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03/12/2009

441. 21 grammes


Ronald se tenait les côtes, la lame bien planquée dans un li de son corps et chaque geste commétais sur son visage une affreuse cicatrice renversée.

"J'ai mal je crois" disait-il.

Mais Gaspard n'en avait rien à foutre, il était bien trop pété pour ça.

"Ce n'est rien, lui répondait-il, rien comparée à la souffrance que j'endure dans mon crâne."

Ronald n'a rien répondu sur le coup, il ne voulait pas donner plus d'importance encore à la blessure afin qu'elle ne puisse pas l'emporter. Il s'est mordu la lèvre un bon moment avant de chercher si le débat qu'il allait mener avait son importance ou non.

"Je suis écoeuré; continuait Gaspard assis sur une chaise à jouer avec ses mains, tout est perdu.

- Pourquoi? finit par répondre Ronald.

- Etre amoureux ne rime à rien.

- Et c'est pour ça que vous vous permettez de me planter au sens le plus vrai du terme??

- Non, c'est juste un défouloir.

- Vous devriez mesurer vos gestes mon garçon.

- Sinon?

- Eh ben ça commence comme ça et vous finissez mass murderer!"

Gaspard avait pris sa tête dans ses mains, Ronald laissait le sang se répandre entre ses doigts et couler jusque sous lui. Il se passa un temps avant que l'un d'eux en vienne à reparler, ce fût Ronald le premier qui rompit le silence:

"Et maintenant? implora-t-il.

- Je ne sais pas. Je suis perdu.

- C'est la première fois que vous faîtes ça?

- Non, je me suis déjà tué avant.

- Aaah, ça a son importance! Le suicide était-il bien commis?

- Un meurtre! le rectifia-t-il.

- Pardon?

- C'est un meurtre, pas un suicide. Je me suis vu marcher dans la rue avec mon regard paumé, je connaissais mes idées noires et je savais très bien comment parvenir à mes fins, tout ce qu'il fallait faire. Je n'ai pas hésité. Un coup de fusil dans la tête et c'était réglé.

- Et pourquoi vous en venez à me parler d'amour alors?

- C'est fini. Je pensais aimer mais mon coeur est une pierre. Je ne suis pas le narrateur, je ne suis pas amoureux-fou comme lui. Je suis la voie de la raison et j'emprunte les voix du crime pour justifier mon acte.

- Qui est?

- Il n'y a pas d'amour heureux.

- On dirait du Brassens.

- C'est de moi en fait.

- Ah!

- Tout amour doit être puni de ses crimes.

- En quoi ai-je pêché?

- Vous êtes le deuxième narrateur, l'amoureux craintif, celui qui reste toujours sur sa garde et je n'accepte pas cela. Plutôt mourir à nouveau que de ressentir cette douleur dans nos ventres. Je n'aime pas la méfiance, je n'aime pas le soucis. Je me ronge les sangs pour vous deux c'est déjà bien non? Pourquoi ajouterai-t-on une femme dans le lot?

- Parce qu'il faut bien aimer non?

- Mais aimer je veux bien moi, mais pourquoi aimer en se faisant du soucis de savoir si un autre va nous la piquer ou non? C'est ridicule d'agir ainsi mon bon monsieur!

- C'est toujours mieux que de ne pas vouloir aimer par peur d'être déçu, de ne pas s'engager par peur d'être trompé, de ne pas vouloir plus par peur de perdre au jeu plutôt que de vouloir gagner à tout prix.

- Pour vous l'amour est un jeu?

- Parfois oui.

- Mais pourquoi êtes-vous toujours sur la défensive?

- Car aimer n'empêche pas la peur. Mais le jeu en vaut parfois la chandelle. Je préfère mourir que de ne pas aimer!

- De toute façon vous n'avez plus vraiment le choix là!"

Gaspard jeta un oeil à la blessure qui s'ouvrait de plus en plus, le sang rouge et noir coulait de partout par flots, Ronald se sentait déjà partir, il empruntait la dernière voie du Seigneur pour ce tout dernier voyage que certains prétendent merveilleux. Dans un dernier soubresaut il retira la lame afin de demander de l'aide à son tueur:

"Vous voulez bien m'aider? Il désigna l'endroit ou frapper.

- Pourquoi ici précisément?

- Pour le côté incisif, j'aimerai bien passer l'arme à gauche!

- Pour moi c'est ma droite!

- Tout est question de point de vue mon pote!

- Quel rabat-joie!

- Non, soucieux du détail "mon pote"!"

Il enfonça alors la lame sur le côté gauche du corps, sur la partie inférieur du corps et Ronald se crispa un peu plus:

"ça fait un mal de chien!

- Je sais.

- Je m'en doute. La deuxième fois c'est différent quand même.

- Parce qu'on sait déjà à quoi s'attendre non?

- Plutôt parce qu'on sait que c'est pour de bon et que c'est la fin."

Il lui semblait que Ronald était parti d'un bond. Sur un banc, pas loin du métro, il y avait la photo d'une fille. Gaspard se releva pour aller chercher la photo. Au dos il y avait son numéro de téléphone et son prénom. Il se dit alors pour lui-même:

"Ouais, il est peut-être temps d'aimer."

Puis s'en alla vers d'autres aventures.

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