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08/10/2011

83. je suis né troué (projet abandonné)




Il faut se dire qu’au moment d’écrire ces lignes existent encore ces trois propositions que sont venir à Saint Malo à pied au sortir du train. Vous avez le choix, comme au sortir d’une ville d’y rentrer à nouveau et d’en venir victorieux ou non, l’âme dans l’état que vous la vivez.
Souhaitez-vous prendre le bus que la ligne vous surprend déjà au sortir de la grande place, sur des pavés aplatis désignés qui veulent faire croire sans y parvenir que les pavés malouins arrivent jusqu’ici mais c’est faux, vous fumez votre clope bien tranquillement ou marchant, votre sac rejeté par-dessus une épaule. Traverser le parking de l’ancienne gare alors, le rond point qui coupe le boulevard des Tallards en continuant tout droit devant les pompiers. Vous passez par le port dénué de charme, mais Intra-Muros brille devant vous, s’avançant lentement de sa splendeur reconstruite. C’est tout droit, toujours, au travers de l’entrée du port, après le pont-levis récent, entrée par la porte Saint-Vincent, vous comprenez que quelque soit votre état il y a toujours une porte Saint-Vincent dans votre cœur tout au fond à gauche (j’ai banni pour des raisons politiques le côté droit de ce roman bancal, ne vous étonnez donc pas vous, le liseur un peu perdu si par hasard vous vous apercevez qu’une voiture roule à gauche…).
La deuxième solution est encore de suivre un temps soit peu le passage du bus, celui qui part sur votre droite en suivant la route dès la sortie de la gare. Un premier rond-point s’offre à vous, vous traversez par la gauche (tiens donc) et continuez jusqu’au niveau de la banque qui fait l’angle de la route. N’hésitez pas à rester sur votre gauche, bien qu’il n’y ait pas de trottoir et que par instant il semblerait qu’un bus roulant trop vite s’apprête à vous écraser. Ne prenez pas peur et dîtes vous bien qu’un malouin méchant conducteur de bus est toujours plus intéressant qu’un haut-savoyard ivrement assassin. C’est la fin du boulevard des Tallards, vous continuez le long de la voie, le long du quai du port en n’hésitant pas à aller voir dans l’eau quelques méduses reposantes qui flottent encore actuellement à la surface au moment où je vous parle (Damien, un ami de Dinan, m’a un jour confié qu’elles étaient fausses, je vous laisse la liberté de le croire sur parole ou non). Comme de l’autre côté du quai dans la première solution, et puisque les chemins empruntés sont légèrement parallèles, vous voyez les remparts d’Intra-Muros qui semblent venir à vous, mais c’est plutôt vous qui vous soumettez à elle corps et âme… et toujours cette porte Saint-Vincent qu’on dirait la porte des Enfers ou le passage agité d’un ancien quartier médiéval.
Mais soyez donc flâneur au sortir de la gare, n’hésitez plus à continuer sur la même droite (je ne tiens pas mes paroles puisque me voilà évoquant la droite, bullshit!), continuez donc au même endroit, que précédemment sans trop faillir. Au lieu de continuer sur le quai après le boulevard des Tallards, poursuivez plutôt la flânerie sur la droite (encore!) le long de la plage du sillon. Vous aurez libre plaisir du décor enfiévré qu’une mer puisse avoir en Bretagne, c’est-à-dire souvent en tempête or faussement calme ainsi que peut l’être un ciel. Contemplez les plages, sentez l’odeur du sel qui se dépose sur vos lèvres et gouttez les effluves marines. Les mouettes gueulent si haut dans le ciel en tournoyant qu’on y fera plus gaffe en quelques jours d’acclimatation. C’est l’endroit que je préfère, le premier passage abouti qui fait jaillir cette sensation que, quand on voit la mer malouine de ce côté-ci pour la première fois c’est qu’auparavant on a jamais vu une mer.
Certains bateaux s’étiolent en mer, des navires perdus ou agités qui semblent revenir d’un combat, ne vous trompez donc pas. Il y a bien eu la guerre plus haut en mer, plus en avant. Oui, on s’est battus aussi sur la mer.
Et puis, au détour de votre marche, que n’avez-vous pas fait gaffe à cette cité qui apparaît au détour des habitations, de ce pic christique qui perce le ciel sans faire de trou (mais ça passe à peu de choses; ce fût sûrement calculé au millimètre près), c’est magique, aussi bien que la première fois la ville paraît toujours plus grand en dehors des murs alors qu’elle cache un noyau dont on a vite fait le tour quand on est un touriste de base, et ne prenez pas ça comptant négativement.
La pierre érodée par le silence, le sable et le sel. On jurerait entendre des cris, des rires, de la vie. Parfois de la musique, tantôt un mariage. Il se passe en ces lieux une magie étrange qui ne cesse de me fasciner comme à présent.
C’est encore cette bonne vieille porte, mais à cet instant vous comprenez qu’il existe d’autres portes possibles, pour un peu de votre curiosité vous jurerez même à une faille, un chemin le long du mur d’enceinte au-devant de la plage de l’éventail. Comme votre curiosité à bien raison!
Mais rentrez donc entre ces murs. N’oubliez pas, n’oubliez jamais.

Alors il faut voir la mer, partir loin de ces foutus paysages plats qui ne veulent plus rien dire. Eteindre la dernière clope et se laisser monter dans le train pour partir loin au pays des vagues. Il n’y a plus rien après la mer, après la mer c’est tout. Les vagues, se laisser porter par le bruit du roulis ou encore les mouettes qui rient de tout mais surtout des touristes. On dit qu’en Bretagne il ne pleut que sur les cons. Je le dirai à Diane, elle en rira de ses pluies diluviennes, celles qu’elle porte en elle secrètement depuis toujours.

Je suis venu à Saint Malo un soir de juin.

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