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29/12/2010

154. trois petits points argentés


Avais-tu regardé l'absente file des voitures qu'on abandonne le long des quais de gare? Moi oui, à partir du café où, avant de partir, tu me dévisageais. J'étais abandonné dans la contemplation extérieure, au-delà de la vitre tu n'existais plus, je pouvais vaquer librement à t'imaginer, à imaginer un monde sans toi. Non pas que l'amour était mort entre nous, ton regard perplexe me laissait encore plus songeur qu'avant, mais dans ce trop plein d'amour fou j'avais envie de fuguer un peu en imaginant les milles scénarios possibles. Mon écriture tournait en rond, si tu le dis, mais il y avait la neige dehors sans toi, les voitures contre la gare sans toi, des passants qui marchaient d'une manière immobile sans toi parmi la foule, la grande horloge sur le quai qui tourne à reculons sans toi et aucun amoureux sur les quais pour t'attendre, j'étais parti. J'essayais de conjuguer au futur, me dire: "dans cinq minutes tu vas partir. Je porterai la valise jusqu'au plus proche, je te déposerai au pied du train. Nous nous embrasserons. Nous nous dirons au revoir je t'aime bisous mon amour. Je t'enlacerai une dernière fois sans une larme, tu réfrèneras les tiennes. Tu monteras dans ce train sans te retourner, tu iras t'asseoir, ta valise posée sur tes genoux où placée là où il ne faut pas. Ton menton tremblera, ton visage paraîtra austère, je ferai un signe de la main et même je pourrais courir le long de la voie à côté du train qui s'en va après le coup de sifflet du contrôleur, la fermeture des portes, le silence du départ dans la fureur de la machine se mettant en branle. Tu ne pourras résister de me sourire, j'abandonnerai finalement ma course, le train étant plus fort que l'homme ou que Superman, c'est bien connu. Ton image s'effacera, je poserai le premier pas d'homme esseulé en-dehors des quais, longeant la procession cadavérique des voitures échouées en dépose-minute. Je t'enverrai un message dans le train qui dira je t'aime tu me manques bonjour aurevoir mon éternelle. Enfin, je retournerai à ma voiture échouée lamentablement sur la place, je lancerai quelques gouttes salées en-dehors de mes paupières dans le carcan glacée du véhicule. Je hurlerai peut-être de fureur "Hélène est partie" bien que ce ne soit pas un adieu, bien que tu reviendras après les vacances. Je pleurerai pour cette séparation, affaire de quelques jours tout au plus."

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