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21/04/2010

324. le fauteuil roulant: la porte des enfers: vivre: us et coutumes douloureuses de l'Occident: lire


"J'aurais dû tuer un homme aujourd'hui, dit-il. Toto Cullaccio. Je l'ai tenu en joue. Il était là, au bout du canon de mon arme, et j'ai baissé le bras. Je ne sais pas pourquoi. C'est pourtant l'homme qui a assassiné mon fils. Un petit garçon de six ans, mort dans mes bras sans que je puisse lui dire un mot. Quand je pense à mon fils, à sa vie coupée, quand je pense à la mienne qui va s'étirer avec inutilité, je ne comprends pas ce que tout cela signifie. Le monde est petit et je vais me cogner contre des parois qui me déchireront les chairs. Alors il a bien fait, votre Frédéric II. Et tant pis pour l'excommunication. Qu'est-ce que vous voulez que ça fasse? Il n'y a rien à redouter de nulle part. Le ciel. Le pape. Rien. Vous savez pourquoi? Parce que le ciel est vide et que tout est sans dessus sans dessous. J'ai espéré, moi, le châtiment pour les assassins et le paradis pour les innocents. Vous pouvez me croire. J'ai espéré. De toute mon âme. Mais les hommes saccagent tout et ils n'ont rien à craindre. C'est ainsi que va le monde. Vous savez ce qu'il nous reste?"

Il se tourna vers Garibaldo et Graziella, comme s'il voulait prendre l'avis de tous, mais, comme personne ne répondait, il poursuivit : "Il ne nous reste qu'une chose. Notre courage ou notre lâcheté. Rien d'autre."

Puis, sans attendre aucune réponse à ce qu'il venait de dire, avec la brusquerie de celui qui regrette de s'être tant livré, il salua ceux qui l'entouraient d'un geste de la tête et sortit.


Laurent Gaudé x10.

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