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24/01/2010

394. j'ai volé mon âme à un clown


Il y a un paquet de clopes sur la table, une odeur de café qui flotte encore dans l'air et un aftershave bon marché. Quentin qui danse dans un coin, pauvre Quentin, que n'as-tu laissé traîné cette nuit-là au fond des bars cette jolie demoiselle? Il fallait lui apprendre tes tours de passe-passe avant qu'elle ne file à l'anglaise!

Donne-lui donc les clés, à cette illusionniste qui s'évanouit d'un brouillard de fumée, laisse-lui le temps de s'acclimater à une nouvelle période. Elle semble perdue, dans la métempsychose, alors tu lui a demandé: "mais où donc vos pensées s'étiolent-elles?"

Elle ne dit rien, elle prend ta main et s'enfuit vers moi.

"Je vois un paquet posé sur une table, 19 cigarettes alignées, celle qu'il vient de fumer manque à l'appel. Un livre de Raymond Devos est en travers, le stylo à côté pour noter les pages intéressantes à la capuchon mal fermé. Dans la nuit ce stylo s'asèchera irrémédiablement, quelle catastrophe!

- Ce n'est qu'un objet!

- Pas vraiment, le stylo parfois c'est la vie. On note tout avec, sans stylo pas de poèmes du nouveau siècle. Oh bien sûr, me direz-vous, il y a toujours l'ordinateur, les données informatiques: tous ces mots qu'on n'écrit plus et qui comptent pourtant!

- Mais dire je t'aime sur un clavier est un acte de sauvage.

- Pas tout à fait, plutôt comme un acte manqué. Une ébauche si vous voulez."

La belle venait de s'enfuir, à la dérobée Quentin, je dois bien te dire que ce matin traînait dans ma rue ce petit bout de femme qui me prit au dépourvu.

"Il y a une table en bois dans une cuisine, un paquet de dix-neufs cigarettes. L'une vient d'être fumée. Le bouquin de Devos sur la table arrêté à la cent-treizième page est légèrement posé en biais. Un stylo décapuchoné à côté du livre s'asèche. Les plantes au-dessus du frigo meurent du froid qui galope sans petit bonhomme de chemin dans l'intérieur qui sent le café. Les odeurs s'en vont, les plantes gèlent, la pièce est vide de toute nature humaine. A travers la fenêtre l'ont voit le brouillard qui descend de la montagne comme une vague qui détruit toute réalité sur son passage. Elle vient tout doucement recouvrir le paysage jusqu'à cette fenêtre et je ne distingue plus que le haut d'un arbre enneigé et le haut d'un reverbère enneigé également qui clignote. Plus loin derrière le toit des maisons s'efface peu à peu, on entend le bruit de la circulation des véhicules dans la rue et pendant que les plantes au-dessus du frigo se meurt ou qu'une toile peinte il y bien trop longtemps (celle qui siège dans la cuisine) s'abîme, se craquèle, on entend le chat qui ronronne en silence, bien au chaud derrière la porte de la cuisine."

Quentin, j'ai vu ta femme, et je lui ai dit que la dernière cigarette, je l'avais encore en bouche.

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