé ce que signifiait pour moi un monde sans amour. J'avais répondu que c'est tout comme la fin du monde.



Sydney, était-ce le soir ou le matin? le jour ou la nuit? l'ombre ou la lumière? La proie ou le chasseur? Je ne me souviens plus de ce genre de détail, ni des rues teintées d'orange, ni du sable qui s'envole un peu partout dans l'atmosphère. J'étais bloqué dans ce long rêve incroyable. Eléanore à mon chevet qui récitait des passages entiers de Citadelle pour me réveiller et c'était le réveil le plus doux de mon univers, quel que soit l'heure.



J'ai bien trop peur de prendre froid, tempête instantanée, je me replie sur moi-même, le temps vire à l'orage, il va pleuvoir bientôt de ces larmes acides. Je repense à son corps qui se pliait sous mes doigts, j'ai son souffle perdu encore quelque part au coin de mon oreille. Le type d'en-face vient à moi profiter du spectacle lui-aussi, il me tend une clope que je prends avec honneur et remerciement. Elle, elle se colle un peu plus contre moi, nous sommes en plein milieu de la rue (quelle rue?) dans Sydney, les voitures c'est comme les heures, elles se sont toutes arrêtées à ce moment précis, les yeux rivés sur ce qui va se passer.


Le pont est bien trop sombre, les instants suspendus à nos lèvres. La veille dans la chambre elle m'avait affirmé son amour délicat pour l'art et l'instantané. J'avais son épaule droite contre ma paume, ma bouche sur son sein et mon sexe quelque part entre ici ou ailleurs bien dressé entre le passé et le présent. Eléanore ne voulait pas d'une relation banale, nous avons donc dit stop. C'est plus simple d'arrêter avant de souffrir. Ensuite nous sommes sortis dans les rues. En bas, ciel orange, monde orange, immeubles oranges, pont noir, palmiers noirs, autochtones apeurés. "what's that??" qu'elle avait ajoutée. Pas de jugement dernier.


l'image absolument terrifiante du manège enchanté devant moi, les jeux tournaient dans le vide. Avec le vent qui voulait s'amuser un peu, on entendait le bruit du métal crissant. C'était effrayant cette sensation de vivre un Stephen King en direct live. Le plus stupéfiant c'était ces types qui couraient à droite à gauche, ces femmes qui se mettaient à baiser tout le monde et n'importe qui au milieu de la route. Le président à la télé qui disait qu'il n'y avait rien, qu'il ne se passait rien, qu'il n'y avait rien d'autre à faire qu'attendre sans panniquer. Attendre c'est tout. La fin du monde c'était là, tout de suite, avec Eléanore éloignée qui hurlait au travers du vent pour ne pas me perdre en plaçant ses pieds l'un derrière l'autre, et encore quelques pas en arrière plus loin, et encore quelques pas plus loin en arrière:
"je ne veux pas mourir avec toi, désolée!"


J'ai traversé la ville seul, parfois les tons donnés étaient plus rouges encore. Cet apocalypse du moment avait vidé la ville pendant nos ébats. On arrivait à l'apothéose. Il y avait ce vieux type assis dans le coin du centre commercial qui me parlait des animaux, sa peau était noire et rouge et orange et blanche et noire encore. J'ai demandé pourquoi.

"c'est à cause du temps, c'est le temps qui s'arrête, qui fuit face à la mer. C'est le temps qui n'aime pas être comparé au temps, alors tant pis pour nous et autant en emporte le temps!"

Son français était soigné, il n'avait presque pas d'accent. La foudre s'estompe quelque part, la pluie arrive, elle éclate, elle commence à laver le tout. Un kilomètre entier de sable par rue. J'ai continué de marcher sous cette pluie bien trop acide. Des passants se sont étonnés. "quoi nous sommes encore en vie? mais madame, veuillez retirer ce pied de mes parties génitales je vous prie, je suis ministre!"
La fin du monde était terminée à présent. Retour à l'hôtel, je prends mes affaires. J'attrape le premier taxi direction la mer.


La mer se calme légèrement, j'attrape mes valises. Il y a cette vie échouée sur la plage que je ne ramasse pas, ce sable qui s'engouffre dans mes chaussures et cette eau salée qui revient à chaque vague un peu plus près. Regarde, je te facilite la tâche. Lentement j'avance dans l'eau, mes valises qui se mettent à flotter, mon instrument de musique coule, je ne jouerais plus de trombone dans la nuit, je quitte Sydney définitivement amusé, et mon regard est plein de gaieté.
Je quitte Sydney amusé à la nage, bien loin du pont, un peu plus près encore de Mars, un peu plus proche de toi mon amour. L'eau de partout, je me suis mis à nager vers toi.

07/10/2009

474. les heures pour toujours


Moi et mon crâne rasé, phrase fausse écrite à l'envers. Disparaître de la surface de la terre pour ne plus jamais revenir. Qu'étais-je entre les doigts de Léo? J'avais juste besoin d'une histoire homosexuelle littéraire pour défendre le trouble de vivre seul. J'ai laissé dans un coin ce père obséquieux qui me matait du mauvais oeil et j'ai cherché à avancer.
On tombe, on s'écrase, quand on cherche de se grandir.
Je bloque toujours sur les mêmes livres, mon chien stupide, les apocalypses de Kirby, the dreaming...Partir ou rêver...

Un jour j'ai plié sur un drap le corps d'une femme si belle que son temple était devenu le réceptacle de ma folie. Je savais indubitablement comment ça allait se passer, en bon viking que je suis. Je me suis contenté d'avancer vers notre fin sans pouvoir rien faire en retour. J'ai attendu que les mauvaises heures viennent, je me suis détruit un peu plus au coin d'une rue. J'ai attendu de nouveau le bonheur, j'ai cherché à la détruire, elle.

Je ne sais pas pourquoi je suis si diabolique, ce n'est pas dans ma nature.
C'est un jeu que je joue sous mon crâne rasé. C'est qui veut gagner des millions en pire.
J'ai encore le goût sucré qui vire à l'amer de cette femme dans la bouche. Cette femme que j'ai couché un soir dans une chambre, quelque part tout comme nulle part à la fois. Dans la chambre il y avait Johnny Depp, Zidane je crois et quelques livres déprimés de Rice collé à un exemplaire du jour où j'ai mangé mon père.

La robe grise et verte saisie dans le temps, elle s'envole des fois, mais surtout je l'agite tel un drapeau-souvenir. La première fois tu étais sur moi, ton corps brûlant c'était l'inverse: tu étais dans le mien. J'ai pleuré des années ce que je suis toujours, non?

Les heures qui s'écoulent, des armes qu'on perd dans la nuit, des heures assassines qui meurent à leur tour. On attend la fin du monde avec patience cette année. J'ai envie d'aller à pied à travers elles, les heures trouillardes, les heures d'oubli de ma naissance, celles qu'on ajoute à sa renaissance. Se donner de l'âge en plus ou en moins c'est encore mentir sur les heures non?
La vie s'ouvre sur une scène de théâtre rue Montmartre, elle se perd dans un autre dédale, elle revient nous hanter, on a peur, on fuit, on sourit à la vie. Puis on fini par l'accepter pour ce qu'elle est. S. j'ai joué à la marelle sur ta mémoire, l'as-tu senti? J'ai effacé des cases en sautant à pieds joints dessus, j'écoutais Demis Roussos et je chantais "rain and tears" version rock.
J'ai arrêté de chanter pendant quelques heures...

Chut...

C'étaient enfin des heures de bonheur sous mon crâne rasé, le sourire que j'avais devant ses messages, ma barbe en perdait ses poils. Je n'étais plus mon ombre, j'étais un peu plus moi-même tout en me méfiant quand même de certaines heures qui cherchent toujours à nous attraper pour mieux nous digérer.

On appelle ça des heures sombres non?

J'men fous, je les ai eu mes larmes d'heures en heures de bonheur, bien trop courtes mais suffisantes pour le moment face à l'Adversaire.

Et S., je comprends tous les jours ce que tu n'es pas pour moi.

02/10/2009

475. rumeurs aveugles


Le temps passe mais les plaies jamais ne se ferment.
J'ai fait l'amour par hasard, je suis un peu un bandit.
Depuis deux jours je suis de nouveau amoureux, j'ai fait des sacrifices détonnants pour qu'elle ne m'échappe pas. A mon grand regret j'ai compris que je suis un peu amer avec elle. J'ai fait l'amour par hasard, disais-je, mon crâne rasé est luisant de sueur et ma barbe est toujours aussi crade.
Je sais depuis une heure qu'elle me trompe pour tromper l'ennui de l'attente. Mon corps ne lui en veut pas, c'est mon coeur qui est lassé de tout ceci.
Assis devant une portion de frites, il y a mon reflet bien en face dans le téléviseur éteint. Avec mon Gaspard réssucité nous arpentons les ruelles froides, nous faisons en sorte d'être les veilleurs de sommeil de ces braves gens, et parfois ont voit à la fenêtre des couples s'aimer, faire l'amour ou se désunir. Nous sommes les foutus super-héros de cette putain de ville. Moi qui croyais que le bonheur allait perler en larmes, qu'il allait s'en aller, défiler en montagnes, des cascades et j'avais raison et merde et encore merde.
Mais là j'étais dans la cave de Gaspard, assis dans son rocking-chair. Nous attendions qu'une histoire exceptionnelle se présente en écrivant quelques trucs surréalistes sur des bouts de papiers qui ne faisaient rire que nous et Dick Rivers sur une autre chaise chantait rien que pour nous en faisant chauffer sa gratte.
"Je vais vous raconter une histoire..."
Nous nous sommes approchés un peu plus près de lui.

Roger s'étonna de revoir les siens après une si longue absence. Cela faisait bien quelques vies qu'il n'avait pas revu sa tribu intacte en un seul morceau. Pas un ne manquait, les parents, les enfants et les petits-enfants. Y'avait même ce bon vieux soop et son rejeton qu'on soupçonnait à sa couleur d'être le fils de sa grand-mère. Mais là n'était pas le problème, justement, Roger préféra ne pas se soucier des anciennes querelles intestines, il avait ramené de ses expéditions de la viande et quelques autres cadeaux pour le reste du clan.
Son père demanda: "alors, c'est comment d'aller là-bas?" car lui il avait jamais pu participer à une expédition de sa vie sur une autre planète, il en était outrageusement déçu mais le cachait profondément même à sa femme, même à son fils.
Le petit donc lui tint à peu près ce langage: "cher père, vous ne pouvez pas savoir quel monde étrange est-ce là-bas. Pour ne pas affoler les autochtones sous-développés nous nous faisons passer pour une sous-culture primitive qui tend parfois à se faire esclavagisée. J'ai eu de la chance quand même d'être "adopté" (oui c'est comme ça qu'ils disent là-bas) par une bande de primates dégénérés qui voyait un peu le grand Miw en moi (Miw=messie en quelque sorte, NDR) et je n'ai eu aucun mal à les soumettre à ma volonté. Bien sûr je ne fus pas toujours bien nourri, qu'à cela ne tienne, je suis allé chasser dans les grandes plaines de cette planète étrange les souris, les oisillons ou d'autres animaux encore qui parfois abondent en masse. Les autochtones ayant un langage bien à eux et une vie propre, j'étais souvent dérangé en plein repos pour de quelconques sorties chez le docteur ou bien chez une vieille tante grabataire qu'ils méprisaient totalement (en fait ils n'allaient la voir que pour l'héritage, mais ça je vous expliquerait le fonctionnement un peu plus tard). Qu'à cela ne tienne donc! je choisissais les endroits les plus difficiles d'accès pour ces petits cerveaux afin de continuer soigneusement à bien dormir, car comme vous le savez il me faut bien mes 16 heures de sommeil environ par jour!
J'occupais le reste de mon temps à courir dans l'herbe fraîche pour me dégourdir ou encore pour chasser mais aussi pour rendre des comptes à mes subalternes qui préféraient me voir en-dehors de mon travail. J'ai beaucoup analysé les autochtones pour eux, je pense avoir contribué à leur donner un avis scientifique sur la chose même si nous n'avons toujours pas compris pourquoi ils émettent un bruit étrange de gorge la nuit semblable à notre méthode d'apaisement...
Mais partir dans ces contrées froides et reculées de notre espace ne m'ont pas privées de contacts pour autant ni de joie éprouvée, ainsi j'ai trouvé plusieurs compagnes sublimes qui se sont toutes battues pour avoir les meilleurs enfants que j'étais en mesure de leur donner.
C'était avec une certaine tristesse quand on me rappela sur notre bonne vieille planète, mais je vous rassure, même si mes compagnes me manquent je suis très content d'être parmi vous aujourd'hui et d'enfin vous revoir!"
Roger embrassa fièrement ses parents, toutefois son père restait méfiant (en plus de l'habituelle crainte qu'il se mette à vouloir procréer avec sa propre mère). Il demanda donc à son fils:
"mais , comment se fait-il que les...otto-chones...ces "terriens" comme ils aiment à s'appeler, n'aient pas vu la menace que nous leur concoctons depuis des années?
-eh bien c'est simple (qu'il répondit), grâce à un habile mélange de gentillesse et d'amour et un jeu d'acteur parfait, les humains ne voient les chats que de simples sujets domestiques, il ne se doutent pas que bientôt nous les soumettrons à notre peuple!"

J'éclate de rire, Dick Rivers rallume une clope, il joue quelques accords. Devant moi il y a toujours mon reflet dans la télé. Gaspard me demande ce que je compte faire demain avec elle, si je compte ouvrir ma gueule et dire quelque chose. Moi, le cocu mal rasé, je m'allonge un peu sur le sol, les bras ramenés derrière la tête, et je m'allume une clope devant le poster central accroché au plafond, un poster de Cash ou dessous c'est marqué "walk the line". j'inspire une bouffée de tabac avant de répondre que rien, je ne ferais rien. Les choses doivent toujours restées ce qu'elles sont pour que la tempête puisse prendre de l'ampleur.

476. de mes étreintes je garde le goût des noyaux brisées


Je me souviens d'un temps un peu plus reculé, la grande réception qui ressemblait à une farce. Tous ces gens silencieux en costumes qui se prenaient tous pour monsieur-je-suis-quelqu'un-de-bien-et-d'important que ça donnait envie de leur vomir à la gueule ce même acide charbonné qui couve dans mes veines.
Je sais plus pourquoi j'étais invité, je m'en souviens seulement de n'avoir pas eu le choix. Catastrophiquement parlant la salle de réception était grande, j'étais habillé n'importe comment (comme un adolescent qui se cherche sans y parvenir) parmi le grand peuple et les filles qui se font voir pour les derniers chiffres du mois.
Gaspard était là aussi, dans un coin de la salle, le plus sombre au possible, à violer cette jeunesse décadente d'un autre monde. Il poussait des grands "ah", ces râles palpables qu'on a du mal à apprivoiser dans les ténèbres en se déchaînant sur les fesses d'une quelconque mademoiselle D. âgée d'à peine seize ans. C'était le petit côté splendeur des Amberson qui me donnait encore le droit de sourire, ces fausses parures dorées, ces tableaux rafistolés qui remontaient à la dixième génération en arrière, les petits garçons qui viraient pédés en étouffant la lignée dans l'oeuf. Dans l'intime ils s'expliquaient aux plus jeunes rebelles/cousins que les soirs de pleine lune fallait bien s'amuser avec le frangin d'à-côté plutôt que la soeur de l'autre pièce. Et les lits d'alors se rapprochaient pour découvrir une sexualité qui leur apprenait beaucoup plus que la vie elle-même en avait fait jusque là.
Mademoiselle D. avait fini par ressortir de son coin sombre, une trace blanche sur le côté de la robe qu'elle n'avait pas remarquée, bien trop fier du fardeau de sa virginité anale dont elle venait de se débarrasser. Gaspard lui venait de mourir de plaisir, il attendait sur une chaise vétuste que le grand, le puissant de la maison, en vienne à lui présenter la main de sa seconde fille, une jeunette qu'il n'avait touché que du regard et pour qui il allait devoir redoubler de délicatesse pour finir le tableau de chasse des trois soeurs (la plus grande après un dépucelage ratée s'était tournée vers lui, sentant le confort de ses bras musclés et la puissance de l'homme qui, une fille entre ses doigts, ne pouvait contenir un flot de gros mots plus forts encore que son arrogance).
C'est une autre personne que j'avais remarqué ce soir-là au bal du diable, parmi les convives qui dansaient au milieu des désespérés, les porte-feuilles bien en vue. Un pickpocket se satisferait une année entière de ce qu'il pouvait bien trouver à sa portée dans ce grand luxe.
Mais je n'avais d'yeux que pour L., sa grande robe sombre lui retombant dans le bas du dos, bien ouverte, et ses seins de bakélites qui poussaient un peu plus encore l'échancrure du devant. Ses cheveux blonds et la pâleur de sa peau se faisait oubliée dans le bleu intense de ses yeux.
Elle s'étonna de mon allure, de mon contraste, de mon étonnement non-dissimulé. Ma bouche ouverte laissait s'échapper un souffle suspendu au niveau de ses seins.
A mes yeux tout était parfait chez elle, bien qu'elle ne fut pas la plus belle des femmes de cette soirée. C'est quand elle se mit à parler avec moi qu'un flot de culture se déballa, interrompu plus tard avec le maître d'hôtel qui prit congé de la fin de la fête. Je me souviens avoir regardé autour de nous, il n'y avait plus personne. Nous étions seuls. Quand je me suis retourné sur elle, sa bouche n'était plus qu'à quelques centimètres. Je me suis dépêché de l'embrasser et j'ai vécu trois ans de grâce avec elle et sa robe magique.

Désormais j'ai les cheveux courts et le regard amer, je suis de retour dans la maison familiale pour me ressourcer et je chante un peu trop fort quand j'ai bu. Mademoiselle L. a quitté ma vie, j'ai quitté la sienne. Nous ne sommes plus nous. Cette histoire qui ne tient qu'à un fil, celui de la mémoire, s'atténue peu à peu dans la blessure du corps. Je ne traîne plus mes pieds dans les réceptions bourgeoises, je ne traîne plus mes pieds que pour aller du lit à la salle de bain et de la salle de bain à la cuisine. Le monde du dehors n'existe plus, bientôt je ne serai plus. Je m'envolerai alors, je me dissoudrai dans la baignoire des sentiments et il ne restera plus aucune trace de moi.

Gaspard est mort depuis. La dernière fois que je l'ai vu il venait de se serrer la troisième des soeurs qui lui avait laissé un cadeau irrité au niveau des cuisses (ou un peu plus haut je ne suis pas allé vérifié) et me sermonnait sur la protection. Je l'ai vu prendre la tangente, courir après une hypothétique nouvelle conquête à vive allure, tourner à gauche au bout de la rue pour ne plus revenir. Un camion de pilules contraceptives l'avait heurté de plein fouet.
Et Gaspard gisait là, au milieu de ces petites billes, en souriant de sa mort, lui qui un matin de décembre voulait avorter de sa vie entre les cuisses d'une personnalité d'outre-manche. Il serrait si fort un préservatif dans sa main que c'était ridicule, ce cadavre sur la chaussée au milieu de petites boules, une pub parfaite. Son visage souriant collait bien à la scène. j'ai vu les photos, je sais que ses parents sont allés reconnaître le corps. Je sais qu'il y avait un enterrement et qui était invité. Si je n'y suis pas allé ce n'était pas à cause de ça, aujourd'hui encore je cherche la raison de ma fuite, j'essaye de comprendre pourquoi ma présence à l'enterrement jeta un froid. La provocation ultime faite au meilleur ami qui souriait toujours dans son costard impeccable dans la boîte bien ouverte, trois veuves pleurantes sur le corps qu'un mac consolait à grands rails de coke. Il y a une couronne qui orne sa tombe, elle porte toujours mon nom, dessus j'ai fait inscrire le titre de son film préféré. Arrivederci amore ciao.

01/10/2009

477. au commencement était le verbe



c'était simple. Les Monkey Bizness chantaient un bon vieux rock des familles et ma mère finissait de me tondre les cheveux. J'avais commencé tout seul, perdant ainsi les longues tignasses foncées qui me grattaient sans arrêt. Les Monkey Bizness c'était un vieux 33 tours, le truc que tu passes ton temps à tourner et retourner pour faire durer le plaisir. Je regardais les mèches au sol, une part de moi s'en allait pour un temps. Ce n'est pas pour autant que je me suis rasé, non, j'ai regardé dans le miroir en face de moi l'être que j'avais été devenir celui que je suis maintenant, à l'heure où j'écris ces lignes, à l'extérieur. Mon vieux jean délavé était le seul rempart contre la nudité en face de la femme qui m'avait fait naître, le haut de mon corps lui était bien évidemment nu. Arriva le moment où je n'en pouvais pas plus, je passais le relais à ma mère qui en profita pour stopper le bruit de fond d'eau-qui-coule avant de continuer à raccourcir le reste. La part de moi la plus longue de mon corps s'en alla. Mes yeux étaient fixés pendant ce temps sur mon reflet, occupé toujours à me détailler, moi et mon regard assassin qui confirmait bien l'état d'esprit dans lequel j'étais.
J'étais triste, seul et désemparé, le fil de la tondeuse chatouillait mon dos, j'avais la chair de poule pour tout ce qui c'était passé un peu plus tôt dans l'après-midi. Je me souviens qu'un peu plus tard je me suis retrouvé encore dans la batterie de miroirs de la petite salle de bain encombrée. Partout mon reflet tondu s'étonnait de me voir si seul, si sombre, si mort.
J'avais bien amputé une partie de moi.
Les lumières de la salle de bain vacillaient péniblement, ma mère de l'autre côté de la porte close changeait de disque pour un Simon and Garfunkel dégotté quelques années en arrière dans un boulot que j'exécrais toujours autant mais la lapidation en place publique de mon bon vieux corps ne se fera pas aujourd'hui à travers les mots-travaux d'autrefois. Je suis un jeune sans emploi mais quand même, il y a des hors-sujets à éviter.
J'étais donc dans cette salle de bain, maintenant en boxer, mon jean délaissé de l'autre côté. J'étais là à me regarder m'enfuir dans l'eau tiède du bain avant de me saborder. Je comptais toujours autant me fuir, m'échapper des miroirs qui avalent les portraits de l'âme, ceux qui parfois ne savent pas mentir, ou alors ils décèlent les barrières du corps pour découvrir l'âme tout au fond. Je ne sais plus. Je suis simplement rentré en communion dans l'eau du bain tel le nouveau né, il n'y à rien de biblique là-dedans. Ensuite j'ai fait couler l'eau chaude, je me suis arrêté quand celle-ci était trop brûlante et que de la vapeur s'élevait dans la pièce à faire fissurer la peinture. the boxer du couple Simon and Garfunkel venait de commencer, c'est à dire que ma mère avait tourné le vinyle bridge over trouble water sur le side 2. A ce moment-là j'étais entouré d'un vacarme des plus fous avec la machine à laver qui se mettait en route à un mètre de moi. Alors j'ai cherché l'abstraction, je me suis plongé un peu plus en méditation. J'ai dû ignorer le bruit de la pièce (ce qui comprend la machine et l'eau), ma mère passa d'un coup l'aspirateur, abstraction de ça. The boxer n'était plus qu'une toile de fond. Abstraction aussi. Au-dehors on ravalait la façade de ma maison, la perceuse qui cisaillait le mur au bruit d'enfer: abstraction.
Je me suis retrouvé suspendu dans un silence des plus reposants, j'ai fermé les yeux en m'allongeant un peu plus dans la baignoire, j'étais près à prendre l'eau de toute part quand la petite abeille vint siffler sur la tulipe rouge de mon état de bien-être. J'ai vu cette femme, j'ai revécu la scène de cette après-midi, et le bruit revint de plus belle pour que j'échappe à ça.
L'abstraction ne marchait plus.
Agacé, j'ai plongé la tête dans l'eau, recommençant toutes les trente secondes pour goûter à ce plaisir de la noyade. A chaque fois je ressortais de l'eau dans un état d'apesanteur, perplexe, puis, j'ai penché la tête en arrière et j'ai laissé tous ces bruits m'envahir sous l'eau alors que mes oreilles prenaient le large.
Le bruit de la perceuse, l'aspirateur, Simon and Garfunkel, ajouté à cela la résonance de l'escalier et les personnes qui montaient ou descendaient dedans à grands renforts de paroles et de chaussures sales. Un instant ça m'a amusé, le froid me parcourait mes genoux sortit de l'eau. J'avais beau me renfoncer un peu plus dans l'eau (ce moment est semblable à ramener la couette la nuit sur son corps nu) le froid me perçait à jour. C'est lui qui finalement eût raison de moi et me poussa en dehors de la baignoire.
La serviette nouée autour de la taille j'ai redouté ce moment, ce retour à la chambre. A l'extérieur le soleil se couchait enfin derrière les montagnes, je palpais les draps, dans le lit il y avait encore son odeur. J'aurai apprécié m'en étouffer de ce parfum...
J'ai serré un peu plus les draps, cette après-midi il y avait encore son corps nu et chaud au-dedans, ses yeux levés au ciel qui disait en même temps que c'était fini. Je m'en vais. Aurevoir. On se reverra de loin en loin, ok?
Elle se rhabilla, en un éclair d'excuse elle était dehors, disparue à jamais. Elle était sortie de ma vie. A ce moment-là j'avais tiré les draps sur moi, j'avais pleuré, et pour éviter les larmes aussi redoutables que redoublantes j'ai évité de mettre Cambodia de Kim Wilde, on sait jamais, ça pourrait faire penser à un film.