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23/10/2010

185. Madison


Ce soir de mal-à-vie j'ai déambulé dans les rues gelées de mes montagnes, l'âme un peu en peine d'un je-ne-sais-pas-quoi. J'étais avec Marc, l'éternel Marc. Vu qu'il était tard je n'ai pas hésité à me garer sur un emplacement réservé aux bus, vous en connaissez beaucoup des villes comme ça vous?

Nous nous sommes dirigés dans la plus ancienne rue, le bar s'appelait le Privilège et la serveuse je-ne-sais-plus. Tout ce que je savais d'elle c'était qu'elle venait de Saint-Malo, qu'elle avait un cul formidable, un sourire d'ange, mais que son copain vous refaisait le portrait gratis à la moindre incartade. Pas touche alors, j'ai commandé un whisky douze ans d'âge que j'ai dû prononcer "un-ouiski-douzandage-steuplait" tant le volume sonore pétait les amygdales. Marc a commencé soft, j'ai distribué mes cachetons, nous avons refait le monde, c'était tout. Miss-je-ne-sais-plus nous a refilé l'adresse d'un lieu branché de Chamonix, c'était assez drôle, car je connaissais aussi, que l'heure indiquée était aussi celle que je choisissais d'habitude, et que j'étais sûr et certain de ne pas y aller.

Ensuite, le Dérapage, bar en sous-sol, ancienne ambiance enfumée. Dans la cave, j'ai pris une Guiness, Marc une bière, Nuclear Bob était là dans un coin, veste en cuir sans chapeau, classe sans l'être réellement. Le trop-plein de convives débordait sur l'extérieur, je me suis amusé, j'ai tiré Marc de là, nous nous sommes retrouvés au-dehors, notre verre à la main, je clopais, sous un écriteau marqué noir sur blanc: interdit de sortir avec son verre. La serveuse s'appelle Pauline, elle est super mignonne, un brin de femme qui vous redonne le sourire. Elle m'a gentimment réprimandé sur mon verre, j'ai levé les yeux au ciel "ce n'est pas moi je vous jure!". Elle a souri il me semble, que j'avais envie de gagner des combats pour elle...

Je n'ai pas vu Clara de la soirée. Ni Kelly. Mais cette blonde déjantée que je tardais à reconnaître est venue faire la bise à Marc. Je n'ai rien dit, pas bougé, elle m'a dévisagé de haut en bas, de chaque côté, ensuite en travers, puis elle est rentrée. J'ai demandé qui diable était cette personne, on me répondit qu'il s'agissait de Mady. Bon. Ok. J'ai envisagé quelque part par là l'écriture d'un roman, sans aucun rapport avec mes pensées du moment. Ensuite on est retombé sur Julien, on l'avait déjà vu à l'intérieur, c'en était resté là. Maintenant on refaisait le monde, il traînait avec une poupée bien plus jeune que lui, j'ai examiné un instant ses chaussures à talons, j'ai bien rigolé en voyant qu'elles étaient trop grandes pour ses petits pieds, quoique parfaits je dois dire, et une érection m'est venue en matant la sirène dans son intégralité.

Ensuite, la seule boîte ouvert du coin qui était encore en mesure de nous accepter, a ouvert ses portes. Je dois dire que ma motivation m'avait quitté en chemin, si elle avait été là avant cela. Mais nous sommes quand même descendus jusqu'au bar, on s'est installés, on a bu encore de la manière que font les naufragés de la vie. J'ai aperçu le visage de ma cousine, je la croyais sur Lyon. J'ai dirigé mes pas vers elle, puis nous nous sommes mis à parler de Marc. J'ai admit que je me sentais mal de le voir ainsi, à une heure et demi du matin passée, se déhancher sur une piste devant cette Madison que je ne connaissais plus, jolie blonde aux yeux bleus, on m'a précisé - ma cousine - qu'il s'agissait de la pire salope de la vallée. D'un coup je me suis souvenu d'elle, les portes de ma mémoire se sont ouvertes, je me suis laissé envahir par les flots du souvenir, j'ai revu les scènes grandioses de ma jeunesse, en silence, et j'ai réalisé qu'elle était une sorte de nouvelle bourgeoise qui se la jouait décomplexée en sautant sur tout ce qui bougeait. Son kiffe à elle était de simuler un viol, c'est à dire, comme elle n'avait pas connu de prime abord cette chance dans son épuisante jeunesse sacrée, donc la voici qui recréait à son propre plaisir la scène. Elle parcourait ainsi les bars, les endroits sacrés où il faisait bon vivre, dans sa petite jupe sans rien dessous. Bien sûr, la proie, mise dans la confidence, attendait, tapie, se faisant chasseur d'une nuit. Sortie de nulle part, de n'importe où, l'individu faisait donc son affaire, là, d'un coup, puis s'en allait.

Un jour, m'avait-elle confiée, j'étais en jupe sans rien dessous, j'étais assise au bar, racontant à mon amie que mon fantasme était la surprise. Je pensais qu'il était là aussi, sortant déjà sa queue pour rentrer en moi. J'ai pris mon pied devant les autres, quand il a pris mon cul offert à lui tout en fleur. Puis j'ai vu un visage dans le reflet d'un miroir, la surprise n'en fut que meilleure, mais ô combien étrange, cette sensation de l'inconnu qui s'empare de vous!

Puis je me suis retrouvé à nouveau dans l'ombre d'elle, me demandez pas comment, en un instant j'étais sur elle, son sexe épilé, ses seins qui semblaient frais de la veille, son air déconnecté de la réalité, et j'ai repensé à tout ça pendant ces deux minutes soixante-quinze de lutte avec moi-même. Au final j'ai cessé le combat, j'ai abandonné, je suis parti, et sur la route je me suis mis à pleurer, sans savoir pourquoi, ni pour qui. Une voiture m'a frôlé, j'ai repensé à mon roman, et je me suis dit que ouais, ça en ferait une idée vraiment classe.

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