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24/01/2010

396. osmose, climax, c'es pareil


il faut dételer les cheveaux, lâcher la bourrique endiablée par-dessus la bride et laisser cet animal se défouler dans la plaine. Il va s'en aller galoper jusqu'au fond de la prairie, dans la fraîcheur du petit matin les narines détrousser, le chamfrain au vent, la tête haute, fière. La rosée éclaboussera de mille feux sur son passage, les fleurs seront piétinées, la mauvaise herbe avalée pour le besoin de la purge. il reviendra vers son maître, le narguant de sa haute taille, de sa fière allure, cambré comme un fou pour défier celui qui tient les chaînes. Sortant de la brume matinale tel le diable sortant des enfers, son noir pelage reflètera le soleil qui commence à pointer. Il se fera animal courageux, mais aimant, tête baissée. Le maître collera une main contre sa royale tête, sur son corps nerveux et sec, il y aura de la fierté dans son regard que l'animal rendra à sa juste mesure. Alors le dialogue commencera entre eux. L'un disant à l'autre:

"J'étais dans le cantal, il n'y a rien dans le cantal. Des dimanches d'ennui et la semaine de travail, les trente-cinq heures exécutées en bien plus. J'ai vite pris du poids et des cheveux blancs à patienter calmement devant mon petit blanc et le tiercé des passionnés. Les copains se foutaient de moi, j'emmagasinais les dollars dans l'attente de mon canasson, je ne pensais pas qu'il aurait si fier allure..."

Et l'autre, l'animal, de se confier à son tour:

"J'étais fier porteur des rois du Nil, voguant humblement sur les vagues de sable du désert. La tempête n'a jamais réussie à m'atteindre, j'étais un roc sombre, jeune instrument dans les mains d'un dieu. J'ai appris la vie à la dureté du soleil et de ses caresses terrifiantes; aveuglantes. J'étais paré d'or, le porteur élégant. Une guerre m'entraîna à me coucher dans un coin. Je ne suis pas mort, je dormais..."

Il y aura les larmes du souvenir ravivées:

"J'ai l'impression m'être marié avant l'heure, être devenu un vieux con avant l'heure. j'avais toujours un train de retard sur les autres. Mais les trains ça m'intéresse pas, on peut parier sur la machine mais où est la puissance du corps, les liens du muscle et des os? Le sang ne coule pas dans les veines du train. Je connais mon corps, je suis par contre en complète admiration devant celui d'un cheval, puissant et mystérieux. C'est ce qui m'intéressait en toi, tu dégageais une fougue remarquable quand je t'ai vu. J'ai croisé ensuite ton regard et j'ai vu le passé, le présent et l'avenir réunis. Je t'ai vu jeune prince fougueux, je t'ai senti courir dans mon champ, je t'ai vu devenir roi. Ca va changer ma vie! Regarde-moi si mal en point mais guai, je vacille sur une jambe mais de l'autre je danse! J'ai arrêté de boire, de défier les lois des hommes et l'avidité de ma femme. Je ris de toute ma vie, mais la facilité de tracer un trait sur celle-là ne fût pas simple. Je n'ai pas baissé les bras, loin de là, je me suis battu jusqu'à hier, mais maintenant tu es là, animal triomphant."

Mais aussi des explications:

"J'étais debout dans le matin de l'homme, je l'ai vu qui gambadait dans mes sabots. J'étais énervé, impétueux, avec mon sale caractère. L'homme pouvait bien tenter de m'apprivoiser je restais succeptible à la moindre brise. J'ai toujours fait ce que je voulais, que l'homme ne croit pas m'avoir dompté, je n'en ai toujours fait qu'à ma tête. J'ai mes caprices dans la vie, comme ce petit homme que j'avais choisi. Ce général de haute figure qui avait un peu dans le sang des idées politiques de chevaux. Qu'il soit aimé ou non des siens m'importait autant que la mouche sur mon postérieur. Je sentais ce petit homme se grandir à la seule force de son caractère. Alors je l'ai accompagné dans la poudre des canons, à la descente des plus belles villes, faire la cour aux femmes et l'amour au combat quand le cavalier s'unit à son quadrupède le temps d'une valse à dix-huit trous. Quelle drôle d'époque était-ce là, la mode en plumes et les guerres qui continuaient. Il domptait les hommes mais pas les chevaux, c'est pourquoi je garde autant d'estime de cet homme que de toi qui a su voir la vérité dès ce premier jour...tu te souviens maintenant du jour où je t'ai choisi?"

L'homme surpris: "Non, pas vraiment, c'était quand?"

L'oeil royal étincelle de mille feux: "C'était maintenant".

L'homme sort de sa torpeur, il tient toujours la liesse de billets dans le fond de sa poche. le voici ahuri en face de ce même cheval. Le voici entouré de plusieurs acheteurs potentiels, dans un champ clôt avec la mine apostrophée. Son autre main se sépare doucement du poil de l'animal, un autre homme lui parle. le qui, le quand, le quoi et le comment, tout ce mélange au fantastique dans sa tête. Et le vendeur demande:

"Alors, vous le prenez?"

Et bien sûr l'autre acquiesce et se dépêche de donner la liasse de billets, que sont peu de papier contre autant de rêves?

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