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06/11/2009

458. apprends-moi à voler, jouer avec les anges, contempler le corps du cuivre incertain qui joue


J'ai connu un fou autrefois qui parlait aux étoiles et buvait l'eau de la mer. Il était beau dans sa mocheté de sans domicile fixe, les cheveux gris et crasseux, les yeux bleus-reflets d'eaux tourmentées, la barbe crade des derniers repas. Je traînais plusieures heures dans son atelier, le plancher qui craquait et les ombres qui le gagnait à certains moments de la journée rendait l'atmosphère pesante, étouffante presque. Je voyais alors la poussière bouger, ses yeux rapetisser à mesure qu'il prenait l'eau, et assis sur le sol il me semble m'être endormi pendant un quart de siècle à l'ombre de cette cathédrale de bibliothèque qui cachait aussi bien des classiques que du récent, des peintres aussi par millions ou encore des livres servant à écraser les blattes entre les lattes. La dernière fois que je l'ai vu il avait une chemise blanche sans tâche, ses lourdes mains collaient à la toile. Il ne voulait jamais me montrer ce qu'il faisait. Une fois fini il accrochait les toiles à l'envers sans les montrer. Il écrivait alors d'une main désastreuse liée à son écriture incertaine ce que la toile signifiait pour lui au verso, à même le châssis. Du coup les châssis se parraient de mots plus ou moins beaux, descriptifs ou non, il y avait un "beau paysage" suivi d'une "once de pluie sur l'océan en deuil" suivi du "temps du retour". A l'éternité ça continuait comme ça. Il parlait d'une voix bousillée, des connotations graves sur les consonnes aigüs qui disait: "j'ai le sentiment que la meilleure peinture c'est celle qu'on ne voit pas. En accrochant des toiles à l'envers le spectateur imagine alors la perfection qu'il désire ou non et peut ainsi penser par lui-même si ce que je fais est bien ou mal. Original ou non. Je livre mon meilleur combat pour eux et j'espère qu'il y aura un juste retour des choses!"

Mais je ne lui connaissait de spectateurs que sa femme, Gaspard et moi. Il n'avait ni fils ni patrie et m'expliquait les couleurs en notes de musique. Ses cheveux composés des restes de la sueur acharnés mêlée au reste de toile accrochée (quand il s'endormait sur son travail) s'agitaient pleinement, et alors la porte de l'enfer pouvait s'ouvrir: "on ne mélange pas un bleu aussi chromé que celui-ci avec de la simple terre de sienne, nous ne sommes pas Manet enfin!"

Un jour il a peint Gaspard, derrière c'était marqué "portrait de l'homme à la tête éclatée" s'il savait quel prophétie il avait commis...


J'ai repris un peu plus tard mon accordéon, je suis reparti sillonné les routes à la recherche d'un oubli. Cet espèce de Nicolas Bouvier poético-abstractif je ne l'ai jamais revu. Je n'ai plus de nouvelles. Il me vient souvent à l'idée de décrocher quelques souvenirs, j'enlève alors une étoile de mon plafond pour la coller à l'envers. Il est très tard, tout le monde dort, juste la lumière de mon salon hyptonise l'extérieur. Tout est froid, le givre grimpe aux poubelles, je suis amoureux. Le reflet de la lune reflétée sur les montagnes reflétées sur mes yeux qui s'éloignent. Ma clope se consume tout doucement, mes cheveux repoussent mal. Je suis mauvais de nature, je me bonifie avec le temps il parait. J'ai parfois envie de jouer de la musique, faire des copier/coller de notes, chanter au monde que je n'ai pas du tout l'oreille musicale mais les bonnes âmes malouines me donnent un talent que je n'ai pas alors je continue. Pourquoi pas...
P.S. la photo est un fan-art qui n'est pas de moi pour Boulet paru sur son site BouletCorp.

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