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03/11/2009

459. les cauchemars ont gagnés et le monde n'existe plus


En se couchant dans le noir il évite les questions des autres. Il ne dira rien. Il ne vous avouera pas sa re-création sublime à travers les mots puisque c'est à moi de le faire. J'ai repêché Gaspard aux abords du monde sur les rives de l'Achéron. Mille ans se sont écoulés, de son silence j'ai modelé sa forme, de mon manque de larmes j'ai modelé sa parole. J'ai insufflé la vie en me perçant le nombril, ce geste virginal à la limite de l'homosexualité. Je ne sais plus qui je suis j'en ai bien peur. Relire les 1000 poèmes de nos mémoires fictives, lui réapprendre Rimbaud et Verlaine, Saint Exupéry et Gary, Georges Perros et Nicolas Bouvier.

Dans le rouge il en est ressorti, isolé de tout. J'ai demandé à ce qu'il me parle des papillons, des luttes aussi. Le passé c'est le mot Dieu.


"Alors j'étais sur le chemin de la mort. J'ai erré sans fin. Sais-tu que j'ai fui en Egypte? C'est ce voyage d'une semaine qui me poussa à quitter la France. J'étais seul, emprisonné. Ne m'en veux pas mon ami. J'avais besoin d'un air frais, les femmes de ta ville ne me dise plus rien, je les connais toutes, j'avais besoin de découvrir la véritable sexualité des autres villes d'autres endroits. Si j'ai fui je m'en excuse, ce n'en était pas mon intention de me dégager de mes priorités. Y'avait tant à découvrir, et un peu plus pour toi aussi. On passe de l'Egypte au Tibet, la première fois que j'ai entendu le nom de Lhasa c'était dans un restaurant. Ce type à la mine affreuse qui tenait entre ses doigts difformes un café glacé me parlait. Je sortais de cuite, je ne comprenais pas tout. Il me fallut plusieurs minutes pour réaliser que les anges protecteurs ont parfois des looks de vieux rockers sur le retour. Lui, derrière ses lunettes de soleil, au début je l'ai détesté. Il avait le pouvoir, même dans ce café refroidi. J'ai pris peur devant sa proposition, partir, partir pour où? Lhasa alors...

Je suis sorti, j'ai arrangé le col de ma veste, il faisait froid. Je t'ai appellé tout de suite."


Je m'en souviens alors, tu m'avais donné l'ordre de sortir de chez moi. Il fallait que tu me parles, tu devais prendre l'air aussi et ne pas t'enfermer dans un vieux casier scolaire.


"Ouais, nous sommes partis, coupant à travers champ dans la nuit étoilée. Je me souviens, j'avais cette clope qui fumait toute seule dans les mains, j'étais vraiment intoxicé par ça. En baissant les yeux sur mes pieds je me suis rendu compte que j'étais trempé jusqu'aux genoux. Tu n'étais pas mieux. On grelottait de froid, et je t'expliquais que pour oublier une femme il faut parfois partir très loin. Je ne savais pas que j'avais tort. Je ne savais pas non plus que tu allais devenir comme moi. Alors deux ans à Lhassa ne m'ont pas suffit. Elle était toujours là. Un an en Espagne, a fuir en continu, pas plus de succès. J'ai attendu après bien des routes et puis le reste...

Tu sais très bien ce qui s'est passé..."


Oui, je savais très bien pour avoir éxaminé le corps qu'on ramène jamais les morts à la vie. Qu'on idolatre parfois les martyrs sur des raisons obscurs. Qu'on se ment à soi-même aussi en se disant que "je ne ressemblerai jamais à..." car oui, on est à l'abri de rien. Mais il me restait encore quelques points à éclaircir, et c'est Gaspard, debout sur une chaise à faire le poirier, maître zen de la force dans son costume de lapin bleu à tête de mort qui m'apporta l'explication:


"Finalement je ne suis qu'une voix dans ta tête, je te dis juste ce que tu veux entendre, c'est cela, non?"


Et ce soir là près de ma cheminée sans feu je me suis plongé dedans. J'ai voulu périr par le feu pour expatrier ma douleur bien plus loin encore. J'ai pleuré, depuis bien longtemps je ne croyais plus en être capable. J'ai baissé ma garde un court instant. Le feu a alors commencé à prendre, et le bois crépitait...

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