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16/10/2009

469. 21h51 ce vendredi-là




Rhinocéros me regarde dans un coin, Ionesco sublimé a un sourire sur son visage. De ma cigarette à peine allumée je fais des ronds dans l'air qui s'élève au-dessus de mon crâne rasé. Les heures et les minutes s'écoulent sans que rien ne vienne, j'aimerai tellement qu'on m'enlève.


Je m'ennuie un peu, je ne tiens pas en place. Je repense à tout un tas de trucs, j'ai pas pensé à la maternelle depuis, ni à aucun cours de ma vie. Plus tard j'ai aimé des femmes qu'on allongeait dans les ateliers parisiens pour gagner un voyage, pour gagner de l'amour que je n'ai jamais eu.


J'ai cherché à fuir depuis que je suis en âge de courir.


Je m'en veux, je suis passé à côté du détail intime de mon enfance, c'est pas grave j'en parlerai une autre fois. Mes pieds me font mal, mon crâne me brûle, les poils de mes joues commencent à repousser, ça me gratte, il ne fallait pas que je rase ma barbe. Si il le fallait. Non. Je ne sais pas.


Je ne suis plus qu'un fruit pourri de mon imagination.
Quelques brunes s'affolent, quelques verres dansent devant moi.


"C'est un mariage?


-Non, c'est un enterrement" dit la fille aux cheveux courts, un sourire aux lèvres.


Un siècle d'art à Berlin arrive à cette conclusion fatidique: l'art n'existe plus.




Je respire la fumée bouclée dans ma cuisine. Je rêve de sauter de l'échaufadage pour m'envoler. le suicide c'est pour les sauts. Moi je volerai bien comme un boeuf. Gaspard est mort me dit-on, Gaspard est mort mais il est là à côté de moi.


"hey vieux, tu dérailles non?" je fous la chanson de la faute à Dylan à fond pour ne plus entendre sa voix, je détourne le regard de cette farce, j'en reviens à lui qui joue avec le trou qu'il a dans la poitrine.


Mon père est là qui me sourit nerveusement. Je ne distingue plus le rêve de la réalité, je crois que j'ai trop bu de coca sans le coca. Il me semble que je ne sors plus de ce bar, il me semble que la cuisine revient à moi, qu'elle me fascine dans les moindres détails. Dans les secondes creuses de l'ennui qui filent je m'en tape du monde du dehors. Le bar est parti, il est trop loin dans mon passé. Retour à la cuisine. le tic-tac de la pendule, je suis sur le banc contre mon radiateur. Le chat me saute sur les genoux, il s'installe et ronronne, nullement dérangé par la fumée. Dans le cendrier meurt un Ionesco inachevé, c'est ainsi pour certains cendriers. Les cendres s'échappent au petit vent frais qui rentre par la fenêtre ouverte sur la chambre de la prostituée d'en-face (celle qui fout du Callas à fond le lundi en nettoyant sa turne glacée. Gaspard est dans une chambre, quelque part. Je n'ai plus qu'à le trouver. La plante verte sur le frigo n'en finit plus de mourir. Le cadre et la toile au-dessus de l'horloge prennent le gras. Le fils trahit le père. Bibliquement. 22h05 ce vendredi-là, l'ampoule jaunie du plafond me brûle les yeux, je faiblis, je m'endors...




Before the devil knows you're dead

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