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13/06/2012

25. Alessandro Baricco, novecento: pianiste


Ça arrivait toujours, à un moment ou à un autre, il y en avait un qui levait la tête… et qui la voyait. C’est difficile à expliquer. Je veux dire… on y était plus d’un millier, sur ce bateau, entre les rupins en voyage, et les émigrants, et d’autres gens bizarres, et nous…

Et pourtant, il y en avait toujours un, un seul, sur tous ceux-là, un seul qui, le premier… la voyait. Un qui était peut-être là en train de manger, ou de se promener, simplement, sur le pont… ou de remonter son pantalon… il levait la tête un instant, il jetait un coup d’œil sur l’Océan… et il la voyait. Alors il s’immobilisait, là, sur place, et son cœur battait à en exploser, et chaque fois, chaque maudite fois, je le jure, il se tournait vers nous, vers le bateau, vers tous les autres et il criait (adagio et lentissimo): l’Amérique.


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