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31/03/2010

347. les hommes meurent parfois beaucoup plus tôt qu'on ne les enterre. Vous avez revu Jim?


Je n'avais point l'âme à attendre la mort, je suis parti l'a chercher un soir de juin, aux alentours du 5. Il faisait un temps de chien, un véritable temps de chien. Et le capitaine sur le pont à la mine patibulaire ne se lassait pas de son emprise terrifique miséreuse qu'il possédait sur tout mon être. La proue du pont était d'une noirceur étrange, je pouvais voir mon visage au-dedans, au-travers, jusque par-dessus bord, dans l'eau agité de la mer de sable.

Nous sommes arrivés à la colonie des montres perdues, c'est là que j'ai compris l'invraisemblance de ma littérature.

"Avez-vous déjà lu du Poe?

- Pardon; ai-je demandé à la personne qui m'avait posée la question.

- Je disais, avez-vous déjà lu du Poe?"

Et ces yeux étranges qui me fixaient, le compris-je, était ceux glacial de la mort un soir de 5 juin.

Au demeurant j'ai répondu que non, je n'avais, avouais-je, d'aucune sorte parcouru les livres de ce Po-là, et la Mort m'apprenant qu'il n' s'agissait pas de ce Po-là mais plutôt de ce Poe-ci m'apprit le véritable Edgar Alan Poe, Poe le seul qui valût la peine d'être lu en ce bas monde un soir de réclame. Elle toucha alors mon front, j'avais l'envie de cette étreinte depuis un certain moment déjà, mais le toucher se changea en une douleur affreuse qui me réveilla en un endroit sombre, au devant d'une librairie toute en bois et en pierre, faite de silence et de pages qu'un vieil homme centenaire agitait du mieux qu'il pouvait.

"Bonjour monsieur, puis-je avoir l'intégralité des oeuvres de Sir Edgar Alan Poe?" lui ai-je demandé.

Il me renvoya un léger sourire alors qu'il cherchait dans sa mémoire les références de ses propres étagères puis disparu d'un seul pas à l'intérieur de sa caverne. Je lui emboîtais alors le pas, n'osant qu'à peine intervenir au milieu de son hamas de poussière, de livres, de pages, de bois, de pierres et de certains cadavres de rats et d'insecte.

J'avais dans les poches quelques pièces, à peine de quoi payer, mais le vieil homme se résolut de me faire prix des livres s'il me venait à les ramener il me reprendrait dans ce cas-là gratuitement. Je signais la décharge et l'encoche, sortit dans la rue armé de ma redingote aussi poussiéreuse que ses étagères l'étaient devenues avec le temps et je me suis empressé de lire, de lire, de lire si bien que la notion du temps se distorda pendant de longs mois. Je restai prostré, cherchant à résoudre une question que la Mort ne m'avait pas posé, cherchant la réponse véritable de cette énigme farfelue, un quelconque secret qui se trouvait là, dans ses pages.

Les mois passèrent, j'avais perdu le fil du temps, je devenais plus sûr de moi en gagnant en connaissance, mais la Mort ne se dévoilà pas quand j'en vins à percer enfin le grand mystère de la vie et de la mort. Emboîté quelque part entre le chat noir, le corbeau et la rue Morgue, il me fallut du temps pour me rendre à l'évidence qu'il n'y avait rien d'autre que des mots, agités sur un papier jauni, je m'empressais de jeter le tout au feu afin que les mots même de Poe fuient loin de moi et que j'en vienne à la folie.

J'errais seul, de longues semaines, sur les pavés à l'heure des sorcières, fantôme errant la nuit qui dépensait sa pension en buvant ou en jouant. mon âme tortureuse avait vue les yeux de la Mort, et la Mort l'avait jeté. Un soir, sans trop savoir ce qu'il me prit, j'en vint à me ressaisir. J'avais fait convenablement ma toilette, je m'étais habillé prestement une fois rasé de frais de mes plus beaux habits (les chaussures vernies des fêtes, le pantalon de velour gris sombre un peu large tel que le voulait l'usage, la chemise blanche amidonnée, le gilet noir revenu par-dessus et enfin une veste-redingote en queue de pie qui seillait plutôt bien à mon teint). J'aggrémentais le tout de mon haut de forme précieux ainsi que de ma canne en laiton dont le pomeau brillait de mille convenances, et je sortis ainsi paré dans la rue me joindre à la foule qui allait et venait, plutôt qui allait dans mon sens opposé, si bien que je les suivis afin de voir ce qu'il s'agissait. Un homme, dont le visage m'était caché était étendu suur le pavé. Partout autour on racontait qu'un fiacre l'avait renversé, ou qu'il était ivre et qu'il avait dérivé sous les roues, ou que sais-je encore comme affabulations dont le badaud basique est friand de coutume.

Je continuais ma route, ne voulant ni en voir plus ni en savoir plus. Arrivé à un carrefour le brouillard se leva, pénétrant au travers de mes habits, je venais de me saisir de ma montre, elle tournait à l'envers au creux de ma main et le jour annoncé était le 5 juin. Il faisait frais.

J'attendais au carrefour qu'un fiacre dont je n'entendais que les sabots des chevaux passent, après tout je n'avais pas envie de finir comme ce pauvre homme plus tôt!

Le fiacre, d'un noir de jais, aux panneaux laqués et aux ornements lugubres s'arrêta en face de moi. La porte s'ouvrit par enchantement, les marches descendirent suivant l'usage, sans trop savoir agir je me retrouvais déjà à l'intérieur, étant dans une salle d'attente étrange dont l'heure parassait maintenant aller à l'envers tout comme ma montre.

"Quelle magie est-ce là?" ai-je chuchoté.
Les ténèbres bougèrent, une chose m'observait du haut de son perchoir, au-dessus de moi. Je sentais l'étreinte glacée de ses tentacules me glisser le long de mon épaule, de mon cou sur le côté gauche, de mon visage sur le même côté, nul doute possible, c'était Elle.

"Tu as lu Poe? demanda-t-elle sans ambage.

- Je l'avoue, mais sans comprendre quel intérêt aviez-vous à me faire lire Poe.

- Par curiosité, ce n'était qu'un conseil de lecture.

- Est-ce là tout ce dont il s'agissait??

- Oui, c'est tout ce dont il s'agissait, rien de plus, rien de moins."

Je pris conscience des mois inutiles que m'avait coûté ces lectures, alors me vint le désir que jamais plus la Mort ne me reprendrait de jouer avec elle. Je ne me laisserai plus avoir à ce jeu-là, il n'en était plus question, j'avais d'autres choses à faire de mon temps.

Fâché mais courtois, je lui présentai mes hommages et m'engagea à sortir lorsque la mort m'interpella par mon nom de famille, je me retournais à la pénombre, afin de mieux l'écouter:

"N'aviez-vous vu, par autre hasard en cette nuit, un homme attendant que je vienne le chercher?

- Si vous parlez du macchabé ivre du fiacre je vous le confirme, il est bien raide celui-là, joli travail que votre oeuvre. Mais n'est-ce pas du travail encore pour vous? il vous faut aller le quérir et c'est à deux rues d'ici, je vous conseille d'y aller vivement.

- Pourquoi donc? ria-t-elle. Je voulais seulement vous apprendre son identité, nul besoin de courir après une âme en vadrouille quand elle se trouve alors entre mes griffes."

Le sang se glaça dans mes veines, j'éprouvais une vive douleur qui me remontait dans les poumons, tout à l'intérieur de moi, et j'avais de plus en plus froid.

"Ce n'est pas juste" ai-je prononcé. Mais déjà les mots se perdaient, le fiacre avançait à vive allure,et le cocher, paix à son âme, faisait un bruit d'enfer. Je me suis alors saisi d'un mouchoir dans le revers de ma veste, j'ai épongé les gouttes de sueur qui coulaient sur mon front et je me suis assis sur le banc situé dans mon dos. La mort glaciale, la mort, cette putain, tendit la main et me proposa à boire.

"La nuit sera longue" me prévint-elle dans un sourire massacre que Poe ne saurait regretter.

348. le vieil homme et ta mère


- "Je vous salue Marie, pleine de grâce, le Seigneur est avec vous. Vous êtes bénie entre toutes les femmes et Jésus, le fruit de vos entrailles, est béni. Sainte Marie, Mère de Dieu, priez pour nous, pauvres pécheurs, maintenant et à l'heure de notre mort. Ainsi soit-il." Puis il ajouta: "Vierge bénie, priez pour la mort de ce poisson, quoique a soit un poisson extraordinaire."

30/03/2010

349. souvent [contre] culturel


Je ne savais plus, j'avais oublié le sens de cette route et l'accident sur le bout du chemin qui l'a traversait semblant vouloir dire "hey les mecs, c'était moi, j'étais là tel jour, à tel endroit, j'ai écouté du rock un peu fort dans ma caisse, j'avais bu et fumé toute la nuit, je ne savais pas trop où je roulais mais je savais que j'y allais. Et puis j'avais tout oublié de cette fameuse nuit, de toute façon, allez savoir, j'ai peut-être shooté un cerf, un animal qui avait la rage ou encore une jeune femme."

A contre-courant j'ai nagé dans le lac, la nuit, sous des néons vert-pommes, je voulais mourir de mon état. Tout était calme, il n'y avait aucun bruit. Ou alors le bruit de mes mouvements, clapotis dans l'eau et le vent dans les arbres tout autour du lac.

A contre-moment, le temps semble se suspendre parfois, j'ai le souvenir de ce boulevard parisien au mois de juillet, sous la pluie. Les passants suspendus dans le temps. Les gouttes qui s'arrêtent avant de toucher le sol en plein milieu de leur course cyclique. La musique qui se stoppe d'un coup, et ce silence, tout ce silence, ce silence génial et accomodant.


La controverse...


A contre-marée j'ai attend un matin sur la plage sous les rires à gorges déployées des mouettes qui tourbillonnaient au-dessus de ma couronne. J'étais bien, seul, les mains dans le sable et je n'attendais rien de précis. j'avais un livre dans mon sac. Des lunettes de soleil s'il le fallait, une veste au besoin. J'avais de quoi dessiner, de quoi écrire, de quoi boire, de quoi fumer, de quoi manger. Je ne manquais de rien. Même pas de temps.

J'étais simplement heureux dans toutes ces bulles de temps silencieuses qui faisaient que la vie pouvait être vraiment merdique en dehors, mais dans ce microcosme singulier elles rendaient l'intérieur poétiquo-magique. Et c'était ça un véritable instant de vie.

29/03/2010

350. amertume, tume, tume, me, me, e


mais des nouvelles de vous

je n'en ai plus beaucoup

de loin en loin

de moins en moins

mais des nouvelles de vous

je n'en ai plus du tout!

22/03/2010

351. l'histoire d'une pierre qui aimait la mousse


X et moi faisons de la colocation de sentiments.
Je ris que quand elle pouffe de rire, j'hurle de joie quand parfois elle pleure.

Ce n'est rien. Laissons faire.
Revenons à nos sentiments. La première à droite.
Après la grand-rue.

L'avenue si tu veux.

J'hésite encore à parler du bonheur.

Je ne vais pas bien en fait, je déboulonne.

J'ai toujours une part de solitude, même dans vos fêtes.


Il se peut que dans le domaine du sentiment tout se passe au stade anal.
Nous n'avons jamais vaincu ce qu'il fallait vaincre.
Nos peurs prédominent l'ensemble.


Un beau jour, c'était au lac blanc, j'avais grimpé plus qu'il n'en fallait mon vieux corps meurtris par les années passées sur terre à attendre. J'avais les éperons de l'amour, mes quatre-vingt-quatre ans passés et mes semblables dans la poche. je n'attendais plus rien que ce que je n'attendais plus. Et le dicton avéré se joua de moi une fois de plus.

Des beaux yeux et un beau cul, la Marie-Jeanne comme une timbrée de la poste.

ô fallait-il que l'on se couche dans l'herbe afin que je retrouve ma jeunesse? Vraiment dur.

C'est l'école de la vie que j'arpentais bien plus que la montagne, le paysage tel une peinture apparaissait et disparaissait dans les moments intimes. Je lui dévoilai un sein, un sein blanc et sucré, je me mis à têter enfantant le monde. Oui, je faisais du monde un gamin qui n'avait rien vu. Je suis comme ça parfois quand ma détresse n'a plus lieu d'être.
Et puis j'ai exulté dans l'antre chaleureuse. J'ai déposé mes habits de pierre, mes mains de bois et mon sourire en statue que je possédais avant la Marie-Jeanne.

Je me suis dirigé vers l'intérieur un peu plus, un peu plus, un peu plus...Vers le feu des entrailles agonisantes de mon être. Le coeur lâcha en premier. Le corps se démit du reste de parures délicates qui font l'âge des savants et des académiciens le petit peuple d'or.


Je porte désormais ce grand-père inconnu sur mes épaules.
J'éprouve la même déchirure quand je couche entre tes bras.
Le crépuscule se termine. Un nouveau jour, bientôt.

Tout est cyclique, on dirait une machine à laver le linge.

Le temps disparait, il s'efface lentement.

Le jour décliné se mélange aux abysses, à la nuit, au petit matin.

J'arbhore fièrement ce nouvel état.


Je suis mort dans la nuit d'hier à demain.


Un nouvel état alors, avec X. C. et Y. Mes nouveaux camarades de l'impossibles, mes challengers of the unknow, mes machines. Je viendrai dans votre monde.

352. la nuit s'est achevée, et mon histoire n'est pas terminée. En quoi la nuit est-elle coupable?


La tradition arabe raconte que, chassés du paradis, Adam et Eve trouvèrent quelque part un refuge. Chaque matin, Adam partait en quête du gibier. Eve restait seule.
Un jour, Satan vint trouver Eve et lui confia son enfant, qui s'appelait Khannas, en lui demandant de le garder un moment.
Quand Adam revint de la chasse, et qu'il apercut l'enfant de Satan, il s'écria, pris de colère:
- Pourquoi as-tu accepté un enfant de Satan? Une fois de plus te voilà dupe de ses mensonges!
Il tua l'enfant, le coupa en morceaux et les emporta jusqu'au désert pour les disperser. Mais Satan, qui connaissait les sortilèges nécessaires, reconstitua son fils déchiqueté et le conduisit à nouveau, un autre jour, près d'Eve.
Khannas se lamentait de telle sorte qu'Eve ne put résister à ses larmes et accepta de le reprendre. A son retour, pris de fureur et aussi de terreur, à l'idée des flammes de l'enfer qui les guettaient à cause de l'enfant de Satan, Adam alluma un feu énorme et y jeta Khannas malgré ses cris.
Puis il dispersa les cendres à tous les vents. Mais Satan le Noir apparut, riche d'autres phrases magiques. Obéissant à ses appels, les cendres vinrent de toutes les parties de l'air et se rassemblèrent. L'enfant fut ainsi reconstitué et Satan, qui usait d'une voix plaintive, persuada Eve de le garder et de ne pas le tuer une troisième fois.
- Je n'ai pas le temps de m'occuper de lui maintenant, dit-il, mais je reviendrai le chercher bientôt.
Il s'en alla.
Adam revint. A la vue de Khannas, il trembla de colère, il accusa sa compagne d'avoir fait alliance avec le démon, ensuite il tua l'enfant pour la troisième fois. Avec sa chair, il prépara un repas. Il partagea ce repas avec Eve. Après quoi, il retourna à ses occupations.
Satan réapparut. Eve était seule. Satan se mit à appeler à grands cris son enfant, et celui-ci lui répondit. Satan reconnut la voix de son fils, qui sortait du corps de la femme.
- C'est bien, dit-il, j'ai atteint mon but. Reste où tu es.

16/03/2010

353. L'amour vous donnait des ailes pour vous scier les jambes, ça ne valait donc pas trop le coup


Mal a vie?
C’est dur de se relever après ce coup dur sous la ceinture. En quelques mots tout est fini, on se retrouve seul et alors on désespère en se rendant compte à quel point ces derniers jours on a aimé à sens unique. Les plus forts quittent en premier et les plus faibles, c’est bien connu, se brisent. Y’a aussi une autre espèce, celle qui ne choisi pas son destin et ne vit que de destruction en destruction parce qu’il s’est bien trop habitué à ça. Alors il fait tout pour vivre sa propre auto-destruction sans perdre de vue Milan Kundera quand au détour d’une nuit il tombe sur une femme nue dans de sales draps. Alors sous la couette ils se parlent, lui est entrain de citer l’écrivain: « vous pensez que les destructions peuvent être belles? » mais celle qui a trop l’habitude d’être nue pour du faux (comprenez par là qu’une personne aussi bien soit-elle ne se met jamais à nue l’âme et c’est bien dommage) tourne alors la tête dans un soupir qui veut dire laisse-moi dormir.
Certains hommes se noient dans l’alcool, il n’existe aucun dictionnaire de l’amour, de la femme et de la récupération de l’être disparu. On jette un bateau dans une bouteille, en tournant bien la bouteille on navigue, on retourne on se noie, on remonte la bouteille ou on l’a descend on fait naufrage.

354. cigarette russe numéro 3


Ah oui, tu le savais bien que tout ceci était faux.

J'aime toujours à reculons, mais j'ai tout fait pour que tu ne m'aimes plus. Je vis dans la détresse de ma solitude artificielle. Je t'ai jeté loin de mon corps, voilà que je te pleure. Avais-je le droit de te dire que je t'ai connu dans un café à l'heure où les gens digèrent?

Je suis tombé amoureux de vous dès l'instant où vous m'avez quitté.

Je ne sais plus très bien où j'en suis alors, laisse-moi raconter le début et la fin de notre histoire inachevée. C'était les mèches de tes cheveux frisés par-dessus la table, tes seins qui voulaient jallir de ta chemise, le regard d'infante que tu balançais en même temps entre la note et la bise. Le début d'une fin.

J'ai volé ton corps un soir quelque part. J'ai attendu que les enfants s'en aillent. Je me suis servi de toi. Trois petites notes de musique. Voilà déjà le printemps, ça sent le réchauffé tout ça. Finalement ne reste de toi qu'un souvenir et des larmes. J'ai fait la même chose. Je revois ton corps nu, j'imagine ton sourire la nuit en larmes, je sens tes odeurs sur l'oreiller, j'ai encore des miettes de tes cigarettes russes coincées dans les cheveux...


Mais le soleil se lève. Il se peut que demain je survive d'être le connard de votre coeur.
Je sais que toutes les femmes valent dix comme moi (même si je ne suis pas sûr de trouver dix fous comme moi) c'est pourquoi j'ai repris ton dessin. Je suis reparti dans le bon sens ce coup-ci. j'ai refait l'orientation de ton corps, j'ai changé le décor. Te voici victorieuse sortant des ombres de l'enfer (où est-ce mes ombres personnelles?) le regard portant au combat. Que vous êtes si belle entre les doigts des autres...
Bientôt ce tableau sera achevé complètement puisque votre corps saignera.

355. cigarette russe numéro 2


J'ai délaissé la peinture pour toi, sais-tu comment je me suis déconstruit au fond de ton ventre? J'avais créé un dessin qui se voulait preuve d'originalité, tous les jours je le déconstruisais au fur à mesure de mes envies de mass-destructions.




C'était une femme à la couleur étrange, cadavérique, une petite mort d'amoureuse retransie qui se foutait de tout. Je me suis amusé à virer la couleur de là d'un coup d'éponge. Il n'y avait plus que le sang des encres. C'est beau un dessin qui pleure parcequ'il ne veut pas mourir. Ton visage c'était le sien, celui des jours de fête, celui que je n'aimais pas car il cachait le réel. Vois-tu comment je suis redevenu fier de moi? J'ai eu ce que je voulais, je me suis joué de toi, en parfait connard je détruis maintenant la relation, ce lien invincible qui peut parfois exister entre l'élève et le maître, entre le dominant et le dominé, ou plus simplement entre le modèle et le peintre. Je ne garde même pas de toi ton portrait. Tu refuses, tu pleures, la coupe est pleine.
Pourtant tu veux que le corps exulte à ta manière, tu me rejettes bien loin de ton ventre. Je vois tes mains se pencher lentement sur les miennes, elles cherchent à me saisir, moi si jeune, redevenu vulnérable et capricieux. J'ai détruis une relation ce soir. J'ai détruis un piano également.

356. cigarette russe numéro 1


Ah mais laisse-moi seul à demi-allongé sur la table en tenant ma bouteille à la main afin qu'elle ne roule pas sur le sol au-devant de mes amis qui ont fichus le camp car je n'étais pas assez bon. J'ai les yeux fermés, un trait seulement d'ouvert, tes jambes qui s'amusent en face de moi et moi qui rigole sans trop savoir pourquoi. Je vois ces jambes de gamine, je pense à la phrase de quelqu'un qui dit que depuis que je ne connais plus X. je l'aime encore plus (il faudra comprendre par la que X. n'est pas une initiale mais une variable, une notion, une mathématique obscure au choix du lecteur).

T'as mis un bon coup de Solo ou de Featherstone dans mes écouteurs en dansant devant ma bouteille, les russes disaient bien que c'était bon pour le moral. Mais j'avais les yeux rivés sur vos pieds qui se détournaient, s'en allaient, revenaient. Vos chevilles soutenues, vos mollets, vos cuisses, regardez comme vous me mettez mal à l'aise...je me suis mis à vous vouvoyez lentement.


Il était 24 ans du soir, j'avais mes mains sur vos cuisses. Vos fesses étaient sur moi votre corps délicieux à la peau sucrée, je ne prends le bonheur que dans ma main, quand l'oiseau blanc lentement achève sa descente et qu'il le lâche d'un coup hors de son bec.

357. ce qui me faisait rire n'a plus lieu d'être


Le matin. Premiers rayons du soleil.
Une femme dans mon lit. Oubli.

Elle s'appelle Emilie. Je crois. Je ne sais plus.

Les rayons percent tout. Chaleur.

J'oblique contre la fenêtre, nu.


Je me souviens d'un temps qu'on remplissait de nos souvenirs merveilleux. A cet époque-là je n'étais pas encore devenu un vampire. La première fois que je l'ai vu il a changé ma vie, il a fait de moi ce que je suis aujourd'hui, il m'a changé pour me faire devenir lui sans oser me toucher.
Quelle force alors.


Je lis Nadja le long d'un ruisseau, la neige qui fond, le soleil qui domine l'ensemble du pays. J'entends le bruit de l'eau, je n'ai ni froid ni chaud. Tout est parfait et pourtant...
Emilie qui me surprend, elle m'embrasse, l'autre qui meurt tout doucement dans un coin que je tente d'écraser. Pourtant je sais bien que...


Nadja.


J'écoute un peu de Fersen, le chat qui gambade dans l'appartement au petit matin. Les heures qui semblent absorber le temps même. Les heures qu'on donne à la mélancolie de l'être, celle qu'il ne faut pas. Domination du moment. J'attends sans aucune patience, c'est le premier jour aujourd'hui de ma nouvelle peau, de mon nouveau visage. Je comprends finalement que la fonte a bien pris. Que le temps coule, que le temps passe, qu'en-bas tout s'agite. Dans ce grand déversoir me voici face aux démons internes, je les comprend désormais. Bientôt alors elle se réveillera en pensant à la veille quand j'étais au bord de la fonte des neiges car plus rien ne sera comme avant. J'ai changé.


Nadja-Emilie.


Il me fallait un nom de guerre, j'ai choisi le mien. J'ai capturé le visage de mon ancêtre, je l'ai placé sur le mien. J'ai paradé dans la ville et tout le monde a cru que c'était la fin. C'était vrai: les morts revenaient à la vie.


Et S. rigole sûrement dans son coin.

12/03/2010

358. de l'air, du changement, de la splendeur!


Petite fille de mes nuits, douce colombe, sourire d'acier sur tes doigts gelés, je te vois pourrir à l'ombre alors je te sors de là. Tu entends les cors célestes, tu les applaudis de ton sourire réjoui et ça me fait rire. Ma voix qui éclate est celle de la foudre, dis-tu.

Tu prends dans tes mains les miennes, petite fleur, j'aime te cueillir le matin sur la rosée gelée d'un trottoir. J'aime te secourir, j'attends avec Lucifer toute la nuit alors quand vient le jour l'Autre me doit bien ça! Et l'on regarde passer les trains quand on a deux temps de libre. On cours le long des quais en tournoyant telles des lucioles affolées qui jamais ne rentre au-dedans pour partir au-delà. C'est notre destin de petite gens.
Voilà que l'printemps revient, bientôt je t'amènerai des fleurs, je les placerai dans tes cheveux, je te ferai grimper sur un piédestal argentée afin de te prier dans la lumière d'un soleil qui nous réchauffera et l'café et l'âme. Sens-tu la joie du moment nous envahir dans nos cervelles creuses? On est devenu bête à en mourir à tordre le cou aux rumeurs folles. Jusque là il me fallait serrer les dents, entendre l'Autre dire du mal de moi sans broncher, ne jamais s'énerver, attendre l'Autre pour ne jamais voir que...

Mais tout est fini car l'Autre est moi. Tu n'es pas mon futur, mais mon présent oui. Et ça me va très bien pour le moment. J'ai besoin de ta folle vérité, de ta folle expérience, de ta folle joie, de ta folie entièrement symbolique pour me sortir de là. C'est comme attendre le roi au passage d'un train.
(à trop mourir j'en suis devenu à croiser la route de Johnny, car oui en effet, j'ai oublié de vivre. Mais la vie bien souvent n'accepte pas ça, elle vous creuse le plus possible pour vous dépasser. Vous ne pouvez lui échapper. C'est ainsi, il ne vous reste qu'à l'accepter. Le poids de vos efforts est le poids de votre âme. L'oeil humain qui en a trop vu est celui le plus à même de raconter.)
Finalement il n'y a rien de plus faux que ça: la folie est ce qui s'approche le plus de la sagesse.

11/03/2010

359. Siddharta


Ils ont volés une semaine de ma vie ceux qui s'en veulent de ma protection.

Sous prétexte qu'une fois je les ai sauvés, j'ai aimé; l'autre moi qui était un homme bon.

Me voici chancelant, démis de ma destruction.

Ils ont enlevé cette maladie que je couvais dans mon sang comme une femme attend un enfant, j'ai veillé longuement dans l'attente que ce soit faux, j'ai espéré que l'enfant se reforme.

Maintenant que je ne peux mourir de cette naissance, je vis dans l'attente. Se pourra-t-il qu'un jour..? Mais j'étais dans leur centre, les fous dansaient en cercle, des hommes décrivaient des souffrances abominables, des femmes s'imolaient le soir sous les étoiles, on empêchait les personnes de penser autrement. J'étais scandalisé par ce qu'ils appelaient une rédemption. Moi aussi j'ai parfois envie de m'imoler sous les étoiles.


Tout ça parce que j'étais soi-disant fou et qu'ils m'ont soi-disant guéri.

04/03/2010

360. dead off; les portes se dessinent jusque dans les enfers


mais pourquoi tes histoires du moment tournent-elles autour de la mort?

- Sans doute qu'à l'heure de toutes les fins, je reviens égocentriquement parlant à en vouloir encore plus la mienne. C'est un dénouement que parfois j'ai hâte de connaître.


Après les grandes salles italiennes, au-delà des racines noueuses de l'arbre de la vie, après les portes à demi-closes de la mort au loquet doré, traverser le fleuve torturé des âmes pour venir à lui. Voici donc la grande faucheuse, sa gueule d'éternité, clope au bec entre toutes les rides qu'elle entretient lassivement (je pense que les soirs d'ennui elle doit les compter).

Cet enfoiré m'offre une cannette, pas la mort, l'autre:


"Je le savais.

- Oui, moi aussi.

- On en vient tous ici de toute façon.

- Je sais.

-Alors dit-moi frangin, raconte-moi ton sourire."


J'ai laissé des énigmes derrière moi, je m'en vais ravi, la mort a su me prendre, mais pas les autres. Les vivants n'ont jamais compris. Ils ne comprendront jamais. Pas un seul homme n'a su me comprendre. Pas un seul n'aura eu l'audace d'approfondir le sujet. Je suis parti en laissant derrière moi une énigme puissante et efficace. Personne ne me résolvera. Je suis mort en héros ou en connard, peu importe du point de vue. Je suis ici à présent au carrefour des âmes.


"Ma pauvre mère est en lessive. Mon diable de père boit pour oublier sa solitude, comme je le comprends! Mon frère se replie sur lui-même. Je l'imagine en position foetale. Quelques rares amis auront compris, ce seront eux les plus touchés sans qu'ils puissent réparer ce trou au fond de leur coeur. Ils auront compris alors qu'ils étaient à deux doigts d'avoir touchés la solution. Ils maudiront les quelques femmes que je porte ici et là. Bien des énigmes nouvelles se creuseront je pense, le temps rouvrira les plaies de l'incompréhension ou de ma disparition. Mais les plus touchés m'éviteront, ils m'oublieront. Le petit comité s'amenuisera au fil des ans jusqu'à ce que je devienne une ombre au tableau qu'il faut balayer à tout prix. C'est ainsi. Voilà la vie."


Et ce que je pouvais écrire pouvait bien être de toutes les couleurs, de tous les goûts, je m'en foutais bien. Je n'écrivais plus ce que j'avais sur le coeur depuis longtemps. J'écrivais en guise de testament les rares mots bout à bout qui pouvaient encore me faire sourire. Tout était dans le cynisme et la connaissance. Si tu ne traverses pas la rivière des âmes en ma compagnie tu ne comprendras jamais. Voilà le plus court résumé qu'on puisse faire d'une mort.

361. mjn SHA Loïc xxx Lantoine: déformez-tout!


Mais qu'on me redise encore que l'amour n'a qu'un temps

Tant que courera le temps je t'aimerai autant!

362. l'évocation des sentiments


Que celle-ci n'arrête jamais de vivre car elle m'apporte plus encore que ce que je m'étais laissé imaginer. Nous vivons de nos rencontres, nous nous transformons de nos touchers. J'ai bien vécu des milliers de vies mais c'était il y a longtemps dans un autre monde.
Alors l'autre, celle que je ne savais plus chantait dans les bassins, je voulais la contrarier par jalousie. Je voulais la prendre sauvagement, la soustraire au monde pendant une journée entière.


"Que cherches-tu?

- La paix..."


Que celle-ci n'arrête alors jamais de vivre puisqu'il faut un prix à payer sur terre et qu'elle se retrouve dans la cour des miracles. Ne laissez pas les personnalités vous enlever à vos désirs, à vos pensées, à vos envies, à vos sentiments, à vos pères. Jamais.

03/03/2010

363. à la jetée des instants


Ne me dis rien j'ai pas envie.
Laisse-moi errer dans ces petites rues à attendre la fonte des glaciers. Je me sens perdue. Je me suis laissée emporter par les flots qui n'existent pas. Prendre un café chez Denis, attendre en voyant la fumée s'envoler du chaud. Se laisser happer par la tasse. Ne plus sourire.
J'imaginais déjà les grandes envolées lyriques, je pensais que tu allais me rattraper entre tes doigts trop fort.

Par la suite je suis partie zoner, j'attendais l'envol. Une chanson me faisait du mal, j'avais envie de pleurer mais je me suis retenue. C'était beau cette vulgarité insoupçonnée, on entendait des violons assassins au travers de la voix, c'était magistral et j'étais là plantée comme une conne. Je voulais que le monde s'arrête de tourner juste un instant.
Le silence des rues est aussi le silence de mon âme.

Je n'avais pas de raison à tout cela, aucune à te donner. Je voulais que le temps s'en aille, que les nuages meurent, que le ciel tombe, que tu t'évanouisses loin de moi. J'ai réussi tant bien que mal, te voilà entrain de te détruire dans les bars à la tombée de la nuit.

Je t'ai écrit quelques lignes à l'envolée sur la vitre d'un bus. Il passait devant chez toi, mais sauras-tu deviner les signes avant-coureur? Je t'ai écrit aussi quelques lignes dans un cahier jauni par la boue. Dans mes chaussures. Dans mes culottes. Dans mon coeur.
J'ai attendu l'inattendu de toi, que voulais-je donc faire, je n'allais pas rester là, toutes les villes se meurent. Il ne me faut pas fuir, mais rester pour prouver aux autres que je suis encore en vie. Je vais prouver au monde que la haine qui m'habite remplacera la mélancolie du moment. Je vais leur prouver, à tous, que je suis digne de devenir une âme forte.

02/03/2010

364. "j'ai des souvenirs d'Enfers et des peurs de fin du monde. Aujourd'hui je vais renaître."


Je bois doucement le café qui fume encore. Je n'ai pas peur. Je reviens des Enfers. Qu'y a-t-il à craindre de plus que cela? La seule chose qui puisse venir à bout de moi, ce sont mes propres cauchemars. La nuit, tout se peuple à nouveau cris de goules et de bruissements d'agonie. Je sens l'odeur nauséeuse du soufre. La forêt des âmes m'encercle. La nuit, je redeviens un enfant et je supplie le monde de ne pas m'avaler. La nuit, je tremble de tout mon corps et j'en appelle à mon père. Je crie, je renifle, je pleure. Les autres appellent ça cauchemar, mais je sais, moi, qu'il n'en est rien. Je n'aurai rien à craindre de rêves ou de visions. Je sais que tout cela est vrai. Je viens de là. Il n'y a pas de peur autre que celle-là en moi.
Tant que je ne dors pas, je ne redoute rien.


Laurent Gaudé, la Porte des Enfers.