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31/01/2011

141. n'expliquons plus rien et commençons à vivre


Le navire cinglé par le vent, dans la tourmente. La nuit noire, pleine de fausses promesses, partout de l'eau croupie s'épachant contre la coque. Cette eau semble battre le visage des affreux fantômes, ceux qui dérivent sur le pont, s'agitant dans tous les sens avec le but d'avancer pour survivre. De temps en temps leurs yeux morts de fatigue se lèvent à hauteur du fou accroché au mât qui hurle, balloté dans tous les sens avec, pour passer le temps, un carnet à dessins et un stylo. Il est seul là-haut avec les éléments, la nuit devient le jour, le jour devient la nuit. La lune est en haut, en bas, sur les côtés, en travers de ses visions psychotiques. Sa main n'a de cesse de s'agiter sur le carnet, lui aussi semble dériver sur les flots bouillants destinés à tous les engloutir. De tous bords en-dessous les marins s'agitent, hissez la grande voile, échappons-nous, allumez les torches de côté, qu'on puisse voir en avançant. Les vagues transformées en mur de quelques mètres sont parés à dévorer le navire. L'autre tremble, en bas les images sombres des matelos devenus combattants n'ont plus une seconde à donner à la prière, cette année 1901 s'achèvera dans les flots, quelle idée d'être partis en mer si tôt pour du poisson, quelques dessins et des idées fantasmagoriques... Mais déjà le calme revient, voilà l'oeil du cyclone, le silence entouré des ténèbres. L'Autre redescend de son mât, et le capitaine demande pourquoi. C'est bien simple, explique-t-il, je voulais tout faire comme Turner, mais je mourrai comme vous. Le vieux capitaine acquiesce en lissant du bout des doigts sa barbe blanche. Son regard se trouble, les voici amorçant un mur de descente, un jeunot hurle de la proue du navire "déferlante à bâbord!" un autre encore "mon capitaine, nous sortons de l'oeil" et un troisième de tomber à genoux "voici venir la fin". Lentement le bâteau dévale dans l'obscurité grandissante, sous des tonnes de flots salés, dans la nuit noire obstruée de nuages, le ciel zébré d'éclairs qui s'annoncent encore plus rude. Le capitaine, avant de s'en retourner dans sa cabine, demande alors au peintre précédement hissé de lui montrer les croquis. Un instant il contemple son futur bourreau, commentant d'un "oui, très ressemblant" puis retourne dans sa cabine. Alors le peintre conclu à son tour: et voici venir la fin. Le navire peu à peu devient minuscule dans un océan de torture. Plus petit encore. Plus petit encore. Jusqu'à disparaître. Terrassé.

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