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07/04/2010

341. quand nous en viendrons à chanter sous la pluie (pour mademoiselle N.)


Je revois encore le visage de cet homme chargé de pluie qui en conclusion s'apprêtais à rentrer dans sa voiture alors que moi, boursouflé de mes erreurs je prenais le large. Nos regards se sont croisés, je me suis dit qu'il valait bien mieux qu'on en reste là.
Plus tard, un après-midi chargé de pluie encore je tenais entre mes doigts tremblants le corps imaginaire de la Première, celle que je connaissais pas où si peu et qui l'espace d'une nuit m'avait appris à jouer.
Enfin, je dansais une sorte de fado capricieux au son de vos guitares espagnoles, S. m'apprenait les pas qui me manquait d'un sourire sournois, je crois que je n'ai jamais vu pareille femme à double-sens dans ma vie mais aussi que les sourcils trahissent toujours tout.
Ce soir, l'âme errante chargée d'alcool il me fallait chanceler dans des rues mortes, à la sortie d'un cinéma, en tenant solidement ma bière ou ma clope à mesure que je tombais. Ces deux choses là me rattrapaient forcément, j'avais calmé l'animal, l'indomptable, une nuit encore et j'étais épuisé de la veille à l'heure de chasser quand la part animale fut la plus victorieuse des autres combats que je menais partout dans mon corps.
Il me fallait écrire, décrire le paysage, la froideur, la luminosité du soir ou les bandes jaunes des arrêts de bus qui menaient aux poubelles. Il me fallait m'avouer chancelant, ivre de mon état, de mes amours envolés ou bien de ce sachet marron que je trouvais charmant pour transporter les repas en ajoutant un charme fou américain comme on en voit qu'au cinéma. J'ai soulevé le cercle de la poubelle en fermant un oeil afin de mieux en apercevoir le fond.
J'ai à présent le souvenir après l'ouverture de cette boîte de pandore chimérique d'une question que je désirais vous poser: n'avez-vous jamais entrevu l'espace d'une seconde une femme qui n'étais pas là? Vous n'avez pas eu le temps de reconnaître cette femme, juste la forme, et pourtant cette forme vous dit quelque chose, cette esquisse mystérieuse vous rappelle quelqu'un sans que vous puissiez mettre un nom dessus. C'est ce qui m'étais arrivé avant ce film de Tom Ford, j'ai croisé cette âme tourmentée plusieurs fois de suite dans mon rétro, jamais je ne su retrouver l'exactitude de ses traits qui étaient aussi la cause de pourquoi j'étais incapable de me souvenir d'elle. Alors, Tom ford et l'alcool aidant, je me suis replongé dans un abîme de souvenirs qui mélangeaient aux dates les heures sombres, je me suis plongé dedans d'une traite jusqu'à la garde en fouillant chaque recoin et j'ai apercu cette abysse qui me contemplait. J'avais le visage d'une autre femme en face de moi, mais surtout j'avais le besoin imminent d'aller plus loin, d'encore fouiller, malaxer le tout jusqu'à comprendre que j'éprouvais le besoin de faire taire S. en la voulant morte car c'était ainsi, vouloir oublier C. car c'était ainsi, vous oublier vous car il n'en résultait autrement. Alors dans mon alcool désespérant j'ai arpenté de fines lamelles de rues posées sur la pizza glacée de mon comptoir, j'ai remonté les poivrons jusqu'au carrefour des anchois et ridiculement j'ai su qu'il n'y avait rien à faire que de rentrer, de m'écrouler sur un lit commun, de fermer les yeux à attendre que le silence s'empare de moi. Le petit matin me surprendra en slip, dans une position des plus incroyables, à baver sur le côté, et la seule vérité de cette soirée, le seul résultat de cette équation dont la cause est un malheureux film qui me plongea dans cette sorte de transe est que la vie, aussi ridicule soit-elle, me poussa un jour à croire que le monde tournait de travers, en oblique, la résultante voulant que les malheureux des alentours en fasse de même sans continuer de râler que ça ne sera jamais le cas, ni maintenant, ni après.

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