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15/11/2010

178. et moi je veux crier encore une fois avec toi


à mesure que le tonnerre s'estompait la flamme se ravivait, leurs regards se croisaient, les uns avec les autres, des fantômes en déroute qui ne savaient plus quoi faire de leurs carcasses moisies. Le café et les beignets puants sur une table dans le coin du presbytère loué attendaient preneur en s'alourdissant de quelques poussières, on chuchotait à présent dans une demi-obscurité, ainsi, le silence devenait pesant à chaque instant, certains consultaient jusqu'au reflet de leurs chaussures en quête de courage pour prendre la parole.
Un grand brun, un peu gros, les yeux noirs, se lança en premier dans la confidence:

- J'étais avec une femme sublime pendant des années, nous étions heureux, la famille, la vie de couple, et notre enfant dormait paisiblement entre nous deux des soirs comme celui-ci. J'avais un cabot du nom de Rosie, une belle chienne des pyrénées. Elle m'adorait et me suivait partout, même au bistrot. Au lit j'étais un dieu, je me voyais ainsi. Un jour tout ça s'est arrêté, un tournant décisif, j'ai perdu mon emploi, je fais des cauchemars, je ne dors plus, je n'arrive plus rien à faire. Je n'ai pas vu mon enfant depuis... depuis que je sais que je ne suis probablement pas son père, ça me terrifie toute cette histoire.

- et comment avez-vous refait surface?

- On ne refait jamais surface, on meurt éternellement, les soirs de libre on ressasse, tout devient terne, tristement comique. J'ai trouvé un boulot de plongeur dans un grand hôtel panoramique, dans chaque assiette que je lave il y a un peu de mes larmes, dans chaque couvert un bout des autres auxquels je pense. Je rentre à la nuit tombée, je ne vois que rarement le soleil. Dans chaque visage de femme il y a le sien. Je n'ai plus de sexualité et j'attends quelque chose d'exceptionnel qui ne viendra sans doute jamais.

Alors il semblait que dehors les arbres gelaient, qu'ils pliaient sous le vent, que le vent entamait une complainte hivernale bien funeste, et que sur les visages des désespérés présents se jouaient des scénarios compassifs qui voulaient dire qu'une histoire est toujours pire que l'autre.

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