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25/02/2011

128. le sentiment d'un secret perdu dans le vent depuis trop longtemps: chimères déçues de la nuit




Chère amie, savez-vous que j'ai planté un peu de moi dans Rennes? C'était au lendemain du 14 juillet de cette même année, place Sainte-Anne, parmi les étalages des petits papiers. Je me sentais ni mal ni bien, quoiqu'un peu mélancolique à l'idée de quitter le monde une heure durant. J'étais dans une chambre de bonnes sous les toits, de la fenêtre ouverte j'entendais régner les habitants, leurs longues litanies, le roucoulement de petits êtres gris-blanc cassants l'encadrement de ce tableau parfait que sont les tôles vues du dessus. J'entendais le clic-clac, la longue remontrance des heures, le temps passe plus lentement en Bretagne par moments. Y'avait aussi des livres partout, quelques photos punaisées aux murs en noir et blanc, le bourdonnement incessant des mouches, le couac et le quick des voisins. Je fumais des clopes dont je jetais la cendre dans de minuscules tasses, c'était une expérience intéressante de me demander si vous arpentiez autrefois ces rues, si un jour vous y reviendrez.




Chère amie, j'étais ensuite entre les remparts battus aux vents, je me suis posé de lourdes questions, de sévères questions, des assassines. Point une à votre sujet, j'étais le sujet principalement narcissique de ma thèse, vous étiez sortie du lot; heureusement. Je me suis demandé si vous y étiez, rue de la soif/rue de la gaïeté, arpentant le Gras-Mollet, la plage du sillon ou faisant danser les chats. Avez-vous connue cette librairie ancienne aux livres entassés tellement qu'on ne voit plus le propriétaire? non loin, dans des chapelles interdites, il y avait des dessins de la mer, des marines obscures et modernes, de celles qui changent l'état du coeur quand on les voit et fait chavirer les yeux des femmes dans un chant communicatif qui pousse un homme à se jeter à terre, à se foutre en l'air du huitième, voilà pourquoi Saint-Malo n'est pas pourvue de huitième étage.




Chère amie, j'étais dans les champs près de C. à me perdre pour la bonne cause, à me battre entre les choux, à y risquer une vie illusoire. Personne ne s'en serait rendu compte, moi encore je me demande si tous ces événements se sont bien passés, si pour une nuit j'étais le bon chevalier et non le mauvais, mais qui le saura? Je me défends toujours d'être bon, le suis-je encore? l'ai-je un jour été? Il y avait aussi la mer plus loin, des filles qu'on embrasse le noir dans l'humidité des regards à l'ombre de la mer. Vous chantiez, vous vous moquiez, j'étais triste parfois d'être ainsi devenu le Pitre, mais n'était-ce pas le chemin catastrophique en douce pente que j'avais pris? à quoi m'attendre alors si ce n'est me perdre plus bas encore que le niveau de la terre. Sous une pierre j'ai écrit votre prénom, je l'ai replacée là en attendant que vous la retrouviez. C'est un accord tacite avec le sable, notre petit secret. Je me sens mal encore, la tête qui tourne, l'hydromel est tombé à terre, les flots d'alcool se mélange au plancher craquant avec le liquide rouge sortant de mon corps.

Chère amie, aujourd'hui je suis encore en vie, je ne sais pas comment j'ai fait pour tenir jusque-là. Je rêve de cette prochaine année où je vous parlerai de mes quatre-vingt dix-neuf ans dans le mystère des alcôves, au détour d'une quatre voie qui, je crois, fini encore en cul-de-sac. Je repasserai par là sans doute en songe, si mes jambes me le permette, que mon corps se déplace encore à la vitesse d'un goéland, que ce goût iodé puisse teinter mes lèvres. Je rêverai de vos citadelles dites "imprenables" en attendant que ce jour vienne, où, finissant, j'irai simplement dormir en Bretagne.

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