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13/03/2012

61. portrait de nos jeunesses débauchées




Elle adore le noir.



Vieille boîte où nos parents draguaient, fût un temps où même nos grands-parents lièrent connaissance à cet endroit précis. Je me souviens de ma jeunesse avec désespoir, des sanglots dans la voix, ce "ce n'est plus ce que c'était avant" qui rejaillit comme un cheveu en plein milieu de la soupe et qui monte jusqu'à ma voix, il redescend en passant dans mon système sanguin tout proche de mon coeur sans l'atteindre réellement. Juste de quoi freiner ma respiration et encore, j'ai l'habitude avec les Benson de ne plus respirer. Alors ce truc passe jusqu'à mes doigts, il jaillit sous mes ongles et me tâche d'encre noir-de-jais.



Osmose avec une inconnue.



"Salut, tu viens pour quoi?



- Je mate la télé!



- Pas pour draguer?



- Non, je mate la télé.



- Tu skies?



- Non, je mate seulement la télé.



- Mais t'as une passion particulière pour le ski?



- Aucune, ça me répugne. J'y ai laissé mes jambes quelque part. Là-haut".



Et j'aperçois soudainement des skieurs planqués dans la montagne sur cet écran sybillin, je n'avais pas vu que dans le paysage se cache le pervers de la descente. Il me semble que mon écriture jaillit d'elle-même dans ma tête, longuement mâchée, je ne veux pas écrire ainsi ce pseudo documentaire. Alors pour un instant, entre des culs de toute part qui se trémoussent au son d'un tube remixé, il y a un type qui regarde un écran une bière à la main et c'est tout. J'ai seulement oublié qu'autour se déroulait les envies qui démangent dans le pantalon. Ce soir j'ai des envies de lâcheté justement.



Elle adore le noir, pour sortir le soir.



Alors je serre une main, la main qui m'accompagne, je lui souris. A la prochaine l'ami, drague bien. Je le pousse sur la piste, dernier petit tour et je m'envole. A peine sorti, une clope au bec, je réalise que ces conneries ne sont plus de mon âge. Je vieillis prématurément. Tout m'exècre. Ca coule sous ma peau, ça me démange, les histoires de untel, les coucheries de l'autre, et plus rien ne compte que de partir, quitter tout ce qui importe ici.



"Aujourd'hui, enfin dans la journée, j'ai entendu mon horoscope à la radio. Ca disait que je trouverai celle qui me satisfera. Laissez-les choses couler et venir d'elles-mêmes, disaient-elles, alors je n'ai pas cherché à comprendre. Je n'ai pas dragué.



- Et? tu as trouvé ce que tu cherchais?



- Non, mais j'ai fait le constat pénible que, alors, la personne la plus à même de me satisfaire était moi-même. Il est minuit cinq et je ne crois plus les horoscopes, j'ai fini ma journée, je retourne me coucher satisfait de mon alcool. J'ai une humeur de chien. Voilà ce que je suis ce soir, la voix imbibée de l'hydromel parfait."



Alors je rentre, insatisfait de mon écriture Beigbedienne, je pleure cinq minutes dans le hall d'entrée avec cette putain de chanson dans la tête, j'ai une envie de me frapper la gueule contre le mur, de finir la gueule en sang. Dans ma déprime involontaire je réalise que j'en viens à aimer une seule chose: mon écriture dramatique de grand bourré.

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