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28/10/2009

463. le monde est fou c'est certain!



disait C. à M. l'autre jour. J'ai caché mes trésors dans la terre, quelques poils de carottes, un paquet de clopes et des photos de l'Alsace et la Lorraine. J'ai enfoui tout ça sous les décombres d'une civilisation aztèque puis j'ai produit mon premier chef d'oeuvre. Tout le monde est venu l'admirer, ils étaient tous béats d'admiration devant elle.

J'ai donc expliqué la démarche artistique que tout artiste inclue alors dans le discours, celui qui retrace l'idée accompagnant le geste: la création de l'oeuvre en soit.


"Voyons voir, prenons le complexe de la solitude face à cette phobie disparue de la mort. On se retrouve avec un semblant de la fureur de vivre. Il faut allier l'énergie avec l'aliénation d'un corpus artistique, la démarche auto-destructive s'enclenche pour le chef d'oeuvre, mais par où aller quand rien n'est défini? Vers quel saint se vouer -si tant est que l'on soit catholique bien sûr- alors je me dois de réfléchir plus, les heures se creusent sur ma face et ma femme m'encourage dans ce sens. Le médium est en cause aussi, à ce stade-là on commence intuitivement par ses références, par ses préférences même! Alors la toile, bon, pourquoi pas. Un portrait ou deux, la représentation de la beauté, l'huile qui galope sur la toile, la recherche encore et toujours. On se veut faire le portrait de la perfection faite femme, alors on peins la sienne. Ce n'est pas la perfection toutefois aux yeux des autres, notez bien! C'est la perfection personnelle vers quoi l'artiste tend, alors il découpe sa toile en plusieurs morceaux, rature, amoncelle les couches épaisses, noie l'huile dans les couleurs claires mélangées aux sombres, les côtés n'existent plus. On se bat messieurs-dames, oui.


Et puis...


La toile s'arrête, plus rien d'autre, plus de support. Continuons sur les murs, continuons ensuite sur les meubles, passons à d'autres dimensions! Elle, pendant ce temps-là, s'impatiente, elle ne peut pas garder la pose éternellement même si elle aime éperdumment l'artiste. Elle se fâche, elle court dans la cuisine se fumer une clope, cuisiner, se rhabiller, que sais-je? Alors je continue de plus belle, je me rends compte que j'ai tellement loué son corps qu'il me reste la trace de ses formes incrustrées sous mes paupières... On continue donc de modeler, les mains filent seules, elles peuvent tout reproduire, elle retracent tout, des milliers de clones naissent alors, ils éclosent de partout dans l'appartement, si bien que je ne sais plus où se trouve ma femme parmi les fausses îcones, j'ai du mal à la discerner, surtout qu'elle ne bouge pas. Je l'ai peinte de mille positions différentes, laquelle estt la bonne alors? Et là, perdu, je me prends à embrasser le mur, à caresser le cou d'un meuble, à vouloir rassurer la chaise. ça devient fou, oui, fou! Mais j'en reviens à l'oeuvre, il faut la modeler, la changer en statue, et c'est le plus dur. Du coup je me change en industrie, les projets avortent, les ignominies s'entassent, ma femme n'existe plus. Afin de mieux la recréer je me vois lui piquer ses radios, ses analyses de sang, recréer son squelettes, choisir les bonnes veines, mesurer ses muscles, choisir l'épaisseur de sa peau. Enfin j'arrive à la perfection: je récrée la femme en inanimé, je dois bien dire que j'ai lutté, je me suis retenu pour ne pas faire l'amour à ma femme! Il ne fallait pas abîmer l'oeuvre, alors j'ai coulé le tout (et c'était le plus simple) dans un mélange de formol et de cire durcissante. C'est elle maintenant que vous pouvez-voir dans la vitrine messieurs-dames!"


Tous applaudissent et s'entassent autour de la vitrine. Je ne comprends pas pourquoi on m'enlève en plein vernissage, la fuite alors, dans la cabine qui roule le paysage s'enfuit. Le gendarme me dépose menotté sur une chaise, il veut savoir pourquoi j'ai tué ma femme. Je m'explique, je ne l'ai pas tué. Je l'ai transformée. Mais il ne veut rien comprendre. Pas plus que le juge dans les jours qui viennent. On démonte alors mon chef d'oeuvre, on jette un voile blanc dessus; direction les pièces à conviction. Parallèlement je m'en vais pour la santé! Quelle folie!

C'est triste, ces barreaux qui se referment, mon cerveau est brouillé, je suis perdu dans des mots qui ne veulent rien dire. Dans l'insalubrité de mon silence j'écoute des "perpétuité" qui mangent les "tueur!" eux-mêmes ont mangé le mot femme. Je pleure alors. Les mains sur mon visage en pleurs, il est probable que oui. Je suis le pire des monstres artistiques de l'histoire... Et les gens dans la rue doivent me dire démon, monstre, "homme ne méritant pas de vivre".



Mais pendant ce temps-là, en Suisse, Tatiana menait la belle vie dans son nouveau loft. Elle buvait du Martini avec son amant, celui qu'elle est parti rejoindre pour toute la vie, achevant ainsi ce conte démentiel sur notre société actuelle! Bonne nuit messieurs-dame.

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