Pages

16/04/2010

333. piano froid, dernière escorte avant la nuit


J'avais sacrément mal aux hanches, à tourner ainsi, en lui tenant la main, l'autre passée sur la taille. On tournait on tournait. J'aimerai bien m'envoler, disais-je. Ses yeux verts pomme sauvages étaient rivés sur moi, plantés dans mon âme, chaque mèche de ses cheveux pointaient dans ma direction.

Elle me désigna du menton les autres couples, tout autour de la piste de danse, le piano s'accélérait, parfois je ne l'entendais plus, parfois je ne l'entendais que trop, et alors qu'elle posait sa tête contre ma poitrine en fermant les yeux, en se laissant bercer par le mouvement, par cette ensemble des choses qui avaient fait que nous étions présents ensemble, ici, aujourd'hui, à ce moment-là, je réprimais le geste de fuir.
Mes mains étaient devenues moites, ma bouche sèche. Une larme voulait couler le long de ma joue, un an plus tôt j'étais à ce même endroit, dans cette même position, avec une autre fille.

A des moments il me semblait devoir partir à la guerre, l'envie de laisser Sandra dans cette position, de lui dire que non je ne pouvais pas, bien après nous étions seul, nous étions allongés dans l'herbe, quand cette envie de fuir à nouveau s'empara de moi. Mon sexe durcissait, sa main cherchait sous les étoiles à nouveau je croisais son regard, son sourire perfide, son envie qui lui faisait le souffle court, entrecoupé d'un désir brutal que ni elle ni moi ne pouvions cesser.
J'étais allongé sur l'herbe de tout mon soûl, je ne pouvais plus rien faire. Je n'avais plus envie, simplement de contempler les constellations qui pigmentaient le ciel l'espace d'une attente, d'un silence, le moment où, quand on sort d'un endroit bruyant, vos oreilles reprennent du temps à s'acclimater, alors le larsen perdure, on attend que ce bourdonnement cesse, cela ne vient pas, cela agace, c'est ainsi.

Et puis cette main, un peu froid, fine, fouillant, griffant...

Elle vînt sur moi d'une manière un peu gauche.

- A quoi penses-tu? s'interrogea-t-elle à haute voix.

- Je me demande s'il existe une autre planète semblable à la nôtre.

Ma réponse était calme, elle s'accélerait, je comprenais le ridicule de la chose, mon envie qui s'enfuyait à toute berzingue. Oh oui, murmurait-elle, aaah, criait-elle, oh! suspendait-elle. Dans chaque mouvement - plutôt gauches dois-je dire - il y avait une sorte de façade, un miroir qui cachait tout, celui qui me renvoyait à ma propre destinée, mes propres désirs, mes propres peurs. Plus tard, débarassé d'elle, j'ai roulé le long de la plage, tout était calme. Calmement je suis rentré, le costume en désordre après le traditionnel baiser "c'était super, on se revoit bientôt?".

J'ai roulé encore, faisant des détours, roulant une bonne partie de la soirée, de la nuit, je ne savais plus trop où j'en étais. Je me suis garé à flanc de falaise, j'ai attendu que le jour se lève, puis j'ai attendu 7h. J'ai repris le volant, je suis rentré d'une traite chez moi, il fallait bien y aller un jour où l'autre. Mon fils venait de se réveiller, derrière le rideau de la cuisine ma femme préparait le petit déjeuner, l'odeur accueillante du café et du pain grillé m'avait saisi juste à l'entrée. Je me suis assis calmement, ma femme m'embrassa, elle ne se doutait de rien, ou alors elle jouait bien la comédie. Mon fils vint me saluer. J'ai saisi mon bol de café, j'ai ouvert le journal, et sans un bruit j'ai lu la rubrique nécrologique dans l'espoir de trouver mon nom quelque part.

1 commentaire:

overdose(s)