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09/10/2009

473. des histoires courtes demeurent entre les pores de la peau de chaque personne



Sydney, je me souviens, c'était avant mon crâne rasé, après la mort de Gaspard, avant que je prenne du poids, après que je sois seul, j'ai toujours été seul de toute façon. L'hôtel était rouge, le pont se couvrait de noir, les petites filles tombaient du ciel. Eléanore m'avait demandé ce que signifiait pour moi un monde sans amour. J'avais répondu que c'est tout comme la fin du monde.



Sydney, était-ce le soir ou le matin? le jour ou la nuit? l'ombre ou la lumière? La proie ou le chasseur? Je ne me souviens plus de ce genre de détail, ni des rues teintées d'orange, ni du sable qui s'envole un peu partout dans l'atmosphère. J'étais bloqué dans ce long rêve incroyable. Eléanore à mon chevet qui récitait des passages entiers de Citadelle pour me réveiller et c'était le réveil le plus doux de mon univers, quel que soit l'heure.



J'ai bien trop peur de prendre froid, tempête instantanée, je me replie sur moi-même, le temps vire à l'orage, il va pleuvoir bientôt de ces larmes acides. Je repense à son corps qui se pliait sous mes doigts, j'ai son souffle perdu encore quelque part au coin de mon oreille. Le type d'en-face vient à moi profiter du spectacle lui-aussi, il me tend une clope que je prends avec honneur et remerciement. Elle, elle se colle un peu plus contre moi, nous sommes en plein milieu de la rue (quelle rue?) dans Sydney, les voitures c'est comme les heures, elles se sont toutes arrêtées à ce moment précis, les yeux rivés sur ce qui va se passer.


Le pont est bien trop sombre, les instants suspendus à nos lèvres. La veille dans la chambre elle m'avait affirmé son amour délicat pour l'art et l'instantané. J'avais son épaule droite contre ma paume, ma bouche sur son sein et mon sexe quelque part entre ici ou ailleurs bien dressé entre le passé et le présent. Eléanore ne voulait pas d'une relation banale, nous avons donc dit stop. C'est plus simple d'arrêter avant de souffrir. Ensuite nous sommes sortis dans les rues. En bas, ciel orange, monde orange, immeubles oranges, pont noir, palmiers noirs, autochtones apeurés. "what's that??" qu'elle avait ajoutée. Pas de jugement dernier.


l'image absolument terrifiante du manège enchanté devant moi, les jeux tournaient dans le vide. Avec le vent qui voulait s'amuser un peu, on entendait le bruit du métal crissant. C'était effrayant cette sensation de vivre un Stephen King en direct live. Le plus stupéfiant c'était ces types qui couraient à droite à gauche, ces femmes qui se mettaient à baiser tout le monde et n'importe qui au milieu de la route. Le président à la télé qui disait qu'il n'y avait rien, qu'il ne se passait rien, qu'il n'y avait rien d'autre à faire qu'attendre sans panniquer. Attendre c'est tout. La fin du monde c'était là, tout de suite, avec Eléanore éloignée qui hurlait au travers du vent pour ne pas me perdre en plaçant ses pieds l'un derrière l'autre, et encore quelques pas en arrière plus loin, et encore quelques pas plus loin en arrière:
"je ne veux pas mourir avec toi, désolée!"


J'ai traversé la ville seul, parfois les tons donnés étaient plus rouges encore. Cet apocalypse du moment avait vidé la ville pendant nos ébats. On arrivait à l'apothéose. Il y avait ce vieux type assis dans le coin du centre commercial qui me parlait des animaux, sa peau était noire et rouge et orange et blanche et noire encore. J'ai demandé pourquoi.

"c'est à cause du temps, c'est le temps qui s'arrête, qui fuit face à la mer. C'est le temps qui n'aime pas être comparé au temps, alors tant pis pour nous et autant en emporte le temps!"

Son français était soigné, il n'avait presque pas d'accent. La foudre s'estompe quelque part, la pluie arrive, elle éclate, elle commence à laver le tout. Un kilomètre entier de sable par rue. J'ai continué de marcher sous cette pluie bien trop acide. Des passants se sont étonnés. "quoi nous sommes encore en vie? mais madame, veuillez retirer ce pied de mes parties génitales je vous prie, je suis ministre!"
La fin du monde était terminée à présent. Retour à l'hôtel, je prends mes affaires. J'attrape le premier taxi direction la mer.


La mer se calme légèrement, j'attrape mes valises. Il y a cette vie échouée sur la plage que je ne ramasse pas, ce sable qui s'engouffre dans mes chaussures et cette eau salée qui revient à chaque vague un peu plus près. Regarde, je te facilite la tâche. Lentement j'avance dans l'eau, mes valises qui se mettent à flotter, mon instrument de musique coule, je ne jouerais plus de trombone dans la nuit, je quitte Sydney définitivement amusé, et mon regard est plein de gaieté.
Je quitte Sydney amusé à la nage, bien loin du pont, un peu plus près encore de Mars, un peu plus proche de toi mon amour. L'eau de partout, je me suis mis à nager vers toi.

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