Pages

04/12/2009

439. c'est en tant que guerrier que tu fais l'amour et en tant qu'amant que tu fais la guerre


Souvenez-vous l'an deux mil, vous étiez sur le pont quelque part à donner votre âme au diable, déjà. Vous regardiez votre reflet dans l'eau et moi j'étais imbu de mon propre chef. Plus loin nous nous sommes assis sur un banc, je lisais quelques éternels sous la lune à minuit dans le jardin du bien et du mal. Je vous rappelai les touches colorées de la nature, vous étiez l'élève et moi le professeur. Je continuais de lire, vous étiez sur moi la tête sur mes genoux, mon autre main -celle qui n'était pas occupée à tenir le livre - se perdait dans vos longues boucles fines. Je disais alors qu'il y avait un temps pour tout, j'étais convaincu que l'âme ce n'était rien d'autre que vingt-et-un grammes et un peu de farine. Je me suis trompé je l'admet. J'avais tort mais chut c'est un secret qu'il ne faut pas dénigrer entre vous et moi.

J'essayais de croire en dieu, de m'inventer des lieux de rencontre pour nous deux, vous savez très bien qu'il n'y avait ni pont ni lac ni clair de lune. Notre quotidien étouffant un beau jour a pris la poussière sans que je m'en rende compte. Nous nous sommes étouffés l'un et l'autre, l'un est parti l'autre a rendu l'arme. Il m'arrive assez souvent de ce poète que j'avais découvert un jour, par hasard, au détour d'une librairie, sur mon trône déchu alors je pense à lui, je récite, et dans le noir je cherche encore la lumière entre mes fantômes et mes cheminées et ma voix grave chuchote: "me vînt un songe après le grand enthousiasme. Car j'étais entré vainqueur dans la ville, et la foule se répandit dans une saison d'oriflammes, criant et chantant à mon passage. Et les fleurs nous faisaient un lit pour notre gloire. Mais Dieu ne m'envahit que d'un seul sentiment amer. J'étais le prisonnier, me semblait-il, d'un peuple débile."

Mais le saviez-vous que c'est en fermant des livres inachevés, des coupoles d'intelligence et des vasques immenses du savoir artisanal que j'ai compris toute la vérité à ce fin mot? J'avais dans ma main un seul livre terminé, il me fallait enfin en terminer un autre à tout prix pour prétendre changer d'opinion ou la renforcer au plus vite. C'est ce que j'ai fait en avalant la bibliothèque entière et je vous ai oubliée.


Un chemin escarpé et glissant surplombait la mer. L'orage avait crevé et la nuit coulait comme une outre pleine. Obstiné je montais vers Dieu pour lui demander la raison des choses, et me faire expliquer où conduisait l'échange que l'on avait prétendu m'imposer.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

overdose(s)