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31/12/2010

151. 2011


Ah mais quand on aura des enfants, imagine, ils seront alcooliques, nous appelleront dans la nuit pour nous annoncer la mort immédiate de leur véhicule. Ce sera trop cher, on parlera pognon à tous les repas en oubliant l'amour, ton visage se dégradera à l'inverse du portrait de Dorian Gray et on pourra rien y faire. Finalement n'ayons plus d'enfants ni d'amour, plantons des fleurs, couchons avec nos amants tout de suite, mettons le feu à la planète, qu'elle soit invivable, irrespirable, qu'on fasse une grande fiesta, tous à poil et on se caresse. Que l'amour tue le monde dans son abscence de logique. Soyons à son image: illogique et suicidaires; sans lendemain.

30/12/2010

152. éloge de la fatalité


Avant j'avais le bagoût, de l'or dans la bouche et des étoiles plein les yeux. Je me répète à présent beaucoup sur l'amour perdu, je ressasse, et parfois il m'arrive de réaliser comme un vieux qu'avant c'était mieux. Dans un coin de mon grenier j'avais ainsi caché les photos de Sarah, lorsque, par hasard, j'en revîns à elle. Le temps avait passé sous les ponts, je n'étais plus le jeune adolescent des jours heureux mais un travailleur demi-loup qu'on apprivoisait sans cesse avec une femme qui, bien que plus jeune, dépérissait à vue d'oeil de son éclat merveilleux qu'un jour j'avais aimé. Mais Sarah était au-dessus de tout ça, assis sur une caisse dans le grenier j'étalais les photos de son corps nu, ses seins parfaits, sa peau bronzée, son sexe, ses lèvres, l'éclat de sa crinière. Sarah était une lionne qui m'avait quitté, je l'avais compris un beau jour que j'avais trop aimé, trop idéalisé sa perfection, mais corporellement elle était bien là. Revenue de loin. Sarah était la bombe sexuelle par principe, elle était merveilleuse dans tout ce qu'elle entreprenait, par amour pour elle j'avais abattu des montagnes, mais il m'arrivait de ne plus croire à ce passé où j'étais encore à ses côtés. Son nom s'effaçait ainsi que les formes de son corps. La couleur de sa peau ternissait, je jalousais d'autres femmes plus belles encore de ne pas me prendre moi qui avait su cacher pendant un temps un diamant sous mon aisselle. Mais le pire, dans tout ça, c'est qu'elles passaient, lassives, abusées, flouées, elles s'éloignaient de moi avant que je ne les touche. Alors mon regard se perdait sur d'autres, de moins en moins belles. Je me rabattais sur ce que je pouvais. De Sarah je passais à Sonia, plus terne de goût. De Sonia je passais à Céline. De Céline à Octavie. Ainsi de suite jusqu'à ce que je connaisse ma femme. Leurs corps m'allaient très bien, pour un temps. Je n'avais plus de diamants, le passé était révolu, mon image aussi se ternissaient à mesure que j'avançais dans le temps. Je me suis marié au moins de juin avec une femme que je ne connaissais pas, que je n'aimais pas, mais qui recelait d'autres rubis cachés en son sein. J'étais devenu un vieux con, Sarah faisait partie d'un passé qui n'a jamais existé ailleurs que dans un lointain chimérique. J'étais passé de mode, tel un vieux loup, j'avais perdu du poil de la bête. à présent je me languissait dans un bar des touristes passées, je buvais un coup à la mémoire de nos corps tombés, sur des rochers je pleurais encore parfois n'être qu'un ingrat qui voulait la perfection. Mais, le corps n'existe pas, l'âme est merveilleuse, m'a-t-on dit pour se rassurer. En quoi fallait-il croire alors?

29/12/2010

153. "et les tours sombrent"



je n'ai jamais reçu le prix.
Tu es tombée amoureuse d'un clown lyrique.
Il a souffert de tomber amoureux dans l'escalier.
Elle s'est laissée guider les yeux fermés

Nous vous avons laissé tranquille.
Vous étiez mortes de trouille.
Ils sont tous morts désormais.
Elles sont des anges d'éternité. à l'aube des temps.

154. trois petits points argentés


Avais-tu regardé l'absente file des voitures qu'on abandonne le long des quais de gare? Moi oui, à partir du café où, avant de partir, tu me dévisageais. J'étais abandonné dans la contemplation extérieure, au-delà de la vitre tu n'existais plus, je pouvais vaquer librement à t'imaginer, à imaginer un monde sans toi. Non pas que l'amour était mort entre nous, ton regard perplexe me laissait encore plus songeur qu'avant, mais dans ce trop plein d'amour fou j'avais envie de fuguer un peu en imaginant les milles scénarios possibles. Mon écriture tournait en rond, si tu le dis, mais il y avait la neige dehors sans toi, les voitures contre la gare sans toi, des passants qui marchaient d'une manière immobile sans toi parmi la foule, la grande horloge sur le quai qui tourne à reculons sans toi et aucun amoureux sur les quais pour t'attendre, j'étais parti. J'essayais de conjuguer au futur, me dire: "dans cinq minutes tu vas partir. Je porterai la valise jusqu'au plus proche, je te déposerai au pied du train. Nous nous embrasserons. Nous nous dirons au revoir je t'aime bisous mon amour. Je t'enlacerai une dernière fois sans une larme, tu réfrèneras les tiennes. Tu monteras dans ce train sans te retourner, tu iras t'asseoir, ta valise posée sur tes genoux où placée là où il ne faut pas. Ton menton tremblera, ton visage paraîtra austère, je ferai un signe de la main et même je pourrais courir le long de la voie à côté du train qui s'en va après le coup de sifflet du contrôleur, la fermeture des portes, le silence du départ dans la fureur de la machine se mettant en branle. Tu ne pourras résister de me sourire, j'abandonnerai finalement ma course, le train étant plus fort que l'homme ou que Superman, c'est bien connu. Ton image s'effacera, je poserai le premier pas d'homme esseulé en-dehors des quais, longeant la procession cadavérique des voitures échouées en dépose-minute. Je t'enverrai un message dans le train qui dira je t'aime tu me manques bonjour aurevoir mon éternelle. Enfin, je retournerai à ma voiture échouée lamentablement sur la place, je lancerai quelques gouttes salées en-dehors de mes paupières dans le carcan glacée du véhicule. Je hurlerai peut-être de fureur "Hélène est partie" bien que ce ne soit pas un adieu, bien que tu reviendras après les vacances. Je pleurerai pour cette séparation, affaire de quelques jours tout au plus."

25/12/2010

155. petite puce


J'ai fait tomber une dent dans évier, quelques mèches de cheveux, un brin d'épicéas, quelques souvenirs. Dans le grand cercle d'émail j'ai donné aux flammes une photo de nous quand nous étions gosses. Un peu d'estime de soi est aussi passé à la trappe, je me suis souvenu des grandes vallées, des odyssées d'autrefois, lorsqu'enfants nous étions les seigneurs d'un peuple de moutons ou de trois chevaux made-in-normandie. Dans mes souvenirs y'avait un chien aussi qui courait tout autour de nous, un pauvre cabot trois-francs-six-sous. On le surnommait Sissou d'ailleurs, non? j'ai jeté un peu de lui dans la grande bouche de l'évier, avec un collier de perles de ma mère qui le tient de sa mère qui elle-même le tient de sa mère et qui... ainsi de suite. J'ai versé quelques larmes ensuite, mon visage se démolissait dans le grand miroir édenté. L'ampoule clignotait, j'ai jeté quelques pièces, quelques cailloux, quelques babioles. Un whisky pur malte et mon meilleur cigare. J'ai rebouché le tout avec du sparadra, un peu de ciment, et j'ai bétonné l'entrée de la salle de bain. Au petit matin du jour suivant, le soleil me surprit un verre à la main assis dans mon trône lugubre. Je régnais sur des bibliothèques vides, mortes, évaporées. Dans mes yeux on lisait l'oubli. J'ai voulu me laver le visage, je me suis demandé quel con avait fermé ma porte de cette manière. Alors j'ai attendu patiemment le lendemain. Demain sera un autre oubli.

23/12/2010

157. j'aurais pu la j'ter dans l'ruisseau ou la siffler rien que pour les oiseaux


La boîte de marrons glacés m'a fait penser que la dernière fois je savais que tu allais mourir. Tes tuyaux partout sur ton corps, mais c'était un peu de toi qui tombait avec la neige, un peu de ton époque dans les roues des voitures coincées dans la semoule, au final j'ai évoqué ton souvenir dans un coin de ma tête. Te souviens-tu sur ton piédestal lointain de quand j'étais môme? tu nous traînais ma soeur et moi devant la maison, sur ton traîneau de bois, nous nous régalions de tes chocolats, de tes marrons surtout, de tes farces édentés. C'était le bon temps, le temps du ruisseau de la vie coulant dans la vallée, ce mélange d'innocence où il faisait bon vivre au coin du feu et de vérité quand ta femme s'était endormie pour toujours dans son lit de raideur. J'avais ton silence au creux de mon épaule parfois, je t'avais porté une fois, tu étais si léger, c'était sur la fin. Tes cheveux étaient blancs, ta langue devenait celtique, tu avais oublié jusqu'à notre existence je crois, mais dans ta langue bretonne tu semblais revenu en arrière dans un temps reculé des autres. Qu'étais-tu alors dans cette époque? Tu étais roi des marrons dans un monde de monstres gigantesques. Tu étais roi des marrons sur un royaume de gourmandises. Ta femme gérait les cartes et le passe-temps, de la neige y'en avait tant que tu voulais, du sucre-glace chaud, pas besoin de dents. Ton poulet journalier se baladait dans les rues, paré à cuire. J'ai regardé passé bien des souffrances, mais parfois de temps en temps ton souvenir me réprimande encore, il m'engueule: "pourquoi cette année encore n'es-tu pas venu sur ma tombe?" et moi de revenir tout petit entre tes remontrances, j'étais occupé, je m'invente des histoires, mais dans le vrai du faux toi seul connait la réponse, toi seul me connait mieux que les autres.

21/12/2010

158. il neige en enfer parfois


Le lot des hommes est d'accepter le froid, de l'endurer, sans pour autant que celui-ci ne les épargne. Les volets sont pleins de givre, les édentés nous sourient, on passe en costume dans des villages fantômes étriqués. L'avenir est parfois conjugué au passé, les anciens s'enterrent, les jeunes et les moins jeunes sortent le nez dehors par moins ... °C. Les chiens errent au ralenti. L'homme pressé est un pic monté sur skis. Les repas sont des platrées. On recolle au temps des guirlandes de l'année dernière, des oraisons funèbres qui serviront pour le prochain, ce qu'il faut de lumières clignotantes sous des nuages lourds de sens. On décroche l'épouvantail, on errige le bonhomme rondouillard à la carotte nasale. Un chapeau sur la tronche bien trop grand. C'est l'hiver qui vient vite ici. Le vent sec. Les choucas volent bas. La même rengaine que l'année dernière. Oiseaux de mauvais présage insignifiants dans la tourmente. Il se dit que l'hiver sera long, froid, chaud, court, bleu avec des paillettes roses. Le grand cirque de l'étrange se met en place, habitué à la Russie profonde, le froid ne fait plus peur, on s'y habitue, on est sevré, enfin, après une longue journée passée dehors à attendre, la clope éternelle dans un coin du bec, on se rentre, au chaud, la différence se fait sentir, d'un coup l'on s'endort. Bonne nuit.

20/12/2010

159. je n'ai jamais été un immortel


Toutes les idéologies ne sont que les justifications et les alibis de certains sentiments, de certaines passions.
Dit Ionesco à Claude Bonnefoy

19/12/2010

160. à tout moment la rue


le petit homme bafoué qu'on lui a crachouillé au visage des litres de merde pas croyable, impossible en fait de comprendre quand le souffle de vie deviens libérateur après qu'on se soit accroché avec tenacité aux ailes du phénix pour remonter aussi haut. Bien sûr, l'être humain est con, il ne peut pas comprendre ce que le petit homme a enduré, il est passé par ici, il repassera par là, drôle de comptine au passage. On le foudroie encore, on veut qu'il meure, il le faut, que la bête meure! ah les salauds, il t'ont pas gâté hein? mais comment faire face au public le lendemain d'une nuit de sang? comment revenir sans oublier, sans omettre, ne pas parjurer et ne pas raconter car on a pas le droit. Il ne reste que la voix des chants des partisans, mais encore celle-là te paraît fausse dans chaque poème, même tes mains semblent mentir quand tu prends un stylo pour écrire. Quelques larmes tombent de tes joues, alors on crie au scandale, même pleurer on te le refuse. Puis tu remontes un peu plus, devant des yeux, des têtes, des poings qu'on brandis bien haut. Ouais, même de ça on ne peut comprendre que ça peut paraître libérateur, de bouger ainsi à en devenir fou, à en crever, comme une drogue longtemps accumulée dans le sang de nos lointains ancêtres. Et les fous ne peuvent comprendre, ils ne se jettent ni sur la haine, ni sur le mépris mais sur l'inculture en brandissant une sous-culture d'opérette à défendre les huiles. Ils se jettent aussi sur l'incompréhension, qu'en savent-ils eux de la prison, d'un fait-divers, de toi? il n'en sauront jamais plus, ils ne verront pas plus loin que le bout de leur nez et c'est bien dommage. La rancune est tenace soutenue par les flash, malheureusement. Moi dans ma nuit à étoile unique j'aimerais bien te rendre un hommage à ce que tu fais et non ce que tu as fait, et ça serait non pas le dernier hommage, mais le premier. Jamais le dernier. Parce que j'ai grandi avec des mots, une voix, et que je suis un homme au milieu de la tempête.

161. le défouloir


Trotski dans les absents, l'almanach savoyard n'est plus distribué. Dans la grande vasque du monde on déploie des renforts à grands coups de marguerites, tu l'as vu mon reblochon, dis? et ma neige? et mon sel? c'est pour mieux engraisser les poules qui n'y prennent pas garde. Les clowns suavent du soir harcèlent le démon sans se méfier du loup entré dans la bergerie à la recherche du petit capuchon rouge. Nos grands héros se séparent. C'est la guerre dans les tranchées. Définitivement aboli, l'esclavage a changé de parure pour l'année prochaine 2011, savez-vous comment on appelle certains boulots? non, pas des arbres malheureusement, d'ailleurs, notez que ce mot sera rayé du dictionnaire l'année prochaine pour être remplacé par tepu, c'est plus classe, c'est selon, c'est étoilé aussi. Les os seront fabriqués en verre, les bébés nourris au plutonium auront des gorges sodomites, on fera de Arno le chanteur des bouffons de la république des royaumes du nord, pour 2011 nous deviendrons zombie, le ciel tombé depuis longtemps sur nos caboches se changera en feu, un tiers de l'herbe sera consumée, ah non... c'est déjà fait! Les pères parlent encore aux hommes, la femme libérée réclame ses chaînes, l'enfant exploité crache dans les nike, demain est un autre noël qui s'approche, seul ou sous les ponts, en famille ou chez les cons, c'est le même asile partout ailleurs, le même foutoir, la même niaiserie. Partout on se considère avec sournoiserie, on se supporte jusqu'à la fin du repas, quand on repart les bras chargés de cadeaux à demi-emballés de remerciements tronqués pour la plupart: merci-mamie-de-m'avoir-offert-ce-joli-pull-à-l'effigie-de-claude-françois-il-ne-fallait-pas.

Tu parles, tu l'as vu mon pégase? il est parti par là.

18/12/2010

162. et l'homme créa Punky Brewster


Quel étrange cas était-ce quand il écoutait Coffee and Cigarettes en pensant à elle, toujours la même chanson calme, allongé sur le lit les bras en croix. De temps en temps il appréciait un bon cigare avec un whisky aussi. Mad Max tournait en boucle sur l'écran, il aurait tout donné pour s'enfuir dans le cable de l'écran, devenir une seule information. De temps en temps la vie paraissait longue, ennuyeuse, harassante, et il aurait tout donné pour devenir l'absent des grands romans du XIXème siècle. Il aimait les films de Woody Allen, il se concentrait aussi sur les anniversaires sans jamais les retenir, et pour finir il avait aimé tout un peuple de ces camarades, les bons comme les mauvais, alors en leur donnant un ultime hommage il avait hurlé un soir de pleine lune face au vent: Bazinga!

16/12/2010

163. les alliances


Et cette route cuivrée quand vient la neige se transforme en un territoire vierge d'insoumis que je suis le seul à minuit à souiller de ma chair, de mes lourds sabots, de mes larmes cendrées. Alors on croirait au miracle, qu'un dieu bienveillant gomme la route en laissant aux hommes le droit de refaçonner le monde pour une minute encore. Nous ne sommes que nos absolus. Sous la neige qui tombe nos erreurs s'effacent, le pauvre homme endormi ne se relèvera plus: tu as péché mon fils, voici mon église tout entière afin de te juger, pauvre diable. Les animaux sortent de leurs tanières, les chamois gambadent, attirés par le sel au coin des autoroutes, la dernière image sera animale ou ne sera pas. Les couples baissent le chauffage pour mieux s'attirer, les enfants en sortiront pimpants, neufs, de cette fabrique des neuf mois. La solitude se creusera, les hommes s'entraideront, les barrières seront enlevées, tout un système nouveau se créera de ce chaos environnemental afin que l'humain solidaire envers son prochain devienne le prochain roi du monde. Qui sait, demain ce sera peut-être à vous de jouer à dieu?

13/12/2010

164. PAX ROMANA


Ombres jaunies et brisées sur territoire achevé: ne retenez plus vos larmes, pleurez sur les couleuvres et diverses babioles qu'on vous a forcé d'ingurgité, sur votre stupidité et vos souvenirs tronqués de jadis.

165. les guignols et le sexe


Et ma mère, disait-il parfois, avait, ce week-end, fait la seule chose qu'elle pouvait faire avec les hommes et notamment celui qui nous recevait. Elle avait donc usé de son charme encore une fois pour séduire en touchant les hommes sur leur faiblesse, mais n'en désirant rien de moins ou de plus, le soufflé retomba. Le contact physique ne se fera pas, l'homme soudainement comprit ce qu'il se passait, jura à la trahison, la perfidie même, et nous laissa une nouvelle fois sur les routes, moi en prince déchu et ma mère telle une câtin infâme sans acquéreur.

09/12/2010

166. "écrire est un métier de feu, disait Molière"


Depuis que j’ai pris tout à fait conscience du temps, je me suis senti vieux et j’ai voulu vivre. J’ai couru après la vie comme pour attraper le temps et j’ai voulu vivre. J’ai tellement couru après la vie qu’elle m’a toujours échappé. J’ai couru, je n’ai pas été en retard, ni en avance, je ne l’ai jamais rattrapée pourtant: c’est comme si j’avais couru à côté d’elle.
Ionesco, journal en miettes

167. imbécile t'as encore été traîné dans l'fond des asiles!


Imbécile combien de fois faut te le dire que les vieux fantômes ça n'existe pas?

et ton coeur fait encore des ratés quand tu vois sa photo on myspace.
Imbécile t'as encore été traîné dans l'fond des asiles pour trouver l'amour fou.

romantique, romantique à souhait et idiot.

Imbécile elle t'a tout déchiré, dévoilé, happé!

et pourtant tu avais encore envie d'elle en voyant ses photos.jpg.

Imbécile tu deviendras fou à force de vouloir retrouver quelqu'un qui ne veut plus te revoir, qui te hait, qui n'est qu'une sous-merde, qui s'est moqué de toi, qui t'a piétiné, qui t'a craché dessus, qui rit encore de toi dans le bras des autres...


foutu fantôme, sacré imbécile.

06/12/2010

168. des S. et puis des M.


Il pleut en hiver dans mon matin, froid glacial qui réveille lors du premier clope, un frisson cingle mon visage. Les larmes sont grises, la pluie tombe en hiver, gèle les routes, le ciel ne ressemble plus à rien, se confondant à la terre, aujourd'hui terre de départ. Plus tôt, un message d'elle disait qu'elle s'en allait, qu'elle reviendrait comme ça me voir de temps en temps, alors je tentais de ne pas enrager le jour de mon départ. Mon café était amer, tiède, il ne passait pas. Plus bas je regardais mes mégots de la saison qui apprenaient à nager entre les voitures dans une flaque rectangulaire au tracé automobile. J'ai souri, ces petits poissons inertes étaient morts depuis belle lurette de la même j'étais eux, des petits filtres usagés qu'on avait jeté. Je me suis senti comme ça, ouais. Toutes les larmes étaient grises, j'ai resserré un peu plus mon manteau hivernal, je me suis soumis à la destinée du pas-de-bol, fallait bien admettre son sort de vaincu. La peinture de la chambre d'en-face était finie, mon travail également, mon séjour aussi. La ville me claquait sa porte au nez, rentre chez toi, demain il fera moins bon et le soleil sera moins long. Alors les cheminées envahissent le paysage, si tant est qu'il y en a un, un bout de montagne se découpe entre deux ombres grises, j'ai le sommeil tragique, n'ayant dormi que quatre heures je suis encore endormi, même le froid n'a aucun effet de réveil, aucun électrochoc ne peut me contenir, aucun express. Ridiculement me fait écho une annonce, bonchemin est là pour vous montrer le bon chemin façon 1984 en vous disant ce qui est bon, ce qui est mauvais. Il est 9h15, la ville se réveille, je me réendors, ma clope est consumée entre mes lèvres, mon poisson rouge tourne dans son bocal convenablement, la fatigue m'emporte, son sourire refait surface dans un coin du tableau, j'ai pas fini mon café, dehors il fait si froid qu'un banc accueille mon reste de vie, et je m'écrase de tout mon poids en sifflotant la musique de bonne nuit les petits.

04/12/2010

169. pièce originale




JE suis votre absolu.


170. it's time to save the world


Ne t'inquiètes pas, je te trouverai au milieu des rayons, je sais te surprendre. J'ai le bac en poche, mes histoires tournent en boucle, elle s'achèvent pour mieux renaître. Ne t'en fais pas, j'ai fini de travailler, je suis en congé longue durée, je vais écrire tout le temps pour toi des romans d'amour qu'il nous faudra dix ans pour relire. Nous relieront les étoiles comme ça, dans ce grand canevas de l'univers tu verras nos deux prénoms, ceux des anciens qui étaient, ceux qui sont, ceux qui viendront. Toutes nos histoires vaudous ne sont que du flan, j'ai mis Mick Jagger dans ma poche, je l'ai emporté avec moi tout l'après-midi dans les rayons peinture d'une grande enseigne. J'avais mal aux yeux, les néons me grillaient la peau, je faisais ça pour toi qui m'ignorait totalement. Deux amies sont venues, elles m'ont proposé un verre, puis deux, puis trois, nous avons fait l'amour au milieu de ta chambre, dans tes vêtements, roulés en boule dans l'armoire et aussi au coin du bureau. C'était bien je crois, je leur ai laissé mon corps en gage. Tu ne pourras pas me revoir, je m'en vais, j'ai pris le dernier métro qui rentrera à la maison, la mienne, et je compte te surprendre bientôt dans les rayons du supermarché, je te connais, je sais où tu fais les courses. Quelqu'un te préviendras, il essayera du moins, il te dira: "méfie-toi on t'aime" mais ce sera trop tard, l'amour sera déjà passé à la manière de l'été malouin, trop vite, trop court, trop dense. On dansera la nuit sous les médicaments, on se bloquera quelque part dans ton lit, on fera le jeu de la haine, celui des dollars, la séparation des bien et un tier de ta fille. Je me nommerai Paul, Louis, Jacques ou André, je serai l'asphalte lointain, je fuierai le monde avec une partie de toi, un souvenir ou une idée, je veux refaire la peinture de toutes les maisons du monde, le faire vite et très mal, je veux m'éloigner encore jusqu'à oublier, jusqu'à ignorer en dépit du bon sens en tuant tous les idiots qui me barreront le chemin car ils ne peuvent pas comprendre que je suis l'autoroute quand vous n'êtes que des chevaux. Je serai flûte, vous serez piano, je serai traversière. Tu m'aimeras, tu le comprendras enfin trop tard, je vais te regretter, j'aurai un tiers de ta fille à recoller. Je vais tenter l'approche, délicate et soyeuse. Ce sera trop tard, les bombes nucléaires vont nous réduire en charpie, de nos cendres mélangées ne subsistera plus que ton écho, mon égo, ton écho, ton égo, mon écho, mon égo, mes légos. Et ce sera fini.

02/12/2010

171. Maestro et Cie


Tes petits papiers buvards qu'on laisse passer, ta robe étroite et tes cheveux à la zorro. tu écoutes inlassablement la même rengaine, derrière tes lunettes cuivrées tu attends que le monde se relance en 2.0. Des nouvelles rencontres font vibrer ton coeur martini, tu as un sourire de travers sur ton visage qui fait penser à Jean KIRI (c) ou Jean KIPLEUR (c) mais tu n'as jamais aimé les courses de bagnoles américaines à la télévision. Etroitement singulière d'esprit, tu te dis éprise d'aventures quand l'envie te prend d'aller au congélo pour goûter les différents parfums de crème glacée: fraise vanille passion framboise pistache citron crème brûlée macarons viande hachée peau humaine 100% boyaux de porcs. Quand l'envie te prendra de recommencer ta vie il sera déjà trop tard, d'autres l'auront écrite pour toi sous forme de comic-book. Tu seras supernaturelle ou tu ne le seras pas. L'avenir n'appartient qu'à ton toit. Tu n'auras qu'à danser pour remonter le temps et les montres et les horloges et les moteurs 16 soupapes qui traînent dans ton allée. Puis le temps te fânera, puis le temps t'emmèneras, nous portera, nous détruira, nous micro-ondera. Tu liras mes livres à l'envers, je te noierais. Tu poseras tes petits pieds écossais sur mes genoux, je te flouerais. Tu seras l'écho je serai le chien. Devant l'ennui tu seras inodore, incolore. Je serai l'absente, tu seras ma compagne. Je serai la vie tu seras ma mort.

01/12/2010

172. pluie et neige en alternance


La cadence en descendant les marches, battre le temps dans sa propre course, fermer la veste jusqu'en haut pour vaincre le froid. Ne pas glisser sur le verglas à se rompre le cou, éviter la catastrophe. Ne plus sortir de chez soi et hiberner de toutes nos forces. Devenons la légende ancestrale du peuple sous la neige. Racontons-nous nos balais, nos essuie-mains, nos moteurs diesels, nos dollars: nos nouveaux dieux qui seront nos anciens dieux. Alternance de joie et de peine aussi, dans l'obscurité on se révèle, on deviendra des impuissants qui seront destinés à la puissance, tout sera à recommencer, la fin du monde sera le début du nouveau.

28/11/2010

173. tu tournes en boucle - alice in labyrinth


Tu tournes en boucle depuis que je te connais, tes boucles se tournent et s'entortillent, tu tournes en boucle devant tes yeux aux pupilles brillantes que forment deux anneaux, deux boucles accomplies, tu tournes en boucle comme le chat dans une cage qui griffera pour sortir, les oreilles un peu en retrait, tu tournes en boucles éparses retombées sur la courbure de tes lèvres vermeilles, merveilles, tu tournes en boucle avec la chaîne autour de ton cou qui est bien la seule à te tenir prisonnière, et encore, tu tournes en boucle, des cercles dessinés sur le sol avec tes pieds, dans l'air avec tes bras, mouvements souples de bassins en boucle, saccadés, tu tournes en boucle jusque dans mon café du matin, tu tournes en boucle comme on prend l'avion, tu tournes en boucles avec ton nombril caché sur ton ventre qu'il faut découvrir, tu tournes en boucle en t'amusant, souriant, jouant, griffant, mordant, tu tournes en boucle, panthère évoluant dans un monde de bibelots, tu tournes en boucle en vieille cassette qu'il faudra réinventé, tu tournes en boucle avec tout tes poils entortillés, tu tournes en boucle, tu prends l'avion, elle fait l'avion, elle fait l'avion, mais rien n'y fait, rien n'y fait, elle tourne en boucle encore et toujours pour l'amour des dératés. Elle fait l'amour. Tu tournes en boucle. Tu tournes en boucle.

174. les angelots du jardin public sous la neige à minuit par moins trente


Je ne me suis jamais autant senti seul dans ces moments où le paysage rejoint l'âme. Les arbres se parent de blanc, le paysage s'adoucit, devient plus serein, alors herbes folles et fleurs pétillantes disparaissent. Le froid engourdit les membres, il fait nuit plus tôt et plus tard, le jour devient la nuit, la nuit devient le jour, un monument aux morts éclatent bien plus à minuit quand on l'illumine sous la neige. Moi ça m'empêche de dormir cette non-obscurité livide derrière mes rideaux ouverts, je vois les morts, ils vont et viennent de ci de là, je les contemple du haut de leur centenaire, je m'ennivre de leurs danses, petites lucioles qui se fanent à l'inverse de l'hiver. La musique se tait, à peine un trombone qui chuchote, à peine un piano sur quelques touches endormies, à peine un violon au sanglot solitaire. Le monde entier d'un quartier s'arrête de tourner, il pèse lourd, le froid envahit les pièces, s'insinue jusque dans l'âme, on croirait le calme avant la tempête. Même les morts s'arrêtent de divaguer. Un vieux peintre aux mains glacées touche l'ivresse de ce nouveau ciel, un sculpteur frémit devant l'insemblable, un écrivain raté se suicide par amour des nuages, le poète a tort, il se peut que les hommes se trompent sur toute la ligne, une seule vérité, une seule saison, et le monde est en émoi quand il rejoint à la fois l'âme et les cieux. Je m'endors tout doucement entre deux chimères, les zombies me bercent, les fantômes me consolent, je me suis dit qu'elle était partie depuis hier, après le "c'est fini" banal. Je m'endors en pensant à elle, tout est calme, mon pouls ralentit, ma température corporelle aussi, 21 grammes en moins, voilà, tout ça d'un coup pour aller danser au bal des monuments, là où plus personne ne se manifeste dans les jardins publics, personne ne regarde jamais plus les noms des fantômes gravés dans la pierre, leurs sourires, leurs images, leurs vies. Dormez dormez petits anges.

21/11/2010

175. Ganz wie sie wollen (tout à fait, comme il vous plaira)


Tabriz.
Thierry qui était à court de toile et de couleurs depuis quelques temps déjà, reçut un avis de la poste l’informant que le matériel qu’il avait commandé en Suisse était enfin arrivé. Il se précipite au bureau, remplit des formules, signe des décharges, paie une taxe, va jusqu’à la douane et en revient , assiste au déballage de son colis. Tout y est - mais quand il fait mine de l’emporter, l’employé le lui retire vivement en expliquant que le directeur qui désire le lui remettre en mains propres s’est absenté pour quelques instants. En attendant, on l’installe dans un petit salon avec une chaufferette, du tabac, des raisins, du thé, et il s’endort. Une heure plus tard, il se réveille et va trouver notre ami, le maître de poste:
- Somme toute qu’est-ce que j’attends?
- Notre directeur… un homme délicieux.
- Et à quelle heure revient-il?
- Pharda (demain)!
- !(?)!
- Votre paquet… aujourd’hui vous l’aurez vu, et demain vous l’emporterez. Deux plaisirs au lieu d’un, conclut aimablement le vieux en le reconduisant jusqu’à la porte.
Pharda toujours invoqué. Pharda gonflé de promesses. Pharda, la vie sera meilleure…


Nicolas Bouvier, l'usage du monde,et toc!

176. des fois que...


Dans cette grande salle qui prend la flotte à pianoter ces touches noires et blanches, j'attends avec impatience ton silence et demi. Le soleil tourne à l'envers, demain il ne se couchera pas mais hier il reviendra comme toi. J'ai revu tes pensées, je t'ai vu tenir le bras d'une Edith Piaf d'opérette que jai haïe. Aïe. J'ai torturé ma bouche, j'ai noué un lien de papier, le tissu est tordu, les ficelles tiendront le coup, je fais du rabibochage à la Frankenstein et je renoue avec mes ténèbres:

"tiens, ça fait longtemps que je ne vous avais pas vu, mais il est vrai que vous aviez toujours été là pour moi dans le plus noir secret de mon for intérieur, c'est gênant."

Je ne suis que votre marionette, je vous aime, je ne suis que votre marionette.

16/11/2010

177. la nuit je me dore


quelques figurines assassines

quelques friandises

qu'on recrache


des nuages sodomites perdus dans le lointain

et ton esprit ne veut plus rien dire...

15/11/2010

178. et moi je veux crier encore une fois avec toi


à mesure que le tonnerre s'estompait la flamme se ravivait, leurs regards se croisaient, les uns avec les autres, des fantômes en déroute qui ne savaient plus quoi faire de leurs carcasses moisies. Le café et les beignets puants sur une table dans le coin du presbytère loué attendaient preneur en s'alourdissant de quelques poussières, on chuchotait à présent dans une demi-obscurité, ainsi, le silence devenait pesant à chaque instant, certains consultaient jusqu'au reflet de leurs chaussures en quête de courage pour prendre la parole.
Un grand brun, un peu gros, les yeux noirs, se lança en premier dans la confidence:

- J'étais avec une femme sublime pendant des années, nous étions heureux, la famille, la vie de couple, et notre enfant dormait paisiblement entre nous deux des soirs comme celui-ci. J'avais un cabot du nom de Rosie, une belle chienne des pyrénées. Elle m'adorait et me suivait partout, même au bistrot. Au lit j'étais un dieu, je me voyais ainsi. Un jour tout ça s'est arrêté, un tournant décisif, j'ai perdu mon emploi, je fais des cauchemars, je ne dors plus, je n'arrive plus rien à faire. Je n'ai pas vu mon enfant depuis... depuis que je sais que je ne suis probablement pas son père, ça me terrifie toute cette histoire.

- et comment avez-vous refait surface?

- On ne refait jamais surface, on meurt éternellement, les soirs de libre on ressasse, tout devient terne, tristement comique. J'ai trouvé un boulot de plongeur dans un grand hôtel panoramique, dans chaque assiette que je lave il y a un peu de mes larmes, dans chaque couvert un bout des autres auxquels je pense. Je rentre à la nuit tombée, je ne vois que rarement le soleil. Dans chaque visage de femme il y a le sien. Je n'ai plus de sexualité et j'attends quelque chose d'exceptionnel qui ne viendra sans doute jamais.

Alors il semblait que dehors les arbres gelaient, qu'ils pliaient sous le vent, que le vent entamait une complainte hivernale bien funeste, et que sur les visages des désespérés présents se jouaient des scénarios compassifs qui voulaient dire qu'une histoire est toujours pire que l'autre.

13/11/2010

179. c'est pas ce que tu crois


à toi celle qui m'oublie lentement, c'est pas ce que tu crois, c'est juste comme ça. j'ai longtemps contemplé tibia peroné, fibres alimentaires, dans la Dordogne il pleuvait mais qu'importe. j'ai fini fou en Suisse au Tibet ou vers chez toi, j'étais à genoux dans vos rues. Le temps c'est comme ton pain, gardes-en pour demain. Je veux rire des montagnes de rire, pleurer des volcans de larmes, j'ai pas fini j'ai pas fini. je suis devenu fou quelque part, dans quelques endroits, c'était ailleurs, pas ici, c'était pour vous, par amour.


where do I begin.


Every you and every me.

10/11/2010

180. Pandora a caché la clé


Les veines éclatent par l'effort, le bateau prend l'eau, tu vas couler au plus profond de tes entrailles. Ton corps strié de plaie est la chose la plus magnifique qu'on puisse voir dans l'horreur de cette petite mort, ton sourire est un rictus de douleur, tu t'engouffres au plus profond de ton corps. Tu n'auras plus d'amour, tu ne penseras plus, les eaux sont noires, tumultueuses, glacées, furieuses, obscènes, elles deviennent ton tombeau, et tu t'enfermes au plus profond de ton coeur pour ne plus jamais remonter à la surface...

181. Maria sort des décombres et commence à bouger son ombre... danse sur le feu Maria


Maria est belle, fine, ses deux seins sont des petites cerises donnant l'impression qu'on vient de les plonger dans du coulis de myrtille. Sa peau foncée, ses yeux noirs, ses cheveux corbeaux qu'on dirait qu'ils vont s'envoler, Maria est une fille d'automne qui a longuement préparé son hiver. Elle est fine, elle est intelligente, elle est rapide, vif comme l'éclair son corps d'une tête de moins que la moyenne sait très bien ce que les hommes attendent. Chaque homme la regarde rentrer dans une pièce et en ressortir, les piliers de comptoir l'attendent avec impatience, le petit blanc à la main pour oublier qu'elle n'appartient à personne. Quand Maria fait danser ses cheveux de chaque côté de son visage elle devient une onde qui se propage aux quatre coins de la pièce où elle se trouve. Maria a des petites mains, des petits pieds, un sourire diabolique qui feint de vous trouver intéressant mais ne rêvez pas, elle s'ennuye déjà de vous, trop occupée à accéder à la divinité. Elle possède ce charme que les autres n'ont pas, elle est mince, elle semble briser par endroits, on dirait qu'elle ploie sous le poids du monde et... son absence de forme soutient le ciel, on devine ses fesses, on se pose sur ses seins, on suit la tige que forme ses bras sans cicatrices. On envie celui qui osera remonter le long de ses cuisses, l'autre, il la connue lors d'une énième séance de pose avec des élèves qui ne savait pas la garder. Il passait son fusain sur la toile, jamais en-dessous, une fois les quelques coups de crayons passés il lui laissait assez de temps pour contempler un ange, ou alors il commençait son fond. Mais Maria, assise en tailleur sans bouger illuminait le cours de peinture ce jour-là. Elle était nue, ses pieds revenus devant sa toison cachait celle-ci, ses longs cheveux semblables à des algues échouées sur la plage et ruisselantes de vie retombaient sur les perles de ses seins. Il était devenu fou d'elle, il en avait des érections à la seule appellation de son prénom. Maria. Un jour il lui avait dit qu'il se tuerait pour elle par amour, alors elle avait commis l'erreur de le laisser faire, sept minutes et vingt-trois secondes de mouvement dans son corps plus tard elle annonçait avec son accent particulier que la fête était finie, qu'il fallait ranger la salle et nettoyer ce qu'il restait à nettoyer, puis partir pour oublier que l'amour écume toujours les bars sans s'arrêter. Elle lui avait dit cela avec un naturel diabolique, sans penser à mal. la fête était finie, tu as éjaculé, on remballe. Et lui avait répondu ok. Il n'avait rien d'autre à dire de toute façon. Jamais plus il n'aura la chance de frôler de nouveau ce corps, alors il se jeta du balcon pour elle, une lettre dans les mains, un long poème de plusieurs pieds. Les gendarmes interrogèrent Maria sans la bousculer réellement, elle semblait absente, loin du monde, ses yeux noirs tels des perles manquantes scrutant le sol à la recherche d'une saleté à nettoyer. L'un d'eux demanda si elle le connaissait, elle n'osa rien dire, ni même qu'elle portait son enfant, ni même qu'elle semblait l'aimer. Elle se contenta de rien dire, non elle ne connaissait pas ce cadavre, juste le goût d'un amant oublié dans la pénombre qui lui était bien en vie. Un gendarme d'une trentaine d'années compatissait, il l'avait vu ainsi, si apeurée, si troublée, un oiseau tombé de sa branche qu'il avait envie de ramasser, qu'il l'attendit le soir à la sortie du travail. Elle ne sursauta même pas quand elle le vit, elle ne broncha pas, il lui demanda alors ce qu'elle comptait faire ce soir, si elle voulait venir chez elle, et il lui dit: "je me tuerai pour vous par amour si vous ne venez pas prendre un verre dans mon appartement".

04/11/2010

182. Roméro et Squelette


Une vieille musique au fond d'un bar, je suppose être du jazz, c'est un morceau assez lent, à présent, avec les vapeurs de l'alcool, je ne sais plus si elle chantée en anglais ou en français - ou dans une autre langue. J'ai la déprime au fond de mon café, j'en rebois un en espérant ne pas m'endormir et mes yeux sont penchés sur les trois doigts qu'il me reste de valide, mais pour combien de temps? Mon dos est voûté, j'ai mal partout, je ressens la moindre brûlure, je n'ai pas fermé l'oeil de la nuit ni les mains aux multiples entailles. Je rebois un café en espérant que d'un bon je vais me lever, péter la forme, que la potion magique qui jaunit les dents fera son effet d'ici quelques secondes, aller mon gars, vas-y. De toute façon il ne me reste qu'une dizaine de minutes avant d'y retourner. J'ai envie d'aller aux chiottes aussi, sans y parvenir, le zombie du premier jour, en somme. J'ai décompté les jours sur le grand calendrier, un boulot de merde contre un boulot de merde, je touche bientôt le fond, je suis bientôt au bout de mes peines, mais à quel prix? Pour 1400 euros environ, la vie est belle, se ruiner la santé, ça n'a pas de prix, diras t'on pour paraphraser la pub. Merci.

01/11/2010

183. Romain Gary, au-delà de cette limite votre ticket n'est plus valable


Je dégringolai l’escalier et sautai dans un taxi. Elle n’était pas à l’hôtel. Je fis le tour des boîtes brésiliennes où elle venait « boire » sa musique parfois. Je l’ai trouvée au Pango, assise dans un coin sombre, pendant qu’un Noir faisait pleurer le piano. Je ne dis rien, je m’assis à côté d’elle. Je lui ai pris la main, pour que les mots se taisent. Nous restâmes là jusqu’à l’aube, en écoutant la musique. Il faut un commencement à tout.

25/10/2010

184. epanadiplose radieuse


je suis mort


je regarde les hirondelles tourner dans le ciel
non il s'agit de flocons
qui s'agitent et tournoient
ils meurent en touchant le sol
un sourire uni mon visage
l'apaisement du dernier instant
je suis étrangement calme
et tout est noir
amours perdus que je vous aime
amis sauvés que je vous aime
les bombes étincellantes
transforme des fleurs magnifiques
en robes fleuries d'un million de primevères
les papillons blancs lézardent la paix
c'est con un accident
de parcours
ainsi
mourir
ainsi
tout est calme


je suis mort

23/10/2010

185. Madison


Ce soir de mal-à-vie j'ai déambulé dans les rues gelées de mes montagnes, l'âme un peu en peine d'un je-ne-sais-pas-quoi. J'étais avec Marc, l'éternel Marc. Vu qu'il était tard je n'ai pas hésité à me garer sur un emplacement réservé aux bus, vous en connaissez beaucoup des villes comme ça vous?

Nous nous sommes dirigés dans la plus ancienne rue, le bar s'appelait le Privilège et la serveuse je-ne-sais-plus. Tout ce que je savais d'elle c'était qu'elle venait de Saint-Malo, qu'elle avait un cul formidable, un sourire d'ange, mais que son copain vous refaisait le portrait gratis à la moindre incartade. Pas touche alors, j'ai commandé un whisky douze ans d'âge que j'ai dû prononcer "un-ouiski-douzandage-steuplait" tant le volume sonore pétait les amygdales. Marc a commencé soft, j'ai distribué mes cachetons, nous avons refait le monde, c'était tout. Miss-je-ne-sais-plus nous a refilé l'adresse d'un lieu branché de Chamonix, c'était assez drôle, car je connaissais aussi, que l'heure indiquée était aussi celle que je choisissais d'habitude, et que j'étais sûr et certain de ne pas y aller.

Ensuite, le Dérapage, bar en sous-sol, ancienne ambiance enfumée. Dans la cave, j'ai pris une Guiness, Marc une bière, Nuclear Bob était là dans un coin, veste en cuir sans chapeau, classe sans l'être réellement. Le trop-plein de convives débordait sur l'extérieur, je me suis amusé, j'ai tiré Marc de là, nous nous sommes retrouvés au-dehors, notre verre à la main, je clopais, sous un écriteau marqué noir sur blanc: interdit de sortir avec son verre. La serveuse s'appelle Pauline, elle est super mignonne, un brin de femme qui vous redonne le sourire. Elle m'a gentimment réprimandé sur mon verre, j'ai levé les yeux au ciel "ce n'est pas moi je vous jure!". Elle a souri il me semble, que j'avais envie de gagner des combats pour elle...

Je n'ai pas vu Clara de la soirée. Ni Kelly. Mais cette blonde déjantée que je tardais à reconnaître est venue faire la bise à Marc. Je n'ai rien dit, pas bougé, elle m'a dévisagé de haut en bas, de chaque côté, ensuite en travers, puis elle est rentrée. J'ai demandé qui diable était cette personne, on me répondit qu'il s'agissait de Mady. Bon. Ok. J'ai envisagé quelque part par là l'écriture d'un roman, sans aucun rapport avec mes pensées du moment. Ensuite on est retombé sur Julien, on l'avait déjà vu à l'intérieur, c'en était resté là. Maintenant on refaisait le monde, il traînait avec une poupée bien plus jeune que lui, j'ai examiné un instant ses chaussures à talons, j'ai bien rigolé en voyant qu'elles étaient trop grandes pour ses petits pieds, quoique parfaits je dois dire, et une érection m'est venue en matant la sirène dans son intégralité.

Ensuite, la seule boîte ouvert du coin qui était encore en mesure de nous accepter, a ouvert ses portes. Je dois dire que ma motivation m'avait quitté en chemin, si elle avait été là avant cela. Mais nous sommes quand même descendus jusqu'au bar, on s'est installés, on a bu encore de la manière que font les naufragés de la vie. J'ai aperçu le visage de ma cousine, je la croyais sur Lyon. J'ai dirigé mes pas vers elle, puis nous nous sommes mis à parler de Marc. J'ai admit que je me sentais mal de le voir ainsi, à une heure et demi du matin passée, se déhancher sur une piste devant cette Madison que je ne connaissais plus, jolie blonde aux yeux bleus, on m'a précisé - ma cousine - qu'il s'agissait de la pire salope de la vallée. D'un coup je me suis souvenu d'elle, les portes de ma mémoire se sont ouvertes, je me suis laissé envahir par les flots du souvenir, j'ai revu les scènes grandioses de ma jeunesse, en silence, et j'ai réalisé qu'elle était une sorte de nouvelle bourgeoise qui se la jouait décomplexée en sautant sur tout ce qui bougeait. Son kiffe à elle était de simuler un viol, c'est à dire, comme elle n'avait pas connu de prime abord cette chance dans son épuisante jeunesse sacrée, donc la voici qui recréait à son propre plaisir la scène. Elle parcourait ainsi les bars, les endroits sacrés où il faisait bon vivre, dans sa petite jupe sans rien dessous. Bien sûr, la proie, mise dans la confidence, attendait, tapie, se faisant chasseur d'une nuit. Sortie de nulle part, de n'importe où, l'individu faisait donc son affaire, là, d'un coup, puis s'en allait.

Un jour, m'avait-elle confiée, j'étais en jupe sans rien dessous, j'étais assise au bar, racontant à mon amie que mon fantasme était la surprise. Je pensais qu'il était là aussi, sortant déjà sa queue pour rentrer en moi. J'ai pris mon pied devant les autres, quand il a pris mon cul offert à lui tout en fleur. Puis j'ai vu un visage dans le reflet d'un miroir, la surprise n'en fut que meilleure, mais ô combien étrange, cette sensation de l'inconnu qui s'empare de vous!

Puis je me suis retrouvé à nouveau dans l'ombre d'elle, me demandez pas comment, en un instant j'étais sur elle, son sexe épilé, ses seins qui semblaient frais de la veille, son air déconnecté de la réalité, et j'ai repensé à tout ça pendant ces deux minutes soixante-quinze de lutte avec moi-même. Au final j'ai cessé le combat, j'ai abandonné, je suis parti, et sur la route je me suis mis à pleurer, sans savoir pourquoi, ni pour qui. Une voiture m'a frôlé, j'ai repensé à mon roman, et je me suis dit que ouais, ça en ferait une idée vraiment classe.

22/10/2010

186. l'autre histoire, l'autre époque


Cette petite musique au ralenti l'a faisait vibrer, elle avait la sensation de voler au-dessus des sièges vides du cinéma vox, celui-là même qui avait été l'un des fleurons de la grande époque du cinéma de quartier, lieu de plusieurs rencontres hasardeuses, lieu des retrouvailles et de l'amour mais aussi celui des films maudits quand les corps pleuraient dans le noir afin de mieux se séparer ensuite.

Elle avait une larme à l'oeil en passant l'aspirateur, elle se voulait planante, ailleurs les grandes industries la déposait bien loin de son dernier instant, de cette époque révolue, maintenant on allait voir de tout dans des multiplex, des endroits où le rideau entourant l'écran ne veut plus rien dire, des endroits où il ne se passe plus grand chose, tout est aseptisé et froid, on ne tire plus le rideau sur rien, voir il n'y a plus de rideau, un point c'est tout.
Quelques cigarettes tombées d'un paquet, des pièces, les tiquets d'entrée, quelques chewing-gums collés à même le siège, le promotteur est venu hier, quelques relents de nourriture, de bière, des tâches de boissons, des miettes de pop-corn, des résidus d'un passage, des traces pour dire qu'un jour on a été ici. Le promotteur souriait en fumant un gros cigare, signant un gros chèque.

Tout au ralenti, cette dernière séance, le film projeté sur le coté elle sortait du lot, à pleurer dans un coin de la salle en attendant la fin, en attendant que tout se détruise, que fut fini la dernière séance, qu'on tire un ultime rideau comme le drap mortuaire sur son corps inerte qui ne peut plus aimer, elle était là bêtement à pleurer, un unique spectateur au milieu de la salle, un amoureux du cinéma qui avait suivi depuis son enfance tous les films de sa génération et quelques merveilles encore d'un temps qui passait trop vite. Lui, il n'avait rien osé dire, pas même quand il croisa son regard. Il l'a simplement salué d'un hochement de tête, ce hochement pouvait aussi bien dire bonne chance que à demain, les heures qui s'écoulaient, devenues creuses, lors de ce dernier rangement, le vide, le silence des lieux, tout ça la troublait au plus haut point mais maintenant elle ne pleurait plus.
Elle n'avait même pas à tout ranger, à tout nettoyer,mais elle voulait que ça soit propre pour la grande destruction, pour cette chose qu'un cinéma pouvait devenir, pour cette transformation innoportune. Faîtes marcher le commerce suivant entendait-elle parfois, ça ricanait dans son dos, elle s'en foutait, elle avançait tête baissée, à l'heure d'aujourd'hui on tirait un trait sur la passion même pour venir se noyer dans des grands complexes aseptisés, sans plus aucune sentimentalité du tout, on allait voir les films plus que d'une seule manière, comme on fait les courses.

Elle tira alors le rideau, s'en retourna chez elle en allumant une cigarette dans la nuit noire, consciente de n'avoir été qu'un personnage de second plan dans un film maudit bien trop court qu'un mauvais réalisateur avait filmé. Ce mauvais film, elle le savait, était le cinéma intellectuel contemporain, beaucoup de bruits pour pas grand chose, peu d'oeuvres qui sortent du lot, que des marchandises avariées enveloppées dans des chairs mortes qu'on vend beaucoup trop cher, tirez-donc le rideau, poursuivez-donc votre histoire, éternelle, froide, lisse, sans pop-corn véritable...

18/10/2010

187. Henri Michaux


Prêtez-moi de la grandeur,
Prêtez-moi de la grandeur,
Prêtez-moi de la lenteur,
Prêtez-moi de la lenteur,
Prêtez-moi tout
Et prêtez-vous à moi,
Et prêtez encore,
Et tout de même ça ne suffira pas.

188. un peu d'un peu


"La comédie humaine ne m’absorbe pas assez.
Je ne suis pas tout entier de ce monde."
Ionesco, journal en miettes

17/10/2010

189. 1888, Puccini, le diable


c'était intéressant pour lui de gratter le papier sans perdre haleine des mois durant à se dire le pourquoi des sentiments effacés. La musique venait d'elle-même, quelques pianos dans un coin qu'on paraissait avoir oublier, les violons n'en étaient que plus beau devant ce voile, sur la scène, derrière le grand opéra, le maître dormait auprès des poubelles, l'absinthe à la main, le regard mort du bateau ivre. Tout tanguait, le monde était un vaste océan, dans ces eaux troubles remontaient en surface les erreurs de la veille, les passions de toujours, un peu de mélodramatique dans cette fin de siècle qui s'etouffe d'elle-même. Quand on arrivera au siècle prochain, je m'en irai, aimait-il à le répéter. Comme l'artiste dans son ultime toile, comme le militaire dans son dernier devoir.

Méphistophélès était venu caresser son âme, par la cervelle il lui avait sucé toute sa musique. Il avait aspiré son amour-propre dans des décilitres de vomi. ta-dam ta-dam, piano, violon, saxo et alto, chuchotant le tout, une ultime pièce à la main pour rajouter à son oeuvre, la perfection peut détruire un homme, vous le saviez-vous, madame? oui, il était fini, cette fin de siècle avait eu raison de lui, ne restait que du grand homme le début du singe, une mimique souriante, béante de banalité sur le visage, une légère autosatisfaction dans l'oubli, les méandres de l'alcool, en somme, et ses ravages. Ce qu'il ne fallait pas faire. Le maître était là, gisant, à même le sol, alors que le chef d'orchestre en récoltait les lauriers, le mal nécessaire de s'être agité devant un parterre d'un millier de concitoyens, des patriotes de la musique, dont certains pleuraient. L'âme même de la musique volait au-dessus, virevoltante, elle gagna les loges, prit le feu dans le fond, survola les fauteuils, le souffle de chaleur vint se perdre dans cette larme suspendue de cette femme d'un certain âge au troisième rang. Son mascara coulait, elle n'avait jamais rien entendu de plus beau. Elle n'en entendra guère plus.

190. l'art est [mettez ici ce que bon vous semble]



POURQUOI?

191. un jour tu comprendras que je sais tout


Un éclair de lucidité et rentrer dans un décor immense. Entendre les prémices de son corps, la moindre parcelle qui continue de se battre tout au fond. Ravaler sa salive, sentir la chaleur des lumières figées sur son visage, déglutir puis entonner d'une triste voix ce qu'on nous a appris en coulisse. Raclement de gorge au bout de quelques minutes, jeu du mort qui revient éternellement à la vie, vivre et mourir en alternance, vivre et mourir en permanence. Pianissimo et tutti quanti, les photographes sont dans la foule, anonymes eux aussi, tu es le seul être nu sur scène, le spectacle est dans ta peau, le théâtre des émotions se joue dans tes os. La sueur ruisselle sur ton visage, tu te dis, mais qu'est-ce que tu peux bien te dire? Sans doute ont-ils lus aussi les même livres que toi, sans doute en savant-ils mieux que toi? A caresser les chimères angoissantes, tu as envie d'en rire! tes pas se dirigent de si de là, tu repenses aux contraintes du temps, l'heure qui tourne avec ta langue qui débite les fadaises. L'action de parler, bouger, rêver, croire encore que c'est possible oui, de leur faire croire à ton monde. Ces êtres blèmes perdus dans le néant sous les projos que tu ne vois qu'à peine. Tu sembles te souvenir de ce film, c'est un peu désespérant, mais au final tu en as bien ri de te trouver si semblable à ce clown. En fait c'était bien de toi qu'il s'agissait, ça a toujours été question de toi et non des autres. As-tu peur maintenant? au moment de te livrer? Mais l'assassin est là, tout proche. Il rôde, la foule le voit. Tu feins de ne pas deviner sa présence, bien que la première rangée à les yeux rivés sur lui. Tu sais que son bras se dresse dans ton dos avec le poignard sanglant d'un siècle d'affront. Il se baisse, aaaah! tu hurles encore! aaaah! il te faut souffrir en jouant pour jouer en souffrance, aaah! tu tombes à genoux, un flot de sang mouille ta chemise. Tu tombes lourdement sur scène, sans bruit. Silence. Les projecteurs s'éteignent et le rideau se baisse. Ah. Levé de rideau, les acteurs reviennent, tu salues ton public et à demain. Vivre et mourir en alternance. Vivre et mourir en permanence.

11/10/2010

192. Padre.



Le visage de mon père, à 5h moins dix du matin. Dans le reflet du transporteur qui nous embarque jusque sur Chambéry. Le reflet dans le véhicule donc, reflété dans le rétroviseur à nouveau. Mon père qui prend de l’essence, voyage à l’essentiel avec son fils; travail.

La nuit qui se détache, lentement. D’abord sur l’autoroute où nous sommes seuls dans le carcan silencieusement bruyant de la voiture. Quelques comètes nous poursuivent, elles doublent sur la gauche puis reprennent leur course folle.

Les usines succèdent aux usines sur le bord de la route. Éclairés pour la publicité, des ombres de bulldozers deviennent des démons vampiriques tapis là depuis longtemps.

Dans le petit matin, encore plongé dans le noir, nous nous sommes mis à travailler. Une journée entière dans les brumes, un monde fantomatique qui ne ressemble en rien à ce que je connais. Une odeur d’humidité aussi. Quelques billets échangés pour gagner sa croûte, de la nourriture de supermarché, des fast-food en veux-tu en voilà. Un café. Une bonne bière.

Voilà.

09/10/2010

193. histoire de nos murs


La « banlieue » stigmatisée par l’opinion est davantage une figure abstraite qu’une entité clairement délimitée. A la veille de l’an 2000, entre postmodernité et millénarisme, entre peurs et fantasmes, elle trouve un terrain d’élection. Mais elle est souvent un prétexte pour parler d’ « autre chose », par exemple de la peur du métissage, du sentiment d’exclusion, de la nostalgie du village, du pouvoir des médias et de l’impuissance face aux mutations du monde actuel…


les banlieues vues par Hervé Vieillard-Baron.

194. réalité magique


il y a chez Tapiès quelque chose que je ne saurai expliquer de prenant, c'est comme resonger à ce film, la belle noiseuse, à l'art dans le faux mais le sens dans le vrai, totalement. l'action d'artiste, l'incompréhension, le lien aussi avec le modèle mais ça peut se faire sans modèle non?

transcendentalement correct.

c'est se retrouver d'un coup dans l'atelier de Van Gogh, il t'explique Gauguin, sa vie, sa peinture, son oeuvre, il t'offre un verre à boire avec son oreille coupée, de temps en temps il décroche de la conversation, mais l'explication est toujours la même.

aussi je revois De Staël et son ultime toile, celle de son suicide à travers le cadre de sa fenêtre, performance de l'absurde, le plein et le délié. quelques cloches sonnent, on intitule ça tout bêtement du nom de l'objet, dessous on incruste la manière: lithographie. et la date, 1991, et la taille, 120 x 79 cm.

y'en a encore un million, chez les viennois Klimt et Schiele, de ses idées macabres, loufoques, mystiques, géantes, de ces idées. le jaune des anciens corps, par exemple, chez Géricault, celui qui croyait avoir raison, Dali et son corps rapiécé. les nombreuses revues alors qu'on ouvre pour comprendre ont toutes des noms de hasard. Vieille destinée capricieuse qui un jour à fait d'eux les artistes d'aujourd'hui.
Alors oui, on comprend que la peinture est morte, vive la peinture.

06/10/2010

195. les mots se sont tassés


et lui qui avait compris autre chose, ah le voilà rassuré, ce n'est que de l'homosexualité dont il s'agit là. ok. lui qui pensait à bien pire! mais oui, on peut trouver les hommes dégoûtants, mais étrangement pas les femmes, on ne dira jamais d'elle le moindre mal sous prétexte de cette homosexualité, bon ok. et lui, qui n'avait rien compris, continuait à critiquer les hommes, c'est tous des connards finis, des chiens errants, des queutards, il n'avait pas tort le fou, mais l'homosexualité, bon d'accord, elle est partie pour une femme, ok, mais quand même, pourquoi devrais-je pas dire oh la salope?

196. à l'aube des interstices


Nous on a Johnny, faut pas en dire du mal!

Tonton Georges se disant, a hurlé dans la pièce en frappant du poing sur la table et tu regardais sans cesse la grande course des aiguilles sur l'horloge suspendue au-dessus de la porte d'entrée comme si le temps soudainement allait te permettre de te glisser de ce faux-pas. Devant toi on a étalé l'eau dont personne ne se sert, une assiette avec la choucroute en boîte servie à l'intérieur à peine tiède. Ton pastis dans une main, t'as du mal à le finir. Le Georges te ressert à boire, cette fois-ci du vin, un Bordelais comme toujours, le tic-tac des pendules rend ton calvaire impossible à supporter, mais tu écoutes les conneries de l'autre, la télé bloquée sur la une, le son à fond parce qu'on devient sourd dans les terres plates du silence en ce milieu de pays.

Nous on a Johnny... a rabâché tout doucement l'oncle, puis il s'est penché sur son assiette à la grise mine et lentement entrepris de manger, le nez collé presque contre l'assiette, les cheveux dans son verre, ou était-ce le front, tu ne sais plus, c'est à peu près pareil de toute façon.

L'autre vieux rafistolé passait à la télé, ça souriait de toute ses dents, dehors le joli temps du mois d'octobre te hurlait de fuir, même si c'était pour te perdre. Tu repensais aux subventions alors, celles que le bureau t'accordait, les visites obligatoires aussi parce qu'il fallait bien remercier ce bon vieux Georges de t'avoir offert une place de choix dans la grande usine de sauciflard du pays. D'ailleurs, en plus de la boîte on t'avait dressé un éventail dégueulant de charcuterie, déposé à même la table, encore dans leur emballage ou non, saucisson, jambon, lard, d'autres choses encore, tu te souviens même plus de tous les noms, mais tu revois le pâté que faisait le voisin et ça te fait remonter dans l'estomac un arrière goût de dégueulis nostalgique. Il y a dans les journaux du soir comme un vieux son d'accordéon, cette petite musique de mort, ces vieux refrains de courtisane délaisée. Puis on chante, on en peut plus de chanter, mais on sait très bien que les dimanches d'ennui on les passera à faire la sieste, lire des livres, fumer la pipe de temps en temps à écouter gronder le tonnerre qui s'annonce à la manière du diable cognant à la porte. L'assiette vide en bout de table est, tu le sais, pour l'inconnu qui viendra traîner ses sabots ici. Mais cette assiette vide c'est aussi la mort, l'absent, celui qui manque duquel on entretient le souvenir, la vieille tata Johanne, au regard livide, cell qui prépare bêtement le repas sans rien dire, celle à qui l'on doit tout, jusqu'aux pantalons rapiéciés, elle ne pipe pas un mot devant vos discutions vaseuses, les pensées sur les femmes qui sont toutes des putes, dixit l'oncle, le pet aussi, lâché de travers et bien gras dans la soupe du soir, tu le sais, tu l'as vu, tu l'as senti.

Mais Johnny... symboliquement parlant, Johnny vient de te faire comprendre que tu n'as jamais dit "mon oncle" comme si "mon" était synonyme de détresse, de honte, c'est le mépris de nos proches, la famille que l'on cache, que l'on ne présente jamais. Et pourtant, ils ont des racines pleins les chevilles...

02/10/2010

197. et là, en plein milieu des détectives sauvages, surgissant du verbe même, et des mots à l'envolée construits en canevas...


Schwitters. Kurt Shwitters, a dit l'un des deux gars, le Mexicain, comme s'il venait de retrouver son frère jumeau perdu dans l'enfer des linotypies.

198. au dernier moment dans la plaine en pente


Ya un soleil magnifique sur la vallée. Les rayons explosent, les couleurs fusent, y'a de tout. La montagne semble magique et moi à rien. Je vois des milliers de couleurs, du jaune et plusieurs tons de verts, mais aussi un arbre orange et rouge, le seul, comme d'habitude, parmi ces confrères qui se pavane de ce plumage indécent si tôt. Le frileux est fier de se démarquer du lot, j'ai envie d'aller caresser son écorce, de chatouiller ses feuilles, de m'endormir en son ombre, de lire sous lui. Il a élu domicile, en plus, dans un couloir d'avalanche, les racines solidement arnachées à la terre, il est encore debout, regrettant sa famille disparue si vite une nuit d'orage. Les uns après les autres. Mais il est tout seul, il résiste, et c'est étonnant de le voir ainsi alors que tant d'autres sont partis, on jurerait presque à l'assassin, celui qui pousse les autres dans le vide du coin de ses pensées. Mais cet arbre je l'aime bien, j'ai envie de polir son bois, de faire reluire ses branches, de faire briller ses feuilles, l'idée me vient de lui faire l'amour, me retrouver nu en face d'un roc massif de cette taille-là ou encore de jouer la grimpette, faire la fille de l'air tout en haut, examiner le paysage de sa vue majestueuse. J'ai envie de savoir ce qu'on voit de si haut, redevenir sauvage, plus encore qu'en ce moment, mais je me gratte la barbe, je jette ma clope, je rentre dans mon bocal et au final je me démotive, ça ne sert à rien d'y aller aujourd'hui, ce n'est que trop d'effort pour pas grand chose. Il n'y a pas de poésie là-dedans, juste un effort de plus à faire quand tout est cassé. Je n'ai plus envie d'y aller, je suis flemmard, bien trop. L'arbre, je le vois de ma fenêtre, j'ai l'impression maintenant qu'il pleure, qu'il m'appelle, mais je n'écoute plus rien, je fuis un peu plus et c'est tout. On en reste là mon brave, je viendrai un de ces quatre vous rendre visite, mais pas maintenant, pas tout de suite, il est trop tôt pour mourir dans votre aura.

199. parce qu'on ne peut pas savoir


J'envisage des dessins râtés, tes histoires inachevées, un siècle passé. Des musiques nazes, le temps qui se dissout, le soleil qui disparait, mes peintures déchirées, mes mots comme une preuve que je ne suis pas mort, moi au moins je donne des nouvelles.

J'envisage ton destin raté, petite fille aux boucles blondes aux yeux qui traînent, tes histoires salaces racontées dans l'oreille d'un soir, le noir qui se confond, les excuses d'un cendrier qu'on a volé, les aveux du coupable devant la dernière cène, quelques livres aussi puisqu'il faut bien continuer de penser sans interruption, la Scandinavie, tous ces territoires neutres.

J'envisage nos histoires sans passé, nos conneries retrouvées, nos élancements, nos dissolutions, nos séparations brutales à coup de hache, nos mains coupés, nos corps volés, nos pieds violés, nos pensées sensibles, notre commencement, nos lèvres gercées, nos yeux-mensonges, nos écoutes fustigées, nos danses archaïques, nos fantasmes sur l'oreiller au milieu du public, nos envies passées à déconner dans la luxure des plus grands restaurants du monde.
J'ai tout envisagé, tu vois?