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05/09/2010

218. nature morte


A présent que tout est mort à la rentrée, déjà l'automne à nos portes, tes petits pieds se décollent du sol où je suis entrain de prendre racines et tes yeux se détachent à peine dans l'obscurité. Car il faut bien des années de renouvellement, je pense que tu avais agi par intérêt de ton intégrité alors que moi c'était le fait de ne pas vouloir de changement qui m'obsédait. Tout comme avant, je regarde encore en arrière, je me tourne vers le passé. Te voici encore. Où aller désormais, quelle direction prendre? Y'a un piano tout au fond de la cour, le plancher craque, le vent qui souffle fait battre volets et fenêtres, on se réapprivoise en silence dans la pénombre, nos deux corps floués dans le noir, nos souvenirs tronquées, nos voix par habitudes qui se taisent. Nous sommes en travers de cette salle vidée, chacun dans un coin, chacun dans un cercle. Le piano semble se taire, nos sources tarissent, nous nous effeuillons légèrement, j'ai pris mon crayon dans ma main droite, je commence lentement à te dessiner sur le sol, tu n'as plus peur de moi. Tu n'as jamais eu raison d'avoir peur de moi, nous nous sommes pardonnés, enfin je crois, nos douleurs qu'on passe, nos crises apaisées. Et te voilà femme encore, femme toujours dans les ombres, elles te caressent les seins, le tissu se tend beaucoup dans le silence de ta respiration. J'admire le mouvement lancinant de tes narines, tes pupilles qui tremblent, les larmes le long de tes joues. Le sang est tombé sur le sol, il faudra le laver. Je vois le tableau, celui que j'ai peint avant de partir, c'était laa dernière fois, il y a cinq ans déjà, c'est long cinq ans sans toi. La dernière fois te souviens-tu, j'avais ta robe dans mes mains, mes lèvres sur ton front, on vivait de la même respiration, c'était moi qui pleurait tout seul. J'étais nu, je le suis encore, je le serai toujours. Je suis un sauvage qui ne sait plus écrire, il ne sait que fuir, cet homme que je vois dans la glace le matin. Et j'ai peur car les sanglots ne se taisent plus, les tiens meurent sans cesse, un mouvement, l'éclair de la lame, le bruit du vent dans les feuilles, ton silence qui se coupe en un "ah" sonore. Ta tête retombe sur ton corps, j'en viens à t'embrasser, je me saisis de mon chapeau tombé au sol que je replace sur ma tête. Je me dis qu'enfin, tous les souvenirs sont vraiments morts. Alors je m'en vais dans le soleil, dans la lumière, toi tu restes dans le noir d'une maison vide aux reflets de notre ancienne vie. Amen.

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