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08/10/2011

78. lapins roses électriques




Léo râla une fois de plus en tirant sur son vieux clope usé jusqu’à la moelle. Il pleuvait sur la ville imaginaire, la brume avait effacé les montagnes, le brouillard faisait partir la mer qui trouvait refuge dans son ultime rouleau. Ne restait plus que quelques rues, un lampadaire à l’ancienne, un homme usé d’une trentaine d’années dont le pardessus n’avait plus rien d’imperméable. Ses longs cheveux bruns entortillés s’égouttaient sur cette même roulée, dans l’autre main Léo tenait encore son verre, un godet d’un mélange indéfinissable. Était-ce au moins de l’alcool? Ce soir, Léo avait la mélancolie facile dans un monde sur le déclin, il se voulait nostalgique sans se l’avouer pour autant comme tel.
On nous avait fait grandir dans un monde déjà tourné vers le passé, au lendemain de la seconde guerre mondiale il avait fallu reconstruire à grands coups de Beatles, de bon vieux rock, de tout un tas d’auteurs refaisant surface d’un lointain ailleurs. Les jeunes filaient à toute allure dans des bolides semblables à des étoiles filantes, ils hurlaient tous « nous deviendront rock star! » en allant se tuer dans le premier virage, le nez dans une coke démentielle, la bouche noyée de mauvaise bière.
Soudainement il n’y avait plus d’avenir, la clope éternelle de Lucky Luke était devenue un poison, l’alcool bouffait l’estomac de l’intérieur, la bouffe n’était plus une bonne chose, les drogues tuaient. Ajouté à cela, le fond de l’air était cancérigène, les usines tuaient les ouvriers, les voitures polluaient, le sexe menait à la mort, les pluies furent d’acide, l’apocalypse, on l’avait passé depuis longtemps, maintenant il nous fallait vivre dans un monde d’après-guerre, d’après la troisième guerre, celle qui n’avait jamais eu lieu.
Hank Moody est la pierre tombale de ce temps qu’on a tué.

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