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18/01/2011

145. over there


L'homme dans la montgolfière m'a dit un jour que vu du dessus, la terre lui semblait vierge. Et maintenant, ajoutait-il, je ne vois que des trous noirs se formant, toute la terre disparait, un quart des océans se replient. James pendant ce temps-là relisait Moby Dick, tout le monde le surnommait Bartleby sans trop que je sache pourquoi. Faudrait que je lise ce putain de bouquin, pensais-je. C'était sans doute à cause de sa longue stature fine, élancée en avant, ses lourdes lunettes qui lui donnait l'air d'un banquier affable. Peut-être cela avait-il un rapport avec les lourdes malles de livres qui le suivait quand il voyageait, des mêmes livres qui remplissaient sa sacoche passe-partout, de sa tête penchée sur le côté, prête à manger à la source, prête à s'y baigner. Il y avait aussi Baloo, une femme à la lourde stature, elle avait fini garde du corps et, de jour comme de nuit, portait ses lunettes de soleil comme si elles étaient vissées. Nous étions tous les quatre dans la grande salle de réception, c'était au lendemain de la guerre, Hitler venait de se suicider dans un bunker et les Alliés foulaient le monde. Les villes étaient à feu et à sang. Lentement mais sûrement, on avait remonté le temps. Les façades se remodelaient alors à volonté, elles n'avaient pas connu les bombes, Hitler se réveillait de son premier jour en tant que chancelier, l'espace d'un souffle on refit la seconde guerre mondiale jusqu'à la création du grand dôme supérieur de la bibliothèque. Un enfant nous vit, tremblants dans un grand champ, les siècles s'écoulèrent, les chevaux devinrent fou, le chevalier crut à une quelconque magie et la femme des cavernes s'éternisa un soir de pluie jusqu'àn tenter de nous toucher. Un vieux dinosaure fatigué rendit l'âme, un autre tenta de nous happer. Soudain, la machine s'arrêta, tout se calma. Nous étions sur une grande plage, la mer semblait calme. Au loin une équipe de spécialistes étudiaient de près le cycle de la vie, alors que nous n'étions tous que des bactéries insignifiantes. L'un des étudiants, un jeune homme au visage rempli de tâches de rousseur leva à peine les yeux, peu surpris. Il désigna d'un autre endroit de la plage une trappe, gueulant pour se faire entendre alors que tout était parfaitement calme, même nous, étrangement nous avions tous "sautés" de plusieurs milliers d'années, peut-être des millions, sans sourciller. Tous les quatre, nous nous dirigeâmes vers la trappe. Une trappe somme toute fort banale, mais tout au fond se trouvait la pièce. Banale aussi, la pièce faisait quelques mètres cubes, James joua l'intrépide, il avait la main sur une poignée de porte en bois nous faisant face. Ils nous annonça alors "et voici messieurs, notre voyage s'achève à présent!" et tous ensembles nous sommes rentrés dans la lumière. Quand on se réveilla, il était huit heures trente du matin et une dizaine de secondes environ. J'examinai l'horloge quantique qui nous faisait face: nous étions en avril 2011, la planète mourrait doucement. A mes côtés, l'homme de la montgolfière s'était endormi pour toujours, son corps n'avait pas tenu. Il avait un sourire aux lèvres, je n'ai pu éviter de me demander comment diable trouvait-il la terre à présent, vu de là-haut?

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